Anna est le projet de Martin Vidy, un artiste originaire de Tours. Il vient de faire paraître son deuxième album,
WAE ou
Woman Are Evil, qui succède à
Anna (2013). Anna est la dernière sortie de…
Howlin Banana Records. J’ai déjà eu l’occasion (
par ici) d’écrire quelques lignes sur cet LP, mais il était bien entendu qu’il fallait lui en consacrer bien plus.
Jamais, de mémoire, je n’ai entendu un projet (français) se rapprocher à ce point du son d’
Alexander “Skip” Spence. En cela, je ne suis pas sûr de trouver chez Anna tout le garage que certains semblent lui prêter, mais après tout, chacun ressent la musique comme il l’entend… J’y trouve, en revanche, une folk super déstructurée, ce dont la scène manque beaucoup. J’y trouve un LP tout aussi dépouillé qu’innovant, un LP qui n’en fait jamais trop, un LP qui est bien produit (merci Paul Rannaud, reviens-nous vite avec
Volage) et qui, justement, se détache très largement du nouveau “son français”. Bonne chose ou non (
ça l’est), il est un fait qu’Anna ne s’inscrit pas dans la mouvance post-Jay Reatard qui a envahi nos bibliothèques musicales, mais plutôt dans celle d’un Calvin Johnson bien inspiré.
Qu’y trouve-t-on alors ? Difficile de se fier à l’introduction pour en savoir un peu plus sur cet LP. “Orient Frog“, à l’inverse, est bien plus communicatif. On y entend un son très sec, presque proto-punk (ah si) et Anna semble déjà avoir ravivé quelques-uns des fantômes de la pop spectrale d’Alex Calder et Jackson Scott. Le titre est rythmé et entrainant, un bonheur folk que l’on n’avait pas expérimenté depuis longtemps. Et puis, il fait son propre rappel, comme pour aussi déstructurer la maquette. Très bon.
“
The Nest Condition” laisse plus de place à la batterie et je dois m’avouer séduit par le résultat. Le son bourdonne et Anna gagne ainsi en intensité. Le son y devient super psychédélique, c’est encore très bien produit et l’absence d’un refrain clairement marqué ne fait que renforcer l’idée qu’Anna est un projet novateur. On enchaine avec “
The Sea“, serait-ce l’ombre de Syd Barrett ?
“
Sister Inna“, le cinquième, est à mon sens le meilleur de tout l’album. Anna y conserve la chaleur exotique du deuxième et y ajoute en lourdeur avec des reverb’ qui accompagnent une guitare acoustique (je note à quel point le combo acoustique/électrique fonctionne toujours !). Anna laisse différents rythmes prendre le contrôle de ces 4 minutes 30 à la frontière entre Calder et l’inconnu Jerry Rayson qui semble être venu hanter la chambre de Martin dans le but de prolonger la vie de son
The Weird Thing in Town. Quant à “
The Bind and The Lord“, il continue dans le même sillage, bien que plus psychédélique, façon
King Gizzard en lendemain de soirée.
“
Mariage” est le morceau qui tire le plus vers de la pop. Certes, qui aimerait que la mariée chante ce morceau pendant son sommeil, mais force est de reconnaitre que l’on serait curieux de rencontrer une âme capable de s’acclimater d’une telle freak folk. “
Pictures” se la joue ensuite plus
Sleeper, c’est tout aussi réussi.
“
Dirt” est le morceau le plus mécanique, mouvance Drinks/White Fence. On enchaine ensuite sur “
I’m Not There“, un titre est définitivement plus épais que de la fumée/ Gary Higgins avait cette même approche d’une musique folk psychédélique qui emprunte à l’acid folk, il n’y a qu’à voir (
lien). Anna vient compléter la peinture de son
WAE en ajoutant une nouvelle nuance à sa folk psychée. “
Talk” sature l’atmosphère avant que “
Spectral Feeling“, qui porte parfaitement son nom, ne vienne faire danser Casper et Beetlejuice (on entend bien les deux voix, approchez-vous). Le titre fait plus sérieusement penser à ceux de l’album
One Foot In The Grave de Beck, lorsque Johnson vient épauler le premier cité. “
CASIO SA-20” conclut dans ce que sera notre futur proche : des calculatrices en couleur.
Au final, cet album ne souffre que de peu de défauts. Il fait à mon sens partie de ces créations qui méritent tout
notre soutien, parce qu’elles tout aussi risquées que réussies, et parce qu’elles font honneur à la scène française.
On peut certes rechercher des éléments de musique pop dans toute création, mais l’exercice est ici différent, Anna se place là bas, au loin et accompagné de ces créations weirdo-Allen-Ginsberg-ienne, il regarde le reste de la scène s’agiter sous l’effet de la distorsion. On lui souhaite de faire paraître bien plus d’albums que Skip Spence (ça devrait le faire) ainsi que de continuer sur la route de cette musique qui prouve l’existence des UFO. D’ici là, Anna sera à la Mécanique Ondulatoire samedi prochain, pour Halloween (lien). Chiche ?!
Liens afférents :
Album Review de Volage
Article sur Alexander ‘Skip’ Spence
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