Après l’introduction poignante de “Ron” arrive un “Nan Ding” révélateur de ce qu’est cet album : la basse prend le lead avec de nombreux changements de rythmes, Brian McMahan parle plus qu’il ne chante et le son des guitares est agressif. “Carol” est un brin plus impressionnant. L’ambiance post apocalyptique que dégage Slint à de quoi effrayer. On écoute ce titre lorsque l’envie d’agressivité se fait entendre, en se rapprochant de l’univers de Dinosaur Jr. Vient ensuite “Kent” et ses creepy sounds, “Kent” et ses bruitages, encore un titre surprenant. Slint fait de sa musique une texture capable de toutes les variations, de tous les excès, et c’est l’oreille attentive que l’on procède à l’écoute de ce titre comme du reste de l’album. La deuxième partie du titre est pour le moins prenante. Brian nous ordonne “don’t worry about me“, et ensuite, la guitare fait son travail de sape à la perfection. Et puis, c’est au tour de “Charlotte” de venir donner le LA, titre de post rock expérimental qui nous rappelle les égarements de Thurston Moore. C’est sans compter sur la reprise soudaine de la 4eme minute, façon Fugazi. Vient ensuite “Darlene“, un titre parlé qui tranche avec la guitare assourdissante des deux titres qui l’entoure. “Pat“, l’avant-dernier morceau, détruit tous les codes pour former plus de trois minutes absolument novatrices, le genre de titre dont on se souvient sans peine. Et puis, “Rhoda” conclut l’album sur une pièce encore plus expérimentale que les autres, qui, une dernière fois, fait varier son instru’ pour faire sautiller nos âmes affolées.
“Breadcrumb Trail” semble être fait d’un son moins noir que celui de Tweez. Pourtant, Slint n’a pas perdu en intensité. “Nosferatu Man” intègre énormément de Math Rock, les sonorités éparses finissent par y former un tout d’une incroyable complexité. Ce morceau est assurément l’un des tout meilleurs de la discographie de Slint. Son final est une jubilation de haut vol. “Don, Aman” est l’un des titres les plus posé de l’histoire du groupe. Aucune batterie n’est présente, Slint semble aux antipodes de Tweez, un leurs. “Washer” est le seul titre chanté de tous les albums de Slint. On y trouve une rare sensibilité. La musique de ce morceau colle parfaitement à la pochette de l’album prise par Will Oldham dans le lac d’une carrière abandonnée. Slint y semble innocent autant qu’inquiétant. On a l’impression que les non-dits occupent une place plus importante que tout le reste. Ecoutez bien la montée en puissance qui se forme à la 7eme minute : avez-vous déjà entendu une musique plus poignante ? “For Dinner…“, dans la même veine que “Don, Aman“, laisse place à une musique reposante où la guitare fait superbement le boulot. “Good Morning, Captain” est le dernier titre du groupe, mise à part leur Untitled Slint EP (1994) qui comprendra des chutes de Tweez. Certaines versions CD de Spiderland comprendront un message disant : “this recording is meant to be listened to on vinyl“. Tout est là.
Slint porte superbement l’étiquette de Post Hardcore. On croirait entendre un groupe de War Punk fatigué par des années d’exercice. Pourtant, je le rappelle encore, le groupe a tout enregistré lorsque ses membres n’étaient qu’adolescents. Un documentaire qui vient de paraître sur l’histoire du groupe, intitulé Breadcrumb Trail, explique l’étonnement général lorsque le Monde découvrait que cette musique émanait “d’enfants”. La maturité de la musique de Slint pourrait effectivement laisser penser l’inverse tant les ambiances noirâtres de ces deux opus n’ont que peu d’égaux. Pour cela, probablement, Slint a suscité le respect des plus grands noms. Lou Barlow, de Dinosaur Jr., déclarera que cet album fluctue “du calme à la rage sans sonner comme du grunge ou du rock indé. Il sonnait davantage comme un nouveau genre de musique“. Quant à Bob Nastanovich (Silver Jews et Pavement), il n’hésitera pas à affirmer qu’il s’agit de l’un de ses albums préférés. Bien d’autres artistes légendaires déclareront leur amour à Spiderland, Tweez, et Slint. Aujourd’hui, j’espère que vous lui donnerez le vôtre.
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