Je me refuserai à décrire le groupe de Proto Punk, contrairement à ce qui est généralement admis, parce que le son des Dictators n’a rien de très primitif. Au contraire, il est très bien produit, riche et coloré, on ressent immédiatement le poids de cette musique s’abattre sur nos épaules, prenant le contrôle de nos mauvais déhanchés. Et pourtant, les Dictators auront été la source d’inspiration de nombreux grands groupes de punk. Aurait-on eu les Ramones sans les Dictators ? Peut-être pas. Tommy et Joey étaient de leurs amis (vidéo), de quoi y trouver inspiration.Au final, si la culture Rock’N’Roll High School / Fast Time at Ridgemont High (lien) est encapsulée le mieux du monde par les Ramones, il serait, je crois, bienvenu d’y ajouter cet album des Dictators. A minima.
The Dictators. “This is just a hobby for me, nothing your hear, just a hobby“. C’est ainsi que Andy “Adny” Shenoff introduit le premier titre de l’histoire des Dictators, et on trouve là toute la philosophie de ce groupe de punk.
Les Dictators étaient un groupe formé à New York en 1973 (et qui jouait auparavant sous le nom de Soft White Underbelly). Il fait, je crois, parfaitement suite à notre interview avec Bret Easton Ellis, et ce pour deux raisons. La première, parce qu’il est l’un des tous premiers a avoir (ré)concilié Punk Rock et Hard Rock, underground et Empire. La deuxième, parce que les Dictators disaient que le rock était mort depuis les Stooges (il fera d’ailleurs une reprise de “Search And Destroy“).
Le premier album des Dictators, Go Girl Crazy!, paraît en 1975, deux ans avant l’explosion de la scène punk New-Yorkaise. On y trouve un Punk à la frontière avec la Power/Jangle Pop. Présenté comme le chainon manquant entre les MC5, les Stooges et les New York Dolls, autant de groupes déjà chroniqués sur Still in Rock, il était impensable de ne pas s’y attaquer tôt ou tard. Paru sur Epic Records, il laisse apparaître un son très clair, lui aussi au maximum du rock-o-mètre (vidéo). On doit en autre cela à la présence de Sandy Pearlman à la production, lui qui a également travaillé avec les Clash. L’album a par ailleurs été décrit comme un symbole de la “junk-generation culture”. C’est ce que l’on retrouve sur le morceau “Weekend“, en short, “Oh, weekend, Benny took downs in class, The principal found his stash, His mother’s gonna get his ass“.
Pourtant, s’attaquer aux Dictators est un exercice bien dangereux. Andy Shenoff était wild, à l’image de sa musique. Il avait la réputation de produire des lives plutôt… musclés (avec concours de jeté de patates), à l’image de cette magnifique pochette d’album. Confrondre les Dictators avec un groupe de pop déguisé serait ainsi une bien grave erreur que nous nous garderons de faire.
L’album est introduit par “The Next Big Thing“, un titre qui représente tout ce qu’étaient les Dictators. Le rythme est super punk, super Ramones, alors que Ross “The Boss” Friedman se lance dans un solo pre-77′. “I Got You Babe“ est une excellente reprise du titre composé par Sony Bono, le mari de Cher. Le punk ambiant des Dictators renforce la puissance des paroles. Et puis, Andy “Adny” Shernoff en fait un morceau très ironique, c’est l’underground à fond la caisse.
“Teengenerate” ne pourrait mieux porter son nom. C’est une belle punchline, “Who’s that boy with the sandwich in his hand?“, qui donne le La. Les Dictators se montrent plus romantique, eh oui, en cela plus proche de la Power Pop. Vient alors “Two Tub Man“, à mon sens le troisième très grand morceau de cet opus. Les Dictators ne pourrait y être plus punk, c’est bold, c’est Stooges-ish. Le refrain est une petite merveille de l’année 75. “What I want to do I do, who I want to screw I screw“.
“Weekend“, dont nous parlions en introduction, est le plus slacker de tous. “D’autres” joueront plus tard “Rock ‘N’ Roll High School“. Les Dictators semblent avoir encore monté le volume d’un cran. Peut-être avaient-ils trouvé comment atteindre le niveau 11 de l’ampli de Spinal Tap (vidéo). L’interlude de la 4ème minute est grandiose, imparable, le genre de séquence que l’on ne retrouve quasi presque plus en 2015, à l’exception notable de certains morceaux de Warm Soda. “Cars And Girls” vient clore la marche. Il n’y a rien d’autre que les femmes et les voitures, un beau slogan avec lequel les Dictators joue sur deux tableaux : une volonté de dumbness, celle qui fait les tout meilleurs titres de rock’n’roll, et une volonté plus ironique, dénigrant l’American Dream façon Randy Newman.
Dans l’ensemble, la deuxième partie de l’album est supérieure à la première. On y trouve un des plus beaux échantillons du trash pop et punk de toute la génération CGBG. Le groupe se tournera un peu plus vers la Power Pop sur Bloodbrothers en 1978 mais restera surtout connu pour cet LP d’exception. Il y a des articles anachroniques qui me tiennent plus à coeur que d’autres, et celui-ci en fait indéniablement partie.
(mp3) The Dictators – California Sun (1975)
(mp3) The Dictators – (I Live For) Cars And Girls (1975)
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