LP Review : Wild Raccoon – Mount Break (Garage Rock)

Wild Raccoon, c’est un artiste lillois qui, inconnu de nos étagères musicales il y a 2 mois à peine, s’imposera désormais comme l’un des nouveaux essentiels de la scène française. Wild Raccoon a sorti son premier LP via Howlin Banana Records le 15 juin dernier. Nommé Mount Break, il contient 10 morceaux qui vont à coup sur raviver le corps de mamie (Oh, “le chat n’est plus sur grand-mère, elle doit probablement être froide“).
Vous l’aurez déjà compris, le nouvel album de Wild Raccoon est un véritable assommoir qui nous rappelle que nous vivons désormais dans un des plus beaux pays (musical) au monde. Je voudrais ici clarifier un point, d’entrée de jeu. Le label de Wild Raccoon, Howlin Banana, nous a habitué à ne sortir que des albums d’une très grande qualité. Deux choses à ce sujet. La première, il ne faut pas prendre ça pour acquis, et rien n’empêche de s’émerveiller à chaque nouvelle parution. La deuxième, je serai bien tenté de dire que Wild Raccoon est la meilleure sortie du label, et avec tout l’amour que je porte aux autres groupes de la banane, je ne saurai prendre ce statement à la légère. M’enfin, passons outre les étiquettes (punchline).
Je profite de la qualité de cet album pour toucher deux mots (rapides) sur ce que j’ai pu lire sur le premier numéro de Fuzz Freaks Friends. Un journaliste du webzine indiquait en effet la possibilité qu’Howlin puisse vouloir mettre fin à son orientation garage. Si je souligne ici la qualité de ce webzine (longue vie à lui), je ne peux que me porter en faux avec cette idée que le garage ne se suffirait pas à lui même, ou qu’il ne serait finalement qu’une affaire de mode. Il est vrai que ce style a le vent en poupe, mais soulignons toutefois qu’il a toujours existé, des Sonics en 1965 en passant par les Cramps dans les années 80, Thee Headcoats 10 ans plus tard et j’en passe. Howlin Banana est le meilleur représentant du genre, une chance pour notre pays hexagonal, alors, longue vie à Howlin et longue vie au Garage.
Mais revenons à l’album. Mount Break est l’oeuvre d’un one man band, ce qui lui donne un aspect proto rock’n’roll du fait d’une batterie façon early sixties et d’une guitare qui va droit à l’essentiel. Et puis, on est nécessairement tenté de comparer Wild Raccoon à Paul Jacobs. Les deux sont blonds, les deux s’accompagnent seul sur scène et savent comment délivrer le tout meilleur de ce que ce genre peut produire. Seulement, l’une des forces principales de ces deux artistes est cette capacité à dénicher d’excellentes mélodies, et j’insiste tout particulièrement sur l’importance de cette caractéristique. En réalité, Paul Jacobs et Wild Raccoon se distinguent sur de nombreux points, mais ce sont surtout ces fameuses mélodies qui font toute la différence. Chacun les siennes et les loups seront bien gardés.
Le premier constat que l’on fait ainsi à l’écoute de Mount Break est que chacun des titres de cet album est un hit potentiel. Ce qui les rend plus fort encore est la cohérence du tout. Cet album illustre (dénonce) parfaitement le mal de la scène. De plus en plus d’artistes tendent à se focaliser sur les singles, ah, la “société du single“. Tout est calibré pour accrocher l’oreille de l’auditeur en 5 secondes. A priori, rien de mal à vouloir produire des titres catchy, c’est l’essence même de la culture pop. Seulement, 99% des artistes en oublient qu’un full album est une expérience autrement plus enrichissante. Seule l’écoute d’un LP a le potentiel de marquer une personnalité. Je le redis, jamais l’écoute d’un seul single ne parviendra au même résultat. Or, en ne recherchant que le hit, la majorité des groupes se coupent d’une véritable démarche artistique au sens où ils ne pensent plus leurs albums comme un tout, mais une succession de potentiels #1 du hit parade. Résultat ? L’ensemble est souvent raté, inconsistant et plus commercial qu’artistique. Wild Raccoon, avec cet album, démontre qu’il est bel et bien possible de produire 10 hits qui se tiennent tout en n’évinçant pas l’expérience LP. La formule est simple à comprendre et appliquer : un album, c’est UN message (et non, l’envie de succès et d’argent, ce n’est pas un message). Le message est ici on ne peut plus simple : garage rules, alors pourquoi produire autre chose qu’une musique animale ?! 
Encore trop vague ? Permettez-moi alors d’entrer plus dans les détails. TheNext Summer“, c’est toujours mieux. Sauf que là, c’est bel et bien l’été 2015 qui va se prendre une claque à base de raton laveur. Ah ça, pour laver nos tympans de toute la bouillie sonore que le world wild web nous impose, elles seront lavées ! Wild Raccoon donne à entendre une excellente introduction où le son de la guitare, plus que tout autre, est d’excellente facture. Je ne sais pas trop qui est ce “Mr Tanguy.F.” cité dans les remerciements pour le mastering, mais quel travail !
Fuck Fuck The Bankers“, c’est un titre qui s’éloigne un peu de l’aspect surf-filles-en-bikini de “Next Summer” et qui en rajoute un coup du côté CGBG. Wild Raccoon nous donne ce que l’on peut attendre des meilleurs opus de garage. L’interlude est parfaitement amenée et la dernière explosion, que l’on attend une goute de sueur sur le front, nous rappelle l’Acid Gallery des Pebbles. “Montreal Gets The Blues“, c’est l’occasion pour WR de prouver qu’il sait comment maîtriser son animosité. Ce morceau vient parfaire un trio introductif qui a déjà tant démontré. Lorsqu’un artiste se met à maîtriser le Larsen, on se dit que quelque chose se passe. Et ce quelque chose là n’a encore (presque) rien montré de sa virulence rock’n’roll.
I Said We Said We Said” est potentiellement le titre le plus ‘simpliste’ de tout l’album. Un peu de reverb sur la voix du raton, un peu plus encore sur la guitare et le tour est joué ? That’s right, il n’en faut pas plus à Wild Raccoon pour créer l’un des tout meilleurs morceaux de garage de l’année. Quant à “Weapon Of Love“, il est le morceau qui m’a le plus accroché l’oreille à la première écoute. Je le dis sans concession, on est là en présence de ce qu’il se fait de mieux en matière de garage. On notera aussi qu’elle est la conception que Wild Raccoon se fait de l’amour (&&##@#). Faites écouter ce titre à vos amis ignorants, ces derniers s’en trouveront convertis dans la seconde. Pour sa part, “Wild Animal Rising“, c’est un peu comme si le roi lion avait décidé de jouer dans massacre à la tronçonneuse. Une fois encore, à la façon de “Next Summer“, on se laisse saisir par une guitare dévorante. C’est primitif, mais quoi de meilleur qu’en retourner à nos amours embryonnaires ?!
To Build A Fire” est le seul morceau de cet opus à emprunter à ce que la scène a sublimé en 2014 : la Black Sabbath-itude. Pas loin de “Paranoid”, Wild Racoonn a pris le soin d’y ajouter un maximum de fuzz. Et puis, décidément, Daniel Johnston a le vent en poupe. Après Peach Kelli Pop en début de semaine, voici une autre reprise de “True Love Will Fin You In The End“. Pour être juste, cette de Wild Raccoon a été composé avec celle de la délicieuse PKP. Mais qu’importe. Wild Raccoon conserve l’aspect fantomatique de l’original pour y ajouter une ambiance vahinée qui est la bienvenue.
Enfin, le mélange était a priori peu recommandé, et pourtant. Les “Fries’n’Chocolate“, c’est bon. Surprise, le titre s’étale sur plus de 10 minutes. Deuxième surprise, Wild Raccoon y conserve toute la rage qu’un bon morceau de garage impose. Contender pour une place dans le Top 20 des meilleurs morceaux de l’année, “Fries’n’Chocolate” c’est une épopée sur des allures d’Usain Bolt. Une phase de rock psychédélique était inévitable, elle arrive rapidement sur des airs persans à la ? and the Mysterians.
Cet album, c’est un sacré pied de nez à ceux qui pensaient que la scène française s’apprêtait à stagner, qu’un apogée avait été atteint. Wild Raccoon est la preuve à lui tout seul que le vivier est encore immense. Je doute (pour dire le moins) que l’on se trouve souvent confronter à une telle qualité sur un premier LP dans les mois à venir, mais une chose est sure : le raton laveur vient de laver bien des préjugés.


Vidéo de Wild Raccoon en live


(filmée par Still in Rock)

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