Juan Wauters. On se souvient que Juan Wauters a fait paraître l’un des meilleurs albums de l’année 2014 (classement). Still in Rock décrivait à l’époque “un album brut et rêveur”, le qualifiant par la même de “meilleur opus folk de l’année”. Que dire sinon que son nouvel LP, Who Me?, sera très probablement aussi le meilleur essai du genre de cette année.
Who Me?, le quatrième LP de Juan Wauters (et le 2ème sur Captured Tracks), est paru le 12 mai dernier. Cet LP contient 13 morceaux, dont 11 ont été composés par Juan lui-même. Il reprend une partie des codes de NAP: North American Poetry auquel y ajoute un sens mélodique encore inexploité. On y retrouve ainsi plus que jamais ce qu’il y a de plus génial chez Jonathan Richman. Juan semble avoir pris plus de plaisir à composer Who Me? que son essai de 2014. Résultat ? Cet album est une ode à la bonne humeur et à la musique Folk.
En réalité, si cette chronique intervient plusieurs semaines après la sortie de l’album, c’est qu’il m’a trop intimidé. Voici plus d’un mois que j’écoute ces morceaux sans trouver les mots pour en décrire la substance. Le nouvel album de Juan Wauters est à ce point imposant que j’étais presque décidé d’en rester au fait d’avoir inclus “El Show De Los Muertos” dans la Mixtape #7 de Still in Rock (“Melted Jazz“). Cela pouvait-il suffire ? Surement pas.
Notons d’entrée que Matthew Volz et Carmelle Safdie, les deux piliers de la vie artistique (et plus) de Juan Wauters, sont toujours de la partie. Enregistrés en deux semaines durant l’hiver 2014, les titres de Who Me? sont largement introspectifs. Soulignons également à quel point il fait sens que l’enregistrement soit à ce point hi-fi. Juan dit sur ce point s’être inspiré de Jaime Roos et Dr. Dre. On y entend ainsi toute la richesse d’un opus où Juan Wauters aborde un peu plus sa langue natale. Finie sa volonté affichée de toucher une large audience new-yorkaise, Juan n’a eu que faire d’afficher sa poésie par le seul texte.
Who Me? est introduit par “En Mi“, à la façon d’un haïku. La basse fait une première apparition comme elle n’en avait pas fait sur NAP. Et puis, on franchit déjà un palier avec “Todo Terminó“, où ‘everything is good, everything is nice’. C’est dans ces circonstances que l’esprit de Jonathan Richman semble planer sur ce titre tout aussi pop que folk. Ce genre de créations était complètement absent de NAP, et c’est pour le meilleur que Juan a décidé de nous présenter une folk plus entrainante, surement moins One Foot In The Grave, moins Daniel Johnston, mais plus coloré. “I’m All Wrong” et “Woodside, Queens” font également partie de ces quelques morceaux auxquels on ne pourra pas disputer l’étiquette folk. “Grey Matter” est fait de la même matière. La tonalité de ces morceaux est rutilante, Juan Wauters établit un premier contact très chaleureux. Mais il ne s’arrête pas là.
Parfois, Juan Wauters s’essaie à de nouvelles sonorités. C’est le cas sur “Through That Red” ou “This Is I“, un titre révélé il y a deux mois déjà où le synthé prend une place proéminente. Citons également “El Show De Los Muertos“, le petit dernier où le saxophone de Curt Oren vient teinter d’un peu de mélancolie un tout très enjoué. En somme, seul “There’s Something Still There” rappelle les versions 8 tracks de NAP: North American Poetry. Le titre est tout aussi dégarni que ceux de 2014, et s’il fonctionne bien, on ne se focalise pas dessus.
On connaissait déjà “She Might Get Shot“, présent sur son EP de février dernier avec Carmelle (article). Le morceau n’a rien perdu de sa splendeur, la basse fait une nouvelle apparition remarquée, Juan y ajoute percu et pertinence lyrique. “I Was Well“, pour sa part, contient les secondes les plus féériques de tout l’album. La fresque folk que Juan Wauters vient d’esquisser marquera 2015. Et puis, il évoque justement un univers amoureux créé de toute pièce sur “Así No Más“. La teinte est éclatante.
Who Me? est particulièrement fort en ce qu’il est un album qui brille par sa simplicité. Juan Wauters est un artiste égoïste, qui seul se soucie de ce que son instinct lui dicte. Il parle de lui, que de lui, et n’a pas la prétention d’indiquer quelle doit être l’interprétation de ses morceaux. Aux yeux de beaucoup, et je dois avouer avoir un temps eu cette impression, Juan est un personnage prétentieux. En réalité, j’ai depuis eu de nombreuses fois la confirmation qu’il n’en était rien. Et c’est important de le savoir, tant on écoute alors la musique de Juan Wauters différemment. Cela paraît être pompeux, déjà dit, et (malheureusement) un argument marketing. Seulement, Juan Wauters n’a joué jamais sur sa sincérité. Notre interview de mars 2014 en atteste. “Je pense qu’il relève du devoir de l’artiste de donner aux gens des choses qu’ils peuvent apprécier. C’est un dialogue avec l’audience, ce que tous les artistes devraient avoir à l’esprit“. Et cette fois-ci, le dialogue prend des tournures plus poétiques encore.
Le mouvement de balancier est pour l’heure absolument parfait. Du son très raw de Beets, au risque parfois de créer une trop grande monotonie, Juan Wauters est ensuite passé par NAP pour introduire de nouvelles pistes qu’il explore en plein sur Who Me?. Son évolution ainsi irréprochable et je brule déjà d’impatience d’écouter son cinquième LP. Si Mac DeMarco est un peu le Ferris Bueller de la pop, Juan Wauters est le Waynes de la folk. Who Me? est sincère et déjanté, à l’image de ce personnage qui hante et hantera longtemps encore les rues du Queens.
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