Meatbodies est un groupe originaire de Monrovia (Californie) que l’on connaît pour être le projet de Chad Ubovich, par ailleurs membre de Fuzz et du Ty Segall Band. Son deuxième album, Alice, vient tout juste de paraître via In The Red Recordings, l’excellent label de Larry Hardy avec qui nous avions fait une longue interview il y a quelques mois de cela.
Côté casting, il y a du beau monde. On retrouve J.J. Golden au mastering, lui qui a également bossé sur l’album II de Fuzz et avec The Hunches.Quant à Eric “King Riff” Bauer, c’est le producteur. Il s’était déjà exercé avec Mikal Cronin et Ty Segall – sur ses $ingle$ 2. Bref, tout est là pour faire de cet Alice l’un des albums de l’année 2017, mais voyons cela plus en détail.
“The Burning Fields” est une longue introduction qui nous fait lentement rentrer dans l’univers de cet LP. Vient alors “Kings“, le premier titre véritable et déjà la petite promesse d’un monde plus violent et plus coloré. “Alice” est pour sa part très bien produit, assurément moins rentre dedans que les morceaux de son premier album, mais le virage est joliment fait. Le titre est varié et il s’écarte des structures préfabriquées qui rappellent Hollywood avec leurs films courus d’avance. “Alice” est donc plus intellectuel que les morceaux que nous connaissions du groupe, mais après tout, on écoutera le premier album lorsqu’on aura envie d’un peu de frénésie, et cet second essai lorsque l’on voudra plus de contention.
“Creature Feature” enchaine dans un style similaire, assez proche de CFM en termes de prod’ post-psychée. Meatbodies s’est tourné vers un patchwork sonore bien fourni. La voix est très bien exploitée, c’est franchement réussi. La batterie est plutôt sèche, ce qui contraste avec la voix qui est bien travaillée. Meatbodies vient de franchir un cap, c’est désormais acquis. Le final n’en fait pas trop, il joue la retenue qu’il contient difficilement.
“Disciples” est finalement assez représentatif du nouveau visage de Meatbodies. Les couplets sont assez fidèles à ce qu’il faisait en 2015 – une sorte de bouilli fuzz qui nous avait procuré quelques frissons – tandis que le reffrain est bien mieux produit, la voix de Chad Ubovich trouve une place particulière qui en fait autre chose qu’un autre instrument. Il n’en demeure pas moins que la dernière minute va chercher dans un stoner pysché qui est décidément à la mode, Thee Oh Sees et CFM en tête d’affiche. “Scavenger” clôt la première face de cet LP. Plus pop que les précédents, il maintient une cohérence d’ensemble avec un aspect nasillard qui nous rappelle que quelques bizarreries sont toujours au coin de la rue.
“Touchless” introduit la face B dans un style similaire et vient ensuite “Count Your Fears“, assurément le morceau le plus noir de cet LP. Logiquement plus proche des sons de son album éponyme, il ne doit pas cacher une volonté qui dépasse le simple morceau stoner. La partie vocale oscille entre Black Sabbath et Queen, c’est plutôt étrange, mais c’est assez captivant.
“Haunted History” repart sur des bases plus rythmées. On pourra – cette fois-ci – reproché à Meatbodies d’avoir délivré un morceau un brin trop linéaire, coupant avec la volonté de l’album qui semble d’être de ne jamais nous donner ce que l’on attend… lorsqu’on l’attend.
“Gyre” est assez fidèle au son de cet LP. Plutôt aride et dépouillé, il reprend le son parfois très fourni des LPs de stoner qui ne semblent ne jamais avoir peur de trop en faire. Meatbodies est arrivé à maturité et au final, les phases instrumentales de “Gyre” sont une belle démonstration de ce que rester minimaliste assure l’efficacité des quelques explosions sonores. Quant à “Fools Fold Their Hands (Grievous Evils Under the Sun)“, il joue en plein sa carte de titre conclusif.
Avec Alice, Meatbodies joue la carte de la semi-surprise. Surprise parce que les morceaux sont assez déstructurés et qu’ils font preuve d’un brin plus de retenue que ceux de Meatbodies qui partaient dans d’immenses phases instrumentales psychées que le groupe a ici supprimées Surprise aussi parce que Meatbodies ne délivre pas l’album que l’on attendait, surprise, il innove sans faire dans un rentre-dedans à tout prix comme le fond les groupes qui écoutent Blue Cheer ! Semi-surprise parce que Meatbodies reste tout de même accroché à son stoner psyché, et il a raison, ça lui va drôlement bien. Cet album vient ainsi renforcer le mouvement (re)initié par Dwyer en 2015 avec son album Mutilator Defeated At Last. Peut-être son stoner est-il plus athlétique – une sorte de stoner pour frat’ boys qui veulent philosopher ensemble – mais toujours est-il que l’on gravite toujours avec joie dans les sphères de In The Red Recordings, un label qui marquera son temps.
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