Beaucoup des titans de la musique psychédélique ont déjà fait l’objet d’un article anachronique.
The West Coast Pop Art Experimental Band manquait à l’appel, une bévue que je corrige aujourd’hui. The West Coast Pop Art Experimental Band, c’est un groupe originaire de Los Angeles qui aura fait paraître un total de 5 albums studio. C’est aussi et surtout le groupe aux mille mystères.Originalement composé de trois membres, The West Coast Pop Art a la réputation d’avoir vendu son âme au diable à l’occasion d’une soirée organisée par
Kim Fowley. Bob Markley, un avocat américain d’une trentaine d’années, décrit comme un riche héritier à la recherche de jeunes groupies, aurait un jour dit aux membres du groupe “
je veux être dans votre groupe. Je vous paierai les instruments et tout le matériel et vous n’aurez qu’à me faire jouer du tambourin. Ou ce que vous voudrez.” Légende ou vérité, toujours est-il que Bob Markley parviendra à s’immiscer dans chacun des aspects de cette formation, choisissant son nom, la façon de jouer des instruments, sa communication… Toujours est-il que le groupe avait pour ambition de rendre la pareille à Andy Warhol et les Velvet Underground, et s’il est difficile de dire que l’objectif a été atteint, on se rend tout de même compte que viser haut lui aura permis une certaine postérité.
Le groupe fait paraître son premier album en 1966. Ce Volume One est une sorte de compilation de reprises dont quelques-unes valent assurément le détour. WCPAEB atterrit ensuite sur Reprise Records, un label a dominante folk qui avait également Sinatra et Neil Young dans son catalogue. Il sort alors son premier album véritable, Part One. Cet LP a la réputation de laisser paraître la tension entre Bob Markley et les membres du groupe qui dénonçait les paroles pseudo-psychédéliques qu’il avait choisi. Il est, surtout, une pièce de musique expérimentale qui mérite toute votre attention.
Le premier morceau, “
Shifting Sands“, marque par la clarté de la voix de Shaun Harris. Et puis, il y a aussi quelque chose des Doors dans ce titre-là, une certaine poésie que l’on retrouvera de nombreuses fois dans cet LP. Vient ensuite “
I Won’t Hurt You“, le petit miracle de cet album, un titre de velours qui écarte tout psychédélisme/expérimental de l’aquéation. S’il n’est en cela pas le morceau le plus représentatif de ce que contient cet LP, il n’en demeure pas moins un indispensable de votre discographie.Avec “
1906” arrivent les premières étrangetés. Ce titre est une sorte de symbole de ce qu’était The West Coast Pop Art Experimental Band à l’époque. On y entend un Bob Markley énigmatique, un chorus qui annonce les prémisses de la pop spectrale ainsi qu’un rythme sixties fidèle aux Kinks. “
Help, I’m A Rock“, pour sa part, est une reprise du génial Frank Zappa (
dont je vous recommande vivement cet interview), un véritable morceau expérimental, surement le premier de cet LP.
Shock Corridor n’a jamais semblé si proche.
“Will You Walk With Me” revient sur un terrain plus accessible, du George Harrison en puissance. “Transparent Day” est probablement plus proche des Byrds et force est de constater que WCPAEB s’en sort également fort bien. On est en plein dans les sixties. “Here’s Where You Belong” se veut du même calibre, le genre de titre de pop qui semblait destiné à la petite midinette encore toute frêle. Oui, mais seulement voilà, les deux morceaux sont entrecoupés par “Leiyla“, un titre illisible. Une guitare de folk vient ponctuer un morceau qui, à lui seul, vient justifier l’étiquette instrumentale du groupe. La production est un véritable tour de force, chaque instrument trouve sa place dans un paysage sonore complexe.
“If You Want This Love” entame le trio final. The West Coast Pop Art Experimental Band brouille encore les cartes avec un morceau tout ce qu’il y a de plus sixties. Le groupe se la joue ensoleillé, “lipstick kiss” et refrain incessant. Une fois encore, le soin apporté à la production ainsi que la douceur de la voix de Shaun Harris viennent tous deux nous rappeler bien plus à la douceur printanière qu’à la noirceur des intru’ plus expérimentale. “‘Scuse Me, Miss Rose“, pour sa part, respire encore le titre des Kinks, avec tout ce que cela contient de joie et de nostalgie. “High Coin“, enfin, vient conclure sur un peu de folk, allez comprendre. À noter, le titre a été composé par Van Dyke Parks, un collaborateur et ami de Brian Wilson…
Si The West Coast Pop Art Experimental Band n’aura jamais connu le moindre succès de son vivant, notons qu’il fait aujourd’hui l’objet d’un véritable culte. Ainsi le retrouve-t-on dans de nombreuses compilations, dont
Where the Action Is! Los Angeles Nuggets 1965-1968,
Psychedelic Pop Nuggets from the WEA Vaults ou encore la belle
Psychedelic Roses. Peut-être tout cela est-il aidé par
le mystère qui entoure sa formation (le dos de la pochette du premier album exclu Bob Markley), ses paroles, sa volonté jazz, avant-garde, expérimentale…).
The West Coast Pop Art Experimental Band est finalement une belle leçon d’humilité. Le nom du groupe respire le cliché commercial, la présence de Bob Markley laissait entendre une musique taillée pour le Hit 100, et pourtant, The West Coast Pop Art Experimental Band aura délivré une véritable musique expérimentale, avec tout ce que cela implique. Certes, l’implication de
Kim Fowley laissait présager des qualités artistiques du groupe, mais voici qu’une écoute prolongée de ce
Part One la confirme largement. Bob Markley aura fini ses jours dans un hospice en 2003, loin de la lumière qu’il a toujours recherchée. On se dit que le mystère The West Coast Pop Art Experimental Band planera longtemps, comme admettre qu’un groupe pre-Blank Generation ait pu éviter tous les écueils de ce mode de fonctionnement ?
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