Album Review : Total Slacker
Slip Away
——– FRENCH VERSION (english below)
Total Slacker. Nous l’avions dit, le deuxième album de Total Slacker s’annonçait comme l’un des meilleurs opus de l’année. Coupons court à tout suspens, cet opus concourra bien pour le titre de meilleur LP de l’année 2014. Eh oui, déjà. A paraître le 11 février prochain sur Black Bell Records, je peine toujours à croire à la réalité de ces morceaux. Explications.
Déjà, le premier opus de Total Slacker avait clairement démontré ses qualités. Trashin’ était un opus over-ironic, très lumineux. Le groupe avait déjà pu s’imposer comme leader de la scène grunge. Nous savions que Slip Away serait un opus génial. Mais jamais nous n’aurions osé espérer quelque chose de cette qualité. La sensation d’invincibilité qui se dégage de Slip Away ne m’avait plus frappé depuis Lonerism de Tame Impala (meilleur album de l’année 2012). L’intégralité de ces titres est faite d’une mélodie imparable qui vient toujours se conclure sur quelques solos de guitare à faire suffoquer. Le tout est si noir et si profond qu’on en perdrait tout sens des réalités.
Nécessairement, l’écoute de Slip Away rappelle la crème des meilleurs albums grunge de tous les temps, de Nirvana, en passant par Mudhoney, Dinosaur Jr., Alice in Chains, ou des groupes moins connus tels que Mother Love Bone, Screaming Trees ou Jane’s Addiction pour le côté troisième degré. Mais une différence majeure avec tous ces albums se fait rapidement jour : chaque titre est ici accompagné d’un tourbillon sonore comme je n’ai pas le souvenir d’en avoir entendu. Slip Away a dans le sang quelque chose d’inconnu, peut être ce qui touche au plus profond de la musique. L’une des forces prééminentes de Total Slacker réside également dans son sens de la dérision. Le nom des titres, les paroles, les structures, tout porte à ressusciter l’esprit fuck it des années 90’. Au fil des écoutes, on se retrouve à se remémorer les meilleurs slashers, ces films qui collent si bien à l’univers du groupe. Alors, quels titres, sinon tous, méritent la Légion d’honneur ? Réponse dans le track-by-track :
- Out of Body Experience : Pourquoi débuter autrement que sur les chapeaux de roues. Total Slacker ne se voile pas la face : l’objet de Slip Away va être de nous décoller les tympans autant que donner à mémé la crise cardiaque qui rodait. La guitare rebondit tellement que Total Slacker parvient à nous enivrer dès les toutes premières secondes de son album. Dire que ça commence très fort serait un euphémisme. Ce body experience, où sublimation rime avec fuzz-crime, nous oriente déjà vers l’American Psycho de Harron, une appellation qui aurait parfaitement collé à cet opus.
- Keep The Ships At Bay (article) : Cunningham a déjà fait l’erreur, en 1980, de nous envoyer sur une barque à l’occasion de Friday the 13th. Total Slacker entend bien ne plus commettre cette même bévue, les ships resteront à l’encre. Morceau officiellement dévoilé en janvier dernier (et déjà présent sur la session Swan7 Studio du groupe, voir l’Interview) on tient là l’une des toutes meilleures créations de l’année 2014. Le grunge atteint ses plus hauts sommets, tous groupes, toutes époques confondues. La gravité de la guitare qui nous heurte sur le refrain n’en finira jamais de nous donner les frissons. Ce titre parvient à transcender toute l’énergie qui se trouve dans le genre humain. Rien de moins.
- Sometimes You Gotta Die (article) : Nous avons tant dit sur ce morceau. On retrouve un titre créé il y a quelques années et déjà présent sur la session Daytrotter parue en 2013. Total Slacker y démontre que sa puissance ne rime pas nécessairement avec un rythme dévastateur. Bien au contraire. “Sometimes You Gotta Die” est l’une des créations les plus poignantes de tout l’album. Le son de guitare qui arrive sur la dernière minute n’est que bonus dans ce monde de perfection. Le Grand faucheur n’a jamais aussi bien jouer de la guitare. Surement le petit frère de Carpenter, à la Halloween, avait-il pris les paroles de ce morceau bien trop au pied de la lettre.
- U Ever Been Satisfied? : Tout l’honneur revient à Emily (batteur) qui parvient à lancer ce titre dans les stratosphères du groupe, un peu comme la mère du petit Andy Barclay du haut de son immeuble dans le très bon Child’s Play. On y retrouve une cohésion avec la gravité des premiers titres. Mais nécessairement, c’est ce même son de guitare, grungy à souhait, décapant, qui vient nous soulever le coeur. La voix de Tucker Rountree parfait une création que l’on va, chaque semaine, chérir tel l’ultime précieux. Lorsqu’arrive la dernière minute, on ne sait clairement plus où donner de la tête. Trop fort, c’est presque trop fort.
- Fight the Babysitter’s Boyfriend : La babysitter de Scream n’a qu’à bien se tenir, voilà qu’on en veut aussi à son boyfriend. On tient là l’une des créations les plus originales de tout l’album, surement la plus emblématique de toutes. Ah, avec une appellation pareille, on a bon jeu de se concentrer tout particulièrement sur les paroles. Ce refrain, l’un des tout meilleurs de l’album, est si grand qu’il propulse Total Slacker au panthéon du genre. “Fight the Babysitter’s Boyfriend” est l’un des titres les plus aboutis de ces derniers mois. De la trempe des morceaux de Tame Impala, éternel, absolument sensationnel, tellement irrationnel que des milliers d’écoutes ne suffiront jamais. JAMAIS.
- Who Killed Kennedy (article) : Un titre dropé sur Soundcloud il y a maintenant plusieurs mois, puis repris dans leur session Daytrotter. On y retrouve les théories conspirationnistes du “Super natural strategies for making a Rock’n’Roll group” de Ian Svenonious et toujours de cette même guitare dont la saturation parvient à entamer nos tympans. Difficile de faire plus américain, difficile de faire plus grunge. On vient officiellement de retrouver le tueur du Nightmare on Elm Street.
- Touch Yourself (article) : “Rape Me” et “Touch Yourself” seront à présent meilleurs amis. Ce titre était déjà présent sur la session Daytrotter de Total Slacker datée de 2012. Le groupe y a parfaitement conservé tout le catchy de ce titre. Après “Touch Me I’m Sick” de Mudhoney, Total Slacker poursuit l’aventure de la légende Grunge. La nuit ne serait pas silencieuse, mais bel et bien deadly, à souhait, pile comme le voulait déjà Charles Sellier en 1984.
- See Right Through : Ce genre de titre participera de créer la légende Total Slacker. Une guitare pour introduire “See Right Through“, un autre sur deux pistes pour maintenir l’effet, Total Slacker, comme n’a jamais cessé de le faire Nirvana, démontre que le grunge est avant tout une affaire de Pop, et qu’ils sont parmi les meilleurs Popwritter de leur génération. “See Right Through” est la bande-son cachée de Carrie, il est même étonnant de constater à quel point chaque parole colle parfaitement à ce film. L’immédiateté du refrain est la plus parfaite des chansons de bal, de celles qui énervent Carrie comme on l’aime.
- Thighmaster : Kurt, que ça cogne fort. Les trois premières secondes annoncent d’ailleurs la couleur : “Thighmaster” marquera 2014. Jamais nous ne pourrons écouter ce titre assez fort. “Thighmaster“, le deuxième titre le plus court de Slip Away, parvient à faire en moins de temps ce que les autres atteignent plus lentement. Un tel déferlement de riff ne nous était plus tombé dessus depuis Fuzz. Ce Thighmaster ne peut que faire référence au teenage killer du Slipaway Camp. Voilà pour quoi ce titre est probablement le plus évident de Slip Away. “Smell Like Teen Spirit” n’a que bien se tenir. Demandez l’avis de vos meilleurs amis sur ces quelques minutes, et s’ils n’acquiescent pas, reniez-les à jamais.
- Would If I Kould : On a véritablement l’impression que la foudre s’abat sur nous. Cet opus à au plus haute de ce que la musique peut procurer d’adrénaline. Slip Away vient officiellement de donner au Grunge ses plus belles lettres de noblesse. La guitare de Tucker cisaille ce titre de toutes parts. On se sent pris dans une mouvance absolument folle, une expérience unique et sincère. On peine toujours à croire que Total Slacker parvienne à maintenir une telle intensité sur la longueur. Ne nous laissons pas faire par ce refrain absolument inarrêtable. “Would If I Kould” est un morceau qui donne le tournis, il va bien trop vite pour arriver à intégrer tout le lo-fi de la guitare. La batterie rythme de “Would If I Kould” à la perfection. Admirable, magique, comme ce film de 1978.
- Super Big Gulp : Plus que deux. “Super Big Gulp” marque d’entrée sa différence. Sur de faux airs de Real Estate, pop lo-fi dreamy pour les cupcakes girls finalement très new-wave, on se rend rapidement compte que Total Slacker ne comptait pas nous laisser plus d’une seconde de répit. Sur fond de classic grunge, de la lignée de Pearl Jam, “Super Big Gulp” est véritablement l’une des créations les plus complexes de l’opus, un équivalent de “Lake of Fire“. Total Slacker fait dans l’anti-catchy pour n’accrocher l’oreille que des purs amateurs de son caverneux. Un titre à la Dinosaur Jr., assurément. Inattendu et tout aussi génial, voilà comment résumer “Super Big Gulp“.
- I Don’t Want To Be A Yuppie : Le dernier. Le dernier. Attention. Alerte rouge. L’introduction délivrée par Tucker n’est en rien représentative de ce qui vous attend. Vous croyez avoir tout vu ? Vraiment ? “I Don’t Want To Be A Yuppie” va vous arracher les dents. Ce morceau, le plus long de tout l’album, est clairement la touche du génie, de l’immortel. Total Slacker est l’ange noir qui plane au-dessus de nos têtes. Sur fond de paroles sincéro-ironique, l’album se conclut sur une nouvelle preuve de sa PERFECTION. Si la première minute est un franc hommage à Nirvana, l’arrivée massive du fuzz donne à “I Don’t Want To Be A Yuppie” toute la force Total Slacker. Un tueur à Yuppie, à la Clerks.
Ce groupe restera comme celui ayant véritablement fait renaître le Grunge de ses cendres. Slip Away est le meilleur album du genre depuis de nombreuses années. J’en arrive même à me demander si Nirvana, l’ultime, a déjà fait paraître un album aussi constant. Slip Away fait maintenant partie de ce club très select’ des opus qui parviennent à transcender un genre musical, à dépasser toutes les frontières pour finalement s’inscrire au-dessus de tout. La qualité de cet opus studio parvient à me rappeler ce que ce groupe est capable de produire en live : assurément l’un des tous, tous meilleurs concerts que je n’ai jamais vu.
Total Slacker c’est l’apologie de l’anti-scène musicale. Il est de ce genre de groupe qui dénonce cette nouvelle mode des good looking bands, de la musique qui se veut branchouille et des bars hype de Brooklyn. Slip Away un véritable opus anti système, une musique indépendante, vraiment indépendante.
Alors, et si on passait déjà à 2015 ? Ah, il va falloir que l’un des tous meilleurs artistes de la scène sorte son plus grand jeu pour venir titiller cet album de Total Slacker. Mais quoi qu’il advienne, 2014 est déjà splendide. Total Slacker vient de faire de cette année un cru exceptionnel, à lui tout seul.
(mp3) Total Slacker – Sometimes You Gotta Die
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——– ENGLISH VERSION
While I was listening to this album for the first time just a few weeks ago, I immediately had the feeling that it was too good. I couldn’t even finish. Then, timidly, I eased through the tracks and gradually became furious. Slip Away has now become a way of life for me. This album, this giant album, will hit 2014 so hard that the whole indie scene will bruise.
Total Slacker’s first album had already demonstrated what the band is capable of. Trashin’ was an over-ironic and bright album, and at the time of its release the band had already begun establishing itself as a leader of the grunge scene. But back then we would never have dared imagine something of Slip Away’s caliber. I haven’t felt invincibility oozing like this from an album since Tame Impala’s Lonerism (which was the best album of 2012). The songs on Slip Away are composed of an unstoppable melody, finished off each time with guitar soloing you into suffocation. The whole thing is so dark and deep that it steals your entire sense of reality.
Slip Away echoes the best of the best of grunge: Nirvana, Mudhoney, Alice in Chains, or lesser known bands like Mother Love Bone, Screaming Trees, and Jane’s Addiction. One major difference though is that the songs of Slip Away exist in a sound vortex that I’ve never heard before. It carries something ineffable in its blood. One of the preeminent forces of Total Slacker lies in their sense of irony. The track names, the lyrics, the structures, everything works together to reincarnate the fuck-it spirit of the 90s. The music recalls the best slasher movies, too, of the type that linger so well in the band’s territory. We recall Scream, Child’s Play, Halloween, Friday the 13th, and even American Psycho.
Ask your best friends their opinion of this album. If they don’t love it, quit them forever. Here we find touches of the immortal kind of genius. Total Slacker is a black angel flapping its wings over our heads, over the sincerely-ironic lyrics, and over the whole album, even as it finishes on a new proof of its own perfection.
Total Slacker will be remembered for raising a phoenix from grunge’s ashes. Slip Away is the best album in its genre for many years. I even wonder if Nirvana, the ultimate grunge band, ever produced anything this seamless. Slip Away is indeed in very elite company. The studio quality of the album reminds me too of what Total Slacker is capable of doing live: their show was one of the greatest I have ever seen.
Total Slacker are themselves a kind of apology to the anti-music scene. The kind of band that denounces the new trend in music of being good-looking over all else that you find in the hot bars of Brooklyn. Slip Away is an anti-systemic opus, an indie rock’s indie rock. Slip Away has given us a taste of a truly exceptional vintage. Thanks to it, 2014 is already absolutely masterful. Let’s move on to 2015.
you’re the man
Notation: 9,4 / 10
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13 Comments
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Still in Rock
La rumeur dit que le streaming ne devrait pas tarder. Je le posterai en réponse à ce message !
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Anonyme
Les avis sont plutôt mitigés sur le web, cela m'étonne au vu de votre critique.
Je me réjouis de pouvoir écouter l'album en entier ! -
Anonyme
Impossible de trouver cet album …
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Anonyme
Je ne l'ai trouvé nulle part non plus … 🙁
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Anonyme
http://www.youtube.com/watch?v=d1YshPhwgSY
Après de nombreuses recherches j'ai tout trouvé sur cette chaine YT, enjoy. -
Anonyme
Merci Anonyme, 8 tracks c'est déjà çà. N'hésitez pas à dire ce que vous en pensez…
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Kal Nimbari
impossible de télécharger l'album depuis la France, c'est réservé aux américains
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Kal Nimbari
Amazon.com me dit d'aller sur Amazon.fr, mais sur Amazon.fr, seul le vinyle est dispo. J'ai créer un compte Itunes pour rien. Même résultat sur emusic.com dont voici le message bien énervant :
We’re sorry. This album is unavailable for download in your country (France) at this time. -
Anonyme
"Cet album, ce géant, va percuter 2014 tellement fort que l’ensemble de la scène Indie va en être assommé."
Honnêtement je sais pas comment c'est depuis les US, mais depuis l'Europe l'album est introuvable…. -
Anonyme
Album introuvable, critiques très mitigées ailleurs, je comprends pas trop là…
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Anonyme
L'album est facilement trouvable désormais, enjoy ! 😀
Anonyme
Que d'éloges ! Les 2 extraits donnent envie d'en écouter plus … mais je ne trouve pas cet album en stream. Frustrant.