Album Review : Alex Calder – Strange Dreams (Spectral Pop)



Album Review : Alex Calder

Strange Dreams


Alex Calder, je ne le présente plus. Artiste le plus prolifique de ces deux dernières années, il vient de faire paraître son deuxième opus solo. Dès la première écoute, j’ai développé une véritable fascination pour cet album. Depuis combien de temps n’avais-je pas été à ce point intrigué par un opus ? Il faut dire que son nouvel album, Strange Dreams, est absolument fantastique. Non seulement génial, on jurerait également être confronté à une pièce UFO où ni les sonorités ni sa voix ne semblent être bien humaines. On dépasse rapidement le cadre de la science-fiction pour être confronté à un univers entièrement fantasmé. On y trouve comme le bourdonnement d’une présence étrangère. Le travail de la basse y est pour beaucoup. Omniprésente, elle donne à Strange Dreams les fières allures qui nous tourmentent encore après de nombreuses écoutes.
Cet opus est trop intriguant pour que je n’aie pu résister à la tentation de questionner Alex à son sujet. Enregistré à la même période que son EP Time (article), Strange Dreams ne voit le jour qu’un an après en raison d’un désaccord avec son label de l’époque (CT). “No hard feelings” me confie-t-il, seulement, Alex était surement trop intègre pour accepter de modifier une seule once de sa musique pour des raisons commerciales. Alors voilà, Strange Dreams est un album qui se refuse à “to play the game”. Et parce qu’Alex avait ces titres en sa possession depuis fort longtemps, il a finalement craqué et a décidé de le sortir sans l’aide d’aucun label, trop impatient à l’idée de le dévoiler enfin. 
Ma discussion avec Alex m’a également appris qu’il ne pensait pas ses albums comme tels. En fait, Alex compose des titres à longueur de temps, et il les rassemblent ensuite avec passion et flânerie, en éliminant certains des maquettes de façon totalement arbitraire. L’ordre même des morceaux sur l’album relève plus du hasard que d’une science bien précise, ce que l’on ressent d’ailleurs à l’écoute de Strange Dreams. Il le dit lui-même, “when I make music I never really think of songs in terms of coming together into a concise album. That’s really hard for me, I kept rearranging it over and over, trying to think of the order of songs and what songs to put on it, but that just drives me nuts, so I sort of just threw together 11 songs randomly and made it into an album.“. Seulement, lorsqu’un artiste ne produit que des titres d’une très grande qualité, le résultat s’en trouve toujours brillant. Habitué des riffs intrigants, Strange Dreams est encore plus énigmatiques que ne le sont ses précédentes créations. Place à la critique track-by-track, sur fond d’invasion extraterrestre.


  • Retract : Je suis absolument fasciné par ce morceau. Nous connaissons ce titre depuis l’EP Fade de Mold Boy (chronique), et “Retract” n’a pas perdu en intrigue. Les échos de la guitare over-lofi semblent refléter une présence étrangère. “Retract“, hymne de la planète saturne ? On y trouve en tout cas un noir profond où seules quelques traces violettes viennent scintiller en fin de titre.
  • Strange Dreams : On continue notre visite de la Voie lactée avec un “Strange Dreams” qui réitère la prouesse de “Fatal Delay” : je ne peux m’empêcher d’y voir le Marquis de Sade chantant gaiement à la poursuite de sa nouvelle proie. Dans le même temps, Alex Calder nous dépeint ce qui semble avoir été son nouveau rêve : un tableau d’Alice au Pays des Merveilles. Rien n’y fait trop sens, mais “Strange Dreams” renfloue la trame à merveille.
  • Memory Resolve : “Memory Resolve” était le nom d’un EP de Mold Boy qui comprenait déjà ce morceau (chronique). Presque un an après, on semble toujours en être au stade de la découverte d’un titre grandiose. “Memory Resolve sera un jour amené à être la bande-son d’un grand film. On y trouve l’indissoluble des créations d’Alex Calder, ce qui en fait toujours des morceaux atemporels. Une fois encore, c’est l’aspect minimaliste de ce titre qui en fait un absolu winner.
  • The Morning : Il y a là une expérience à faire. Obéissons aux ordres et écoutons ce titre au réveil. L’assurance d’une journée spatiale. Un ovni s’approche doucement. Alex Calder a définitivement laissé place à une présence étrangère. Un spécialiste à dit un jour, “les OVNI sont des hallucinations collectives provoquées par des extraterrestres“. L’extraterrestre du jour semble être tout trouvé.
  • Slowing Down : Si l’invasion approche, il n’en demeure pas moins que c’est la fête dans le vaisseau spatial qui entre dans la Voie lactée. On développe très vite une véritable addiction pour “Slowing Down” au fil des écoutes. Ce refrain est assurément l’un des meilleurs de l’année.  Et puisqu’Alex utilise toujours cette formule où il les répète ses boucles des dizaines de fois, on laisse tomber les armes pour enfiler notre plus beau costume de cosmonaute, des fois qu’ils veulent nous emmener avec eux.
  • Born In Another Time : Un peu de Pop, “Born In Another Time” rappelle le Lost My Day (chronique) de Mold Boy. Surement autobiographique, ce morceau coupe agréablement avec les autres titres plus inexplicables.
  • Lola : Après le Lola” de Warm Soda et le “Lola” des Kinks, la trilogie est à présent complète. On y trouve le Alex Calder très Dream Pop de ses premières créations, où sa voix se confond avec une guitare langoureuse.
  • No Device : Comme une réponse à “Slowing Down“, “No Device” a lui aussi un son bien Jangle Pop où Alex Calder dévoile son visage le plus souriant. L’orchestration de ce morceau est très nourrie et le background finit par nous happer avec lui.
  • Life Purpose (feat Caitlin Loney) : Quelle découverte ! Ce titre, qui rappelle le premier album de Connan Mockasin, est le seul à featurer un autre artiste. Il s’agit d’ailleurs du titre qui préfère Alex Calder, surement à cause de la présence de Caitlin who sings in one of my favorite Montreal bands, Freelove Fenner“. Sa voix est particulièrement adaptée à cette mélodie de Film Noir. C’est l’un de grands temps forts de l’album.
  • Someone : Une fois encore, Alex Calder semble avoir décidé de reprendre les seuls titres qui avaient donné leurs noms aux EPs de Mold Boy. “Someone” nous avons déjà transcendé en mars dernier (chronique), mais en réalité, c’est le Alex Calder du premier album qui réapparaît, celui qui nous hypnotise et nous berce lentement jusqu’à nous emmener avec lui dans les méandres d’une Pop spectrale qui fascine toujours.
  • Mid Life Holiday La longue introduction nous rappelle encore Connan. Finalement, Alex conclut son album sur une belle partition de guitare. Spleenétique. 
Avec tous ces titres de Mold Boy qui ont été intégrés dans ce nouvel album, la frontière qu’Alex me disait être mince entre ses deux noms de scènes vient officiellement de sauter. C’est bien le seul mystère que nous parvenons à percer au grand jour. Pour le reste, les interrogations demeurent. Une revient sans cesse : comment se fait-il qu’Alex ne soit toujours pas le fer de lance d’un label qui accepterait ses créations telles quelles ? Strange Dreams est un album irréprochable, ne pas avoir de réponse à cette question est donc inconcevable.
Alex Calder est lui-même est un homme inquiétant. Ses apparitions Internet sont peuplées de mystères, même la pochette de cet album est masquée. Mais tout cela ne serait rien sans une musique qui affirme une identité très forte. Les titres du Mold Boy se reconnaissent toujours dès les premières secondes. Avec cette ambiance digne d’un film fantastique, Alex vient de scorer très haut. Il se dit déjà “pretty excited with the amount of feedback I got from it, it was pretty overwhelming“. Mais tout cela, ce n’est que le début à une grande histoire. L’Invasion des profanateurs ne fait que commencer.

1 Comment

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *