J’ai toujours beaucoup écrit sur Cass McCombs, sans jamais ne savoir trop où me placer vis-à-vis de sa musique. Il faut dire qu’elle est très mélancolique, et moi qui tendance à trop l’être, j’ai toujours eu un rapport difficile avec cette dernière. Cela ne m’a jamais m’empêché de la tenir comme l’une des plus importantes de la décennie – je suis convaincu depuis son album Wit’s End (2011) qu’il fait partie des meilleurs songwriters de la scène, et pourtant, je ne suis jamais parvenu à m’expliquer ce qui fait de sa musique une expérience à part.
Oh, j’ai bien effleuré quelques pistes : sa voix grave et nonchalante, son instru’ plus variée que celle des autres, ses paroles poétiques, ses accents sudistes… Il y a de tout ça, certes, mais j’en ai toujours perdu mes mots lorsqu’arrivait le moment de décrire “l’alchimie Cass McCombs”. Et plutôt que de tomber dans le cliché du petit blog de musique qui parle d’envolées lyriques et de communion entre un artiste qui nous “prend la main” et un public amoureux, je voulais me contenter d’une critique froide, très froide, pour contraster avec ce que sa musique me fait. Mais je crois avoir finalement trouvé une explication à celle-ci, et comme je veux tout intellectualiser, cela me convient parfaitement.
La basse de Cass McCombs a toujours été proéminente. J’en veux pour exemple “If You Loved Me Before…“. C’est donc sans surprise, mais non sans émois, que j’écoute celle de “I Followed The River South To What“. Et sur “The Great Pixley Train Robbery” déjà, il part rejoindre Kurt Vile au pays des artistes underground qui n’ont pas peur du Texas. Seulement, Cass est bien moins inclusif que Kurt. La désolation qu’il exprime à chaque instant est trop intrigante pour convaincre le plus grand nombre. Elle me fascine.
Lorsqu’il est plus léger, je suis moins convaincu. C’est le cas sur “Estrella“, “Sleeping Volcanoes” et “Prayer For Another Day“. Heureusement, ces morceaux sont immédiatement compensés par “Absentee“, et c’est à la première écoute de ce dernier que j’ai finalement réalisé ce qui m’a toujours fasciné chez Cass McCombs : il m’évoque la peinture de Monet et des impressionnistes.
Je cite : “Ce mouvement pictural est principalement caractérisé par des tableaux de petit format, des traits de pinceau visibles, la composition ouverte, l’utilisation d’angles de vue inhabituels, une tendance à noter les impressions fugitives, la mobilité des phénomènes climatiques et lumineux, plutôt que l’aspect stable et conceptuel des choses, et à les reporter directement sur la toile“.
Voilà donc la clé de ma compréhension. Cass McCombs entretient ce flou des coups de pinceau avec des accords qui ne sont jamais stables, effectivement. Cass McCombs romance des paysages sans jamais les ancrer entièrement. C’est pour cela qu’il varie autant, que ses enregistrements jouent sur différents effets studio…
Je poursuis : “Les peintres impressionnistes, qui se veulent – avant tout – peintres du concret et du vivant, choisissent leurs sujets dans les paysages ou les scènes quotidiennes de la vie contemporaine librement interprétés et recréés selon la vision et la sensibilité personnelle de chacun d’eux“. Lorsqu’arrive “Real Life“, je ne suis donc plus surpris. Il est vrai que Cass McCombs a souvent dépeint le quotidien d’une vie simple. Voyez “My Sister My Spouse“.
J’en conclus que l’impressionnisme est donc la peinture du mouvement et les élans de la musique de Cass McCombs, ceux de “Sidewalk Bop After Suicide” ou de “Rounder” ne pourraient mieux l’illustrer. Tout colle donc sans le moindre accroc. Je viens de théoriser ma mélancolie pour mieux la tenir à l’écart.
(mp3)
Tracklist: Tip Of The Sphere (LP, Anti-, 2019)
1. I Followed The River South To What
2. The Great Pixley Train Robbery
3. Estrella
4. Absentee
5. Real Life
6. Sleeping Volcanoes
7. Sidewalk Bop After Suicide
8. Prayer For Another Day
9. American Canyon Sutra
10. Tying Up Loose Ends
11. Rounder
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