Anachronique : Algebra Suicide (Synth-pop)

 

Algebra Suicide, c’était un duo originaire de Chicago, Lydia Tomkiw au chant et Don Hedeker à la guitare. Le couple a été fut l’un des meilleurs représentants de ce que la musique underground a souvent flirté avec la poésie. Nous avons déjà chroniqué Maggie Estep en décembre dernier, voici un autre groupe d’exception, un comme il s’en est fait seulement une poignée dans l’histoire de la musique. Inutile de chercher une multitude de références à l’écoute d’Algebra Sucide, ce groupe était des créateurs qui ne se laissaient pas embarquer dans une mode particulière.
Le groupe est l’auteur d’une poignée d’album studio. Nous nous attacherons aujourd’hui à décrypter The Secret Like Crazy, deuxième LP du groupe paru en 1987. L’album est composé de 20 morceaux, je tâcherai de ne chroniquer que les meilleurs, bien qu’il soit difficile de faire le tri. 4 morceaux de True Romance At The Worlds Fair (premier EP, 1982) sont inclus, trois de An Explanation for That Flock of Crows (deuxième EP, 1985) le sont également et six proviennent de Big Skin (le premier album du groupe, 1986). Cet album a le mérite de condenser une partie de l’histoire du groupe, à laquelle il ajoute sept inédits. La cohérence d’ensemble n’en est que plus remarquable.
La poésie monotone de Lydia Tomkiw y est assurément dérangeante. L’écoute d’à-peu-près n’importe quel titre d’Algebra Suicide permet de se faire un bon avis de ce qu’il était. “Little Dead Bodies” joue immédiatement dans la cour des grands. Si l’on pourrait longtemps débattre du véritable sens des paroles, on notera d’ores et déjà l’aspect super analogique de cette création. Et puis, la guitare a la force de son époque, bien qu’avant-gardiste puisque déjà grungy.
Somewhat Bleecker Street“, c’est une satire New-Yorkaise, l’esprit punk que le rock’n’roll doit porter. C’est ce genre de morceaux qui fait d’Algebra Suicide un groupe disruptif et en dehors du système, lui aussi. “Gist” fait état d’une instru similaire, pour quoi il faut je crois porter notre attention sur les paroles, une fois encore. “Father’s By The Door” a le ton plus grave. C’est ce que l’on retrouve sur “Sinister“, quelques titres plus loin. La guitare de Don Hedeker vient se poser sur la poésie inspirée de la Beat Generation de Lydia Tomkiw, une fois de plus sur “Tractor Pull“. La boite à rythmes, quant à elle, ne semble pas plus cantonner le groupe, les envolées de “Tuesday Tastes Good” attestent également de son potentiel psyché.

 

Le son du synthé à quelque chose de très singulier sur “In Bed With Boys“, la raison de notre attachement à ce morceau dès les premières secondes. Lydia se permet le récit de ses conquêtes, eux que ont des hands too sweaty to hold and their backs wetting the bed. Ce sont les femmes qui sont ensuite visées sur “True Romance At The World’s Fair“, commençant ainsi, A whispered remark changed a girl’s life. Et puis, la rencontre des deux sexes se fait finalement sur “Tonight“, cette soirée où there is no moonlight; no fragrance, no rawness, no luck. On est plus que jamais sur les traces de la beat generation. Une phrase résume Algebra Suicide : Sex or jazz or both. But not tonight. C’est tout le paradoxe d’Algebra Sucide, un groupe qui donne à entendre la fantaisie d’une génération désabusée. Cette décadence, c’est “Please Respect Our Decadence” qui la poursuit. L’enchaînement de cette tracklist est absolument parfois. Everybody’s dying, so we send them flowers.
Heat Wave” est en effet plus new wave. Algebra conserve son thème, j’en veux pour prouver ce Sunday is a killer. I want a festive time, a darling illness. Pourtant, on trouve là une gaîté supplémentaire dans l’orchestration et dans la voix de Lydia Tomkiw qui contraste avec le message, Nothing can shimmy. Nothing can dance, du Algebra Suicide en puissance. “No War Bride” déplore les moments loin de la guerre. Et puis, sans surprise, “Lethargy” s’introduit ainsi : Everyone is so boring. C’est le Algebra Suicide le plus ténébreux qui se montre à nous. Le groupe doit être plongé dans la pénombre, c’est du Beetlejuice en puissance.
Avec “Amusing One’s Self” débute le final absolument imbattable de cet album. C’est cynique et génialement à l’image de ce “It’s easy, like sending a card to yourself on your birthday and crying when you get it, ’cause someone remembered!’“. Et puis, Algebra Suicide sort de la première fois de son manoir sur “Recalling The Last Encounter“. La belle gothique vient alors se positionner au milieu de la rue. Tout est noir et blanc, les passants ont le regard malicieux, ils nous menacent, nous sommes enfermés dans un film de Burton. Et puis, Lydia Tomkiw se questionne encore sur le suicide, le thème récurant de The Secret Like Crazy. “Seasonal Zombies” annonce la fin. Cette même pop synthétisée nous convie au royaume des immortels, là où Algebra nous attend. C’est finalement “Agitation” qui nous donne à entendre les dernières notes. L’album aura bien plus agité nos neurones que nos hanches, alors, lorsque le thème revient une dernière fois, on se dit qu’il est peut-être temps.
Voilà, j’aurai donc sélectionné les meilleurs titres : l’intégralité de cet album. The Secret Like Crazy s’en tient à son thème principal et le tourne dans tous les sens, à la façon d’un opus de poésie qui ne serait concentré que sur l’automne. On y retrouve une délicatesse comparable à celle de Winona Ryder, un beat à la Magie Estep et la pop de Nico, album Chelsea Girl.Il y a également, avec Algebra Suicide, cette sensation de bien-être que l’on retrouvera dans l’article de vendredi. Pourtant, les titres sont souvent tristes et le minimalisme de la synth-pop du groupe a pour effet de renforcer les paroles. Ceci n’est pas pour nous gêner, on lance la lecture d’Algebra Suicide lorsque l’envie d’un moment pour soi se fait ressentir.

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