Cet article est une réédition (revue et corrigée) de celui paru le 14 juillet 2014 (lien)
A la mémoire de Kim Fowley, décédé ce 15 janvier 2015…
Kim Fowley, le Dorian Gray du Rock’n’Roll. Kim Fowley, c’est LE curriculum vitæ le plus impressionnant de l’ensemble des articles anachroniques. Tenez-vous bien. Outre une quarantaine d’albums solos, Kim Fowley est surtout remarquable pour avoir d’une manière ou d’une autre lancé : The Runaways, les Stooges, les Modern Lovers, Kiss, Phil Spector, les Them, Cat Stevens, les Soft Machine, KISS, Alice Cooper…
Il été ami de fac avec Nancy Sinatra et Bruce Johnston (Beach Boys), il a aidé les Flamin’ Groovies à écrire Teenage Head, aura participé au premier opus de Frank Zappa, aura assisté le bassiste des Byrds, aura travaillé dans la sex industry de Los Angeles, aura participé à la bande-son de American Graffiti, aura réalisé ses propres films… Il aura également créé la maison des musiciens camés, sorte de lieu d’accueil pour les musiciens sans argent. Keith Moon des Who, Jim Morisson, Jefferson Airplane, les Seeds, Steppenwolf… autant d’artistes qui y sont passés à leurs débuts (voir l’Interview de Kim Fowley). Et malgré tout ça, il continue de se surnommer lui-même le Lord of Garbage. My Gosh !
Vous l’aurez compris, il faudrait que Still in Rock consacre un mois entier à Kim Fowley pour couvrir son influence sur la scène mondiale. Il n’est même pas sur que la tache soit réalisable. Alors, plutôt que courir après l’impossible, concentrons nos forces sur l’un des tout premiers LP de Kim Fowley, j’ai nommé Outrageous, paru en 1968 sur Imperial Records.
“Animal Man“, le premier titre de cet album, est l’introduction idéale à Kim Fowley. Super catchy et à peine psychédélique, Kim se cache encore un peu même s’il résume déjà tout en deux phrases : I’m the Devil, I’m a Pig. Les longs solos de guitare et le son bluesy qui en ressort fait de ce titre un petit exploit à lui tout seul. La Blank Generation de Richard Hell s’est bâtie sur ces quelques secondes. “Wildfire” est beaucoup plus classique rock, on croirait avoir affaire à un vieux Clapton de la grande époque (bien que toutes les époques soient grandes avec Clapton). A little faster please, a little lourder, Kim Fowley rend déjà fou. What bothers you about everything? demande-t-il. Reality répond-il. Et puis de rajouter : I’m Not Crazy. A ce stade, nous avons déjà des doutes. La vraie face de Kim Fowley vient d’être exposée au grand jour : il a des dents longues et la peau blanche.
“Hide And Seek” est le seul titre instrumental de l’album. C’est fou comme on croirait entendre la voix de Kim. Peut-être le surnom de ce morceau est-il Jackie Brown. “Nightrider“, dans un genre semblable, aura donné des idées à Jon Spencer Blues Explosion. On y aime particulièrement les paroles, si si. Cette première moitié d’album est décidément super dynamitée, pas une seconde de répit (pas non plus dans la deuxième), chaque riff semble être là pour nous enfoncer un peu plus dans une allure de Blues Garage.
Vient ensuite “Bubble Gum“. Un des All Time classiques de Kim Fowley. Et cette fois-ci, les ressemblances avec Chain and The Gang semblent plus que jamais évidentes. Plus beau solo de l’album, “Bubble Gum” laisse déjà entre apercevoir l’amour que Kim Fowley portera plus tard à la Power Pop (il produira tant de grands groupes du genre). “Inner Space Discovery” est un morceau plus déjanté qu’il n’y paraît. C’est dire. Côté musique, l’Inner Space ne semble plus avoir aucun secret. Côté parole… the short hair people of America are truly the aliens of society. All long hair stay together, oh brothers. Assez étonnamment, “Barefoot Country Boy” enchaîne immédiatement après sur des airs de rock fifties qui ont du faire plaisir à Phil Spector.
“Caught In The Middle” se résume à un voyage en enfer où Kim Fowley assène en permanence : is there a drummer in hell? La marche funèbre qui compose la dernière minute est à la hauteur des créations les plus psychédéliques de Vanilla Fudge. “Down“, l’un des titres les plus psychés de l’album, fait finalement apparaître son Lord of Garbage. Ecoutez ce morceau une fois la nuit tombée, vous n’oublierez pas l’expérience. Et puis, avec “California Hayride“, nul doute que Kim Fowley a bien travaillé dans la X industrie et qu’il est bien FOU.
Outrageous est un exemple parmi tant d’autres (voir aussi son titre “The Trip” ci-après) de ce qu’est le génie de Kim Fowley, son seul LP à avoir intégré le Billboard 200. Outrageous, c’est une apologie du rock’n’roll. Une des premières véritables apologies… Kim Fowley dépasse les limites dans tous les domaines. Son rock’n’roll, le rock’n’roll, y est sale et délabré. Me revienne en tête les propos de Lux Interior des Cramps qui disait que le rock’n’roll est la seule musique déterministe, en cela qu’elle permet de faire le tri entre ceux qui y adhérent et ceux qui la rejette, car trop violente et trop directe, à la différence de la Pop ou de la Folk qui tendent (au minimum) à rassembler. Le rock ne rassemble pas, il fraie son chemin dans la foule, séparant en deux clans les amateurs des mécréants. Kim Fowley était de ceux qui formaient le mur de séparation.Cet homme n’est peut-être pas humain. On doute par défaut que les plus grands noms de l’Histoire du Rock le soient. Mais Kim à de quoi faire porter des soupçons tout particuliers. Influencer l’histoire de la musique avec tant de brio et d’évidence relève assurément de ce que certains appellent… DIEU (et Dieu ne meurt jamais, qu’on dit).
(mp3) Kim Fowley – The Trip (1965)
(mp3) Kim Fowley – Animal (1968)
(mp3) Kim Fowley – Caught In The Middle (1968)
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