EP Review : Priests
Bodies and Control and Money and Power
Priests est un groupe originaire de Washington D.C., ce qui ne saurait nous surprendre. Le 3 juin dernier, il sortait son nouvel EP, Bodies and Control and Money and Power, via Sister Polygon (son label) et Don Giovanni Records. Composé de 7 morceaux, on trouve ici l’une des meilleures sorties de Riot grrrl de ces dernières années. Aussi très Rock et très Punk, Priests délivre sa musique avec la sincère agressivité idéologique qui rappelle Ian Svenonius (voir cet interview). Et puis, la voix de Katie Alice Greer rappelle parfois celle de Meredith Graves (Perfect Pussy). En bref, Priests a tout d’un futur grand.
Il y a certains groupes qui dégagent une énergie naturelle très animale. Ian est l’absolu Master dans ce domaine, et c’est toujours un plaisir de voir resurgir tant de brutalité chez quelques nouvelles formations. Attention, brutalité ne se confond pas avec violence, et l’impression que beaucoup pousse la note un peu trop fort pour compenser ce manque de naturel ne fait que se renforcer au fil des années. Ce n’est pas le cas de Priests. Certes, la musique du groupe est agressive mais cette agressivité ne trouve un écho particulier que parce qu’Katie Alice Greer, chanteuse et leader du groupe, dégage ce charisme rock’n’roll que tous recherchent.
Bodies and Control and Money and Power ne dure que 17 minutes. Autant dire que c’est très (trop) court. Mais à l’image de l’album de Perfect Pussy, la musique de Priests est suffisamment exigeante pour que cette durée soit sûrement idéale. Bodies and Control and Money and Power est un EP qui flirte avec beaucoup de sous-genre du Punk. Mais avant tout, ces 7 morceaux s’inscrivent en plein dans du Riot grrrl, ce courant Punk féministe largement représenté dans les années ’80, notamment par le génial Runaways, Bikini Kill, Heavens To Betsy, Jack Off Jill et bien d’autres. Priests produit une musique finalement assez proche de celle que produisait 7 Year Bitch, et le compliment est de taille. Priests est là pour faire passer un message, ce que l’on ressent dès les premières écoutes. Et autant dire que le message passe à merveille. Place à la critique track-by-track :
- Design Within Reach : une introduction déjà très séduisante. La base fait tout le travail en accompagnement de la voix Katie qui est ici parfaitement mise en avant (la vidéo est particulièrement noire, et il est marrant d’y constater la métamorphose physique qu’à Katie Alice Greer a depuis connue, tant dans la gestuelle que dans le regard). Le titre est très noir, étonnamment catchy, et rappelle la puissance tranquille des Fugazi.
- Doctor : le groupe tient là un titre de Punk super efficace. Son aspect biface rappelle le génial “Typical Girls” des Slits. Et puis, le parallèle avec Perfect Pussy est absolument évident. Comme Meredith Graves, Katie Alice Greer est leader d’un groupe qui sait donner dans le War Punk et qu’elle mène à la baguette.
- New : ce morceau vient parfaitement rompre la dynamique lancée par le groupe et utilise une guitare Post Punk bien trainante qui contraste avec le tempo. Et puis, les ressemblances avec Perfect Pussy réapparaissent finalement assez vite. 1, 2, 3, 4.
- Powertrip : un titre qui ne dure que 44 secondes, alors autant en profiter à fond. Le groupe rappelle une fois encore le spectre des Fugazi. Et il peut s’en passer des choses en 45 secondes. On peut… sauter du haut d’une falaise… ou bien… lancer l’assaut… ou bien… écouter “Powertrip“, c’est bien aussi.
- Modern Love / No Weapon : la création la plus nerveuse de toute, façon Babes in Toyland. Âmes sensibles et oreilles délicates, passez votre chemin. Priests met à profit les 2 minutes du morceau pour faire une démonstration de Punk Noisy. C’est tantôt splendide, brutal et sincère, tantôt plus générique. Les rifts sont finalement un peu trop rapprochés et on s’épuise à vouloir suivre le rythme. Et c’est lorsque plus de place est laissée à Katie que l’on retrouve les sommets.
- Right Wing : ce morceau, à la Bratmobile, est finalement assez consensuel, loin du Punk Hardcore des créations qui le précède. Son introduction est l’une des plus mémorables de tout l’EP. Priests prend prétexte pour nous montrer qu’il sait aussi donner dans un Rock’n’Roll plus minimal.
- And Breeding : Priests avait-il conservé le meilleur pour la fin ?! Le Fucking and Breeding qu’assène Katie Alice Greer revient comme une devise intemporelle. “And Breeding” est un morceau qui illustre mes premiers propos : le charisme de Priests nous éclabousse le visage sans que l’on soit capable de retrouver son esprit. Point de besoin d’en faire des caisses, ce morceau est animal, sauvage, extrême, et finalement parfait.
Les titres de ce Bodies and Control and Money and Power sont très noirs, c’est la première sensation qui ressort indéniablement de l’écoute de cet EP. Cette même sensation en éloignera beaucoup, comme elle en a éloigné de Perfect Pussy. Et pourtant, on y trouve l’essence même du Rock : des titres bruts et primitifs qui emportent tout sur leurs passages. Leurs extrême constance fait d’ailleurs la force de cet EP. Difficile de dégager un trio de tête, Priests maintien un flot permanent d’une énergie très facilement accessible.
Bodies and Control and Money and Power est un EP super prometteur. Le groupe m’a récemment confié avoir commencé à travailler sur un full LP. Sortie attendue en 2015. D’ici là, on se dit que l’on est déjà heureux de tenir entre nos mains un EP qui ose réveiller les spectres les plus intimidants du début des années ’90. Priests casse tous les codes à merveille, allant de la création de morceaux Riot grrrrl comme il ne s’en fait plus, en passant par l’exportation de sa musique au MoMA, jusqu’à la réalisation de vidéos toutes mignonnes telle que celle qui suit. Oui, Priests ne tardera pas à s’établir comme un pionnier.
Note : 8,2 / 10 (barème)
Liens afférents :
Article anachronique sur les Fugazi
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