J.J. Cale (1938 – 2013). Il avait le physique d’un grand seigneur et la créativité qui allait avec. J.J. Cale est un artiste originaire d’Oklahoma qui aura inspiré plusieurs des plus grands noms de la scène. A sa ma mort, Clapton (qui lui aura repris les titres “After Midnight” et “Cocaine“, en autre) rendra hommage à son vieil ami et s’étonnera que l’événement n’ait pas fait la Une des journeaux du monde entier, façon BB King.
Mais revenons un peu dans le temps. J.J. Cale fait paraître son premier album, Naturally, en 1971. Ce dernier, enregistré avec de nombreux de ses amis d’enfance, est colorée de folk et de poésie. En réalité, la folk de J.J. tire souvent vers la country. Cela lui donne un teint ensoleillé, légèrement doré. On se retrouve assis sur un rocking-chair à s’extasier du moindre accord de guitare. Cette façon de jouer, elle est similaire à celle de Clapton, Knopfler, Johnny Cash ou même Neil Young. Le frottement des cordes y est instinctivement très pur.
Surtout, J.J. Cale donne naissance à un nouveau genre de musiciens : le rockeur un peu lazy, le genre de slacker en puissance qui accouchera 40 ans plus tard de nombreux artistes. Il faut se remettre dans le contexte. Lorsqu’arrive J.J. Cale, la scène sort des sixties et d’une musique sérieuse où les coupes au bol étaient fraichement coupées. Le quatuor était la formule reine, les tubes résonnaient de partout et la pop avait pris le pas dans les charts. J.J., lui, fera très vite figure de trublion.
A la différence d’une scène qui promeut aujourd’hui l’artiste de l’instant, le jokeur toujours prêt à délivrer une bonne punchline, J.J. Cale a su comment affirmer son relâchement naturel tout en devenant le maître d’un style. Résultat ? Naturally est un album irréprochable, 12 morceaux enjoués où J.J. nous éblouit de son art du picking.
L’album est introduit par le très rythmé “Call Me the Breeze“. Qui aurait pensé à débuter un tel LP par une boite à rythmes ? “Call the Doctor” traduit toute la paresse que J.J. savait sublimer. Le sujet est grave, et pourtant, il y prend le temps de déplorer son piètre état, aidé d’une guitare country rock. “Don’t Go to Strangers” vient compléter un trio introductif absolument parfait. Le leitmotiv est simple : ‘If I’m standing in a crowd, call my name, call it loud; Don’t go to strangers, woman, call on me‘. J.J. y semble désabuser. Ce titre est devenu un éternel de sa discographie. Il fait de sa musique un exercice tout aussi contemplatif qu’existentialiste. Quels sont les artistes qui, en 2015, peuvent se vanter de savoir encore composer ce style de musique ?
“Woman I Love” change d’univers. Les cuivres mènent rapidement la danse, et Naturally nous rappelle en cela l’Astral Weeks de Van Morisson, autre album capable de jouer entre pop, free jazz, folk et country. Thème oblige, la voix de J.J. Cale est plus suave. Le rythme va comme en s’accélérant, l’analogie est élégante. Et puis, vient “Magnolia“. Ce morceau est souvent présenté comme l’une des plus grandes créations de J.J. Cale. Comment résister à cette introduction ? ‘Whippoorwill’s singing; Soft summer breeze; Makes me think of my baby‘. Même lorsqu’il délivre des ballades amoureuses, J.J. parvient à imiter un coucher de soleil à la façon d’un Monet. Cette musique là donne une nouvelle interprétation du mouvement impressionniste.
“Clyde“, c’est le titre le plus country de tous. Tentez l’expérience. J.J. y dépeint le porche sous lequel il faudrait écouter sa musique. “Crazy Mama” reprend alors le rythme flâneur de l’introduction. Une guitare électrique répond à la guitare sèche. Quant à “After Midnight“, qui deviendra un hit de Clapton, il parle de lui-même. Les belles nuits de J.J. nous transportent en pleine Starry Night de Vincent van Gogh. Les quelques riffs s’estompent aussi rapidement que la beauté des coups de pinceau. Une ballade au bord de la rive plus loin (“River Runs Deep“), J.J. le fait revenir avec “Bringing It Back“. C’est ce sentiment amoureux du 4ème morceau qui revient au galop. Sa voix y est toujours aussi délicate, J.J. ose confronter sa poésie à la puissance d’une nouvelle danse. “Crying Eyes” fait finalement office de conclusion, un livre d’Edgar Allan Poe à la main.
L’album Really succèdera à Naturally dès 1972. Certains reprocheront à J.J. de trop jouer la carte du casual, de forcer le trait. En réalité, la longue discographie de J.J. Cale démontre qu’il n’y avait rien de feinter dans la langueur de ce second album. Cela fait de Really un excellent second album. Allez aussi voir du côté de Troubadour, paru en 1976. Il regorge de cette folk qui en inspirera tant.
Au final, la poésie de J.J. Cale est une véritable poésie de vie. Cet artiste nous propose une approche de la musique qui traduit une bohème qui nous avons laissé partir. Le 26 juillet 2013, nous avons effectivement perdu l’un des plus grands mélomanes qui soient. A défaut d’avoir déjà écrit sur Tony Joe White et Clapton, à défaut d’avoir encore introduit les Flying Burrito Brothers, JJ fait là office d’ouvreur. Cette place est méritée.
Les amis, il est temps de partir se réfugier sous un vieux porche en bois, Still in Rock va, dans les semaines qui viennent, sortir la belle artillerie country rock.
(mp3)
J.J. Cale – Call Me The Breeze (1971)
(mp3)
J.J. Cale – Don’t Go to Strangers (1971)
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