Christopher Owens est un phœnix qui renaît toujours de ses cendres. Leader du génialissime groupe Girls, il a ensuite entamé une carrière solo. Son premier album, Lysandre, n’était pas la réussite de l’année, mais il avait rectifié le tir avec la sortie d’une version acoustique de toute beauté (article). Et puis, en 2014, Owens avait fait paraître A New Testament. J’avais alors pensé qu’il en était fini du grand Owens. Et pourtant.
Son dernier album, Chrissybaby Forever, est paru le 27 mai dernier via Turnstile Music, sans teasing aucun. Owens a composé l’ensemble des morceaux et a enregistré ces derniers au Decibel Studio à San Francisco. Côté production, c’est JJ Wiesler qui s’y est collé, lui qui a travaillé avec Jonathan Richman ou encore sur le Broken Dreams Club de Girls.
C’est étonnant, mais Chrissybaby Forever ne contient aucun manqué. On peut ne pas adhérer à l’aspect très early sixties de ces créations, à la voix over-sensible de Christopher Owens, mais comment ne pas y avoir un des seuls artistes capables de toucher au plus profond ?! Nombre de ces morceaux ont été composés en 2013, et on comprend la difficulté de rester assis sur un tel trésor de sentimentalité.
Contrairement à ce qui a été annoncé par une partie de la presse, Chrissybaby Forever n’est pas le grand retour aux sources. Si les premiers titres le laissent en effet penser, le reste de l’album confirme la volonté d’Owens de continuer à explorer de nouvelles pistes. Ces pistes sont plus ou moins prometteuses, mais on ne saurait, a minima, lui reprocher de ne pas tenter.
Sur Chrissybaby Forever, Owens conserve toutefois l’aspect amateur de ses précédentes créations (voir “Waste Away“), ce qui n’est pas sans rendre sa musique touchante, mais qui constitue également sa limite. Owens est un ange déchu est il s’exprime toujours sur ce même registre. “Another Loser Fuck Up“, le premier titre, est le seul à effectivement rappeler les morceaux de Girls. Le côté cheesy de “Music Of My Heart” fait très bien le travail, ce titre nous colle à l’esprit. On le retrouve sur “Heroine (Got Nothing On You)“, ou comment aborder un sujet sensible avec frivolité. Pour sa part, “Coffee and Tea” est intéressant en ce que le morceau fait apparaître le contraste entre les paroles (très modernes) et cette musique aux influences années ’60. “Me Oh My“, quant à lui, est un très bon morceau de pop rétro, des paroles touchantes (comme à son habitude),
“What About Love” fait partie des morceaux à m’avoir le plus surpris. Le titre frôle le gnan-gnan, et pourtant, parvient à m’emporter dans cet univers marshmallow. Le renfort de voix féminines (The She) est une très bonne idée. Voilà bien le morceau que le public pourra chantonner lors de ses prochaines apparitions scéniques. “Out Of Bed (Lazy Head)” perpétue le club des cœurs brisés qu’Owen avait initié en 2010, un joli havre de paix.
La plage instrumentale de “Susanna” précède “When You Say I Love You” / “I Love You Like I Do“, deux des morceaux les plus tristes et mélancoliques de l’année so far. Une fois encore, Owens prouve la force de son émotivité. Seul artiste capable de nous toucher de cette façon, peut-être est-ce ça la camisole de force de la pochette d’album, un rempart contre lui-même. L’album semble se conclure sur une note plus joyeuse avec “Come On And Kiss Me“, mais To Take Care Of Myself Again” vient porter l’estocade finale, façon “Hellhole Ratrace“.
Pour la première fois, avoir quitté le groupe Girls fait sens. Le son et l’ambiance de Chrissybaby Forever sont plus proches que ce que le groupe précité pouvait faire. C’est différent et à mon sens tout aussi intéressant.
A l’évidence, Chrissybaby Forever est un album pour les cœurs sensibles, amoureux d’un romantisme litéraire disparu des écrans radars. On peut y trouver un grand réconfort comme la naissance d’un nouvel élan. Owens est souvent à la frontière entre celui qui en fait trop et celui qui touche par sa sensibilité. En réalité, on connaît le personnage depuis suffisamment longtemps à présent, Owens se sert de son art pour évacuer son trop-plein de sentiments. Nous ne doutons plus de sa sincérité, ce qui a pour effet indéniable de sublimer ses créations.
(mp3) Christopher Owens – What About Love
(mp3) Christopher Owens – When You Say I Love You
Liens afférents :
Article sur la version acoustique de Lysandre
Article sur l’album Father, Son, Holy Ghost de Girls
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