Dès les premières apparitions des Strokes à Brooklyn, le groupe est présenté, au côté des White Stripes, comme étant le ” sauveur du Rock’n’Roll “, c’est peu dire. Dix ans plus tard, The Strokes fait paraitre (le 22 mars prochain) un quatrième album, “Angles“, fait d’electronic pop, cheesy ’80s synth, et j’en passe et des meilleures. En bref, le chemin fut long, particulièrement la dernière ligne droite depuis 2006 et l’attente d’un nouvel opus.
Jamais les Strokes n’ont livré un album aussi riche, les références musicales y sont nombreuses et Angles finit par être une pièce extrêmement convaincante des Strokes, une pièce indispensable à l’édifice d’une légende. Angles est une réussite unique en ce sens que les Strokes ne rajoutent aucun instrument à leur gamme et parviennent malgré tout à faire sonner chacun des titres complètement différemment.
Cet album est plus expérimental que jamais, pourtant, The Strokes conserve ses points forts : bien entendu la voix de Julian Casablancas toujours partagée entre ses pics de rock et sa parfaite nonchalance. Elle est parfois transformée au point que l’on pourrait croire entendre un demi-dieu – demi-robot chanter. Aussi, l’interaction unique au monde entre deux guitaristes de grande qualité, j’ai nommé Albert Hammond Jr. et Nick Valensi, assume des pistes de guitare parfaites.
Mis à part pour les 3 premiers titres de l’album, tous les membres des Strokes ont participé à l’écriture des chansons. Cet album est celui où les membres des Strokes acquièrent définitivement un statut de dieu du rock. Cela est en partie dû à la méthode de création peu orthodoxe de cet album, Julian absent des sessions d’enregistrement. Nick Valensi affirme avec force son exceptionnel talent de guitariste, tout comme Fabrizio Moretti s’affirme à la batterie, son jeu étant lui aussi excellent. Alors oui, ce quatrième album ne sonne pas comme Is This It, oui cet album ne sauvera pas le rock, en revanche, cet album perpétura la réputation d’un des plus grands groupes de l’histoire, affirmera le talent des 5 membres, affirmera aussi que les Strokes sont encore et toujours à la hauteur d’un statut incroyable.
Chronique détaillée à lire en même temps que l’écoute de l’album :
- Machu Picchu : premier titre et première claque. The Strokes assume d’entrée de jeu tout le génialissime paradoxe d’Angles : novateur en de nombreux points et conservateur des clés du génie. La guitare de Nick Valensi pose quelques rifts ravageurs et Julian assume le show ce notamment sur un final à la hauteur des plus grands titres du groupe.
- Under Cover Of Darkness : le premier single du groupe, nous écrivions ces quelques lignes à sa sortie : ” cette chanson est à elle seule un concentré de ce que les Strokes savent faire de mieux : un riff unique, la voix Julian mise en évidence, des coeurs en fin de titre (la marque de Albert), et surtout, un son digne de “Is This It” (pochette), le premier album studio des Strokes, à ne pas en douter l’empreinte de Nikolai Fraiture “. (article ici)
- Two Kinds Of Happiness : La première véritable marque du renouveau des Strokes. Ce renouveau présente plusieurs facettes dont celui-ci, très années 80. Julian est à l’origine principale de ce titre, on y sent l’influence vocale de Springsteen, voir celle de The Cure. Remarquable.
- You’re So Right : “Cette chanson n’ajoute pas un incroyable titre de plus au groupe des Strokes, il ajoute quelque chose au groupe lui même, lui donne une dimension encore nouvelle. Eux, pionniers en leur domaine, eux, adulés par des millions de fans, eux, génies parmi les génies, ils se réinventent encore. Cette performance est absolument incroyable. Longue vie à ce groupe qui restera dans l’histoire”. (article ici)
- Taken For A Fool : À chacun des débuts des titres de l’album, on est tenté de dire que le morceau à venir est le meilleur de l’album. Taken For A Fool n’échappe pas à la règle. L’un des meilleurs Strokes de l’histoire. Prodigieux.
- Games : un titre très années 1980. Peut-être la première fois que les Strokes octroient une place aussi importante à la basse. Games est la traversée de plusieurs univers, à l’image d’un jeu vidéo où le personnage évolue sur plusieurs tableaux successifs. La dernière minute est EXTRAORDINAIRE. Julian fait ses vocalises sur un combo guitare-batterie de toute beauté, l’un des meilleurs passages de l’album, si ce n’est le meilleur.
- Call Me Back : une voix de Julian qui rappelle “I’ll Try Anything Once”. Quelle évolution ! Une révolution évolutive. Cette chanson est impensable en 2001 lorsque le groupe sort son premier album écrit dans des bars de Brooklyn. Et pourtant, cette révolution se fait dans la continuité du génie du groupe. Call me Back, une pièce désormais indispensable aux Strokes, une pièce de crooning géniale.
- Gratisfaction : dans la lignée directe de “First Impressions of Earth“. On tire sur du “Room on Fire” pour un refrain à l’image de “Reptilla“. Gratisfaction est une pure pièce rock, le genre de Strokes d’un temps où ils allaient révolutionner la musique. Si la référence à Lou Reed s’impose, Gratisfaction, The Strokes et rien d’autre.
- Metabolism : Noire comme “You’re So Right“, magique comme les autres. Point de transformation moléculaire, un titre transcendant pour autant, façon “Electricityscape“. À noter, une affreuse référence à Muse sur le refrain, heureusement des bribes d’un bon Radiohead et la résurgence de l’univers des Strokes pour le reste viennent donner une couleur très intéressante à un titre surprenant. Il aurait simplement fallu enlever ces coeurs en fin de titre. La Strokes-guitare vient relever le niveau.
- Life Is Simple In The Moonlight : Ce titre se glisse dans soucis dans “Is This It“. L’atmosphère ici dégagée est très particulière, alors que le refrain est guilleret, les couplets respirent la solitude. Surement est-ce le propre d’une ballade. “In the light of the living ghost I see, she sees her father in the old man’s eyes“ pour les paroles, de quoi insérer une ambiance pesante. L’influence de Phoenix est là aussi évidente. Quel plaisir. Finalement, la petite montée de la guitare à 2min40 est tellement symbolique des Strokes (toujours des “solos” de 10 secondes) qu’elle rend magique un titre qui bien clôturer un album grandiose.
Angles est un ensemble de singles en puissance, des titres disparates, tous plus géniaux et surprenant les uns que les autres. La voix de Julian est arrangée différemment sur chaque titre, le travail d’enregistrement et de mixage a été énorme. Et pourtant, Joe Chiccarelli, le producteur, fut éjecté en cours de création de l’album et les Strokes ont fini par enregistrer certains titres eux même dans les studios privés d’Hammond. L’apparente mésentente du groupe est peut-être réelle, cet album n’en retranscrit qu’une partie à travers la richesse de ces titres, pour le reste, la cohésion semble à son maximum, et le génie du groupe exprimé à son paroxysme.
Le groupe semble disposer à produire, un jour, un 5ème album. Quelle direction amorcée sur Angles emprunteront-ils ? En attendant d’en savoir plus, jouissons de cet opus hors norme. Finissons cette chronique par une considération des Strokes, lorsque sur “The Modern Age“, Julian disait “Work hard and say it’s easy“, à l’exacte image de ce très grand album.
Note : 9,4 / 10 (barème)
(mp3) The Strokes – Machu Picchu
(mp3) The Strokes – Taken For A Fool
Liens afférents :
Article sur Under Cover Of Darkness
8 Comments
-
Celia
PS : Je sais pas ce que t'as trouve a la video pour UTCOD lol. C'est tres vide, il se passe rien (bonne interpretation parcontre, j'y avais pas pense ;).
Mais au moins ca a eu le merite de confirmer l'excellent gout vestimentaire de Casablancas (j'aimerai tellement avoir un copain a qui piquer les vestes en cuir, urgh) -
Still in Rock
Alors, guitares parfaites, on est OK. Ressemblance avec Phrazes, j'acquiesce pour une partie. Pour les transitions, j'ai mis un 8/10 lors de l'élaboration de la notation, le plus "mauvais" critère. Pourquoi ? Parce qu'ils est vrai que la cohérence manque peut-être un peu, mais qu'après tout, ces titres forment tous ensemble un album d'exception.
Pour ce qui est d'un 5ème album, Julian a annoncé à Pitchfork en personne : "Je pense vraiment qu"il y aura un 5ème album des Strokes. Enfin, je l'espère". Et si Julian le veut … 😉
Enfin, la vidéo de UTCOD, rien d'exceptionnel, mais un style parfait, et une excellente idée que celle de mettre un groupe de rock en formation de joueurs de musique classique. Le tout dégage une esthétique ô combien agréable.
Voilou !
-
Anonyme
Je suis 100% d'accord avec cette critique.
-
Anonyme
Raaaaaaah ca fait du bien de lire une critique hypraélogieuse sur ce groupe de malade.
Sans déc' , comment on peut etre petit et distant ,comme on le voit un peu partout , avec les Strokes ??
Ouais il est bordélique , ouais il semble pour le moins inégal à la première écoute mais c'est le meilleur groupe ( à savoir 5 membres qui savent jouer et composer ensemble ) ou quoi ??? -
Cécile
Je suis tellement heureuse d'avoir enfin trouvé une critique qui rend honneur aux Strokes. Ces gens ne sont pas des rockstar, ce sont des artistes.
-
Anonyme
Je suis heureux d'écouter les Strokes.
-
Bart
Cet album est.. nul… Les Strokes font la même chose depuis 10 ans, je ne comprends pas comment on peut y trouver un génie quelconque. C'est un groupe sympathique au demeurant, sûrement pas des rockstars. Ils seraient très bien pour une première partie des Libertines, à l'occasion.
Celia
Back (dsl deux semaines tressss chargees)
Alors, alors. Bon j'ai pas ecoute cet album a fond, telecharge hier soir, pas encore digere apres seulement deux, trois ecoutes. Donc je me passerais de commentaires tres profond sur la chose.
Je suis d'accord sur casiment tout ce que tu dis dans le paragraphe introductif.
Sauf… sauf ce qui est en gras.
Je sais que c'est vachement relie dans les medias mais je trouve que c'est peu etre un peu trop excessif. Surtout pour cet album qui n'est pas vraiment ne dans les conditions les plus ideales.
(Apres c'est peut etre moi aussi qui ait horreur d'etre dans les extremes :p whatever…)
Les guitars sont parfaites. Tout ce qui est electronique se melange gracieusement avec la <3 voix <3 de Julian. No complaints.
Je m'attendais pas a un album comme ca. Je pensais que You're So Right etait le odd one dans l'album et que ce celui-ci serait plus ressemblant a This Is It; donc un peu plus organique. Finalement c'est Under The Cover Of Darkness qui joue le role de ''l'intrus''.
Beaucoup de ressemblance avec Phrazes For The Young. Ce qui est assez etrange quand tu sais que Julian a en partie ete ecarte du processus.
Lyrically speaking je ne peux pas encore me prononcer, parce que apres deux ecoutes et avec une voix difficilement audible/discernable, ca va mettre du temps.
Mais globalement j'ai l'impression que c'est tres proche de ce qui se dit dans Under The Cover Of Darkness. En gros, les difficiles rapports avec les autres, et comment dealer avec. On se demande ou ils sont aller pecher ca…
A ce moment precis, mon seul probleme c'est que y a des transitions entre chansons que je trouve un peu mauvaises. Mais j'attends d'avoir une meilleur vue d'ensemble.
Pour finir ce commentaire qui n'en finit pas : pour avoir lu l'interview des Inrocks avec Nikolai Fraiture, je me dis qu'il n'y a absolument aucun moyen qu'un autre album des Strokes voit le jour (sauf banqueroute bien sur…)