Anachronique : Satan’s Rats (Punk)

Satan’s Rats. La scène anglaise des années ’70 pulule de groupes de punk underground. Un certain nombre d’entre eux (les Stranglers, les Damned, Television Personalities…) occupe déjà les lignes de la rubrique anachronique de Still in Rock, mais le fait est qu’on est encore loin du compte. L’article du jour sur Satan’s Rats vise à se rapprocher du but.
Le groupe commence sur la scène underground aux côtés de The Killjoys et Suburban Studs. Largement influencé par les Sex Pistols, Satan’s Rats fait partie de ces groupes qui ont aujourd’hui disparu de la circulation, présent dans aucune compilation (sauf peut être Punk Rock Rarities Vol. 2), bande-son d’aucun film… Et pourtant. Et pourtant, Satan’s Rats est un excellent groupe de punk. Il souffre certes de ne jamais avoir fait paraître d’un full LP sur un label de renom, il souffre également de ne jamais avoir eu le single qui aurait pu faire de lui un nom pour l’éternité, mais il n’en demeure pas moins que Satan’s Rats est un indispensable de toute bibliothèque punk, un groupe obscur qui avait pour lui l’attitude mélodique des plus grands.
Satan’s Rats fait paraître son premier single en 1977. Intitulé In My Love For You et sorti sur DJM Records, un temps le label d’Elton John (véridique). Et puis, deux autres singles paraîtront en 1978, toujours sur le même label. L’explosion de la scène punk aura finalement raison du groupe qui, las de n’avoir jamais percé, décidera de se séparer. Une anthologie, What a Bunch of Rodents, paraîtra en 1996. Elle regroupe l’ensemble des singles du groupe auxquels seront ajoutés quelques inédits. L’article du jour y est consacré.


 

20 morceaux composent cet “album”. “In My Love For You” débute à pleins gaz. On croirait entendre la voix de Dan Treacy, le leader mythique de Television Personalities. Premier single du groupe, “In My Love For You” est un morceau de punk tout ce qu’il y a de plus classique. C’est brut, anti-classic rock et tout aussi brumeux qu’une journée à Manchester. “Facade” est déjà plus contrôlé, probablement plus british à la différence du premier qui avait le riff puissant du punk américain. “Year Of The Rats” a tout du classique seventies, un titre pour sur la révolte comme il s’en faisait à l’époque.
You Make Me Sick” annonce déjà la scène de war punk / strait hedge qui apparaîtra de nombreuses années plus tard. Les Fugazi reprendront le jeu sur les effets portés sur la voix, ces solos de guitare de 3 secondes et demi, ce refrain entonné comme le slogan d’une équipe de football. Avec “Louise“, Satan’s Rats met les pieds dans le plat : il n’y avait pas que les Damned capablent de nous raconter un Fan Club. Déjà plutôt pop, il fait des Satan’s Rats un groupe capable de diversifier le son de ces EPs. Le morceau paraîtra en 1978, lorsqu’il décidera de tenter l’expérience d’un son plus accessible. Pari réussi, à moins en partie.
Parmi tous les morceaux du groupe, “Who Stole My Skateboard?” emporte ma préférence. Le morceau a le refrain le plus pop de tout l’album, le lien entre la scène power pop qui trainait aussi au CGBG (et autres équivalents anglais) et le punk british des Sex Pistols. C’est, en somme, la vision punk des Ramones, une petite merveille. On enchaine avec “Sex Object” parle de lui-même, avec ses hauts et ses bas, avec ses textures punk et ses bodies that I really desire.
With Honours” avait le sang très eighties, un petit avant gout de la scène new wave qui n’allait pas tarder. The Replacements prendra le même chemin. “You Make It Hard 4 Us” est un titre pour faire la fête, tentez ! Et puis, Satan’s Rats reprend le chemin de la pop avec “Friday’s Child“. C’est assurément là où il est le meilleur. Ce titre-là intègre le top 5 des morceaux de Satan’s Rats, un autre candidat à la médaille de titre de power pop caché. N’entend-on pas la même guitare que celle de Milk’N’Cookies ?

 

Avec “My Flatmate“, Satan’s Rats avait choisi le parti d’un titre teenager. Sa production n’est pas aboutie, c’est dommage, mais cela fait également son charme. “Look At The Band” est l’un des seuls morceaux à ne pas le jouer 100%. Et forcément, le spectre de Television Personnalities revient une fois encore tant ce groupe excellait dans le genre. “Buzz Boys” ne cherche rien d’autre qu’à galvaniser l’auditeur, le genre de morceau taillé pour un live.
She’s Artistic” emportera l’adhésion de tous les amoureux des filles un peu bohème, un peu Risky Business. Mais ce n’est pas là où Satan’s Rats était le meilleur, ce que l’on veut, c’est du punk, encore et toujours. “Lady Is A Tramp” nous en redonne un peu, mais on tète le biberon trop fort pour s’en satisfaire. “Tin God” et son lo-fi sont plus nerveux, déjà la promesse d’une petite baston qui réveille. Et c’est “Punk Rock Gig” qui nous plonge en plein dans cette Angleterre à laquelle on veut rester un peu plus. “Don’t Come On“, pour finir, feinte un peu de tendresse alors que l’on sait un titre de 10 minutes être nécessairement barré. Satan’s Rats en profite pour renouer avec les codes du classic rock et ses solos interminables. Un beau geste d’amitié avec une scène que les punks détestaient pourtant.


 

Au final, Satan’s Rats prouve être un groupe à single tout au long de cette anthologie et l’on se demandera longtemps pourquoi le groupe ne se fera jamais plus connaître. Ouais, c’est une fois encore le monde parallèle que l’on voudrait créer qui donne à Satan’s Rats toute la gloire que ces mecs-là méritaient. Celui d’une musique underground qui attaquerait le mainstream tout en gardant son indépendance, celui où les groupes n’auraient pas eu à choisir entre fame et D.I.Y.
Pour la petite histoire, Olly Harrison (le chanteur) formera ensuite un groupe de new wave, The Photos, qui ne fera paraître qu’un seul album en 1980. Le groupe connaitra un succès un brin plus important, mais le fait est qu’il ne rencontrera jamais le succès espéré. Peut-être aurait-il fallu que les Satan’s Rats persistent plus longtemps ? Il est en tout cas bon de le croire. Et puis, certains singles ne paraîtront qu’en 1996 à l’occasion de l’anthologie qui fait l’objet de cet article. N’avoir jamais fait paraître “You Stole My Skateboard“, à titre d’exemple, ne semble pas avoir été l’idée la plus inspirée qu’ils aient eue. Mais qu’importe finalement, ces titres existent et nous les avons avec nous. 

(mp3) Satan’s Rats – You Stole My Skateboard (1978)
(mp3) Satan’s Rats – Louise (1978)

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