Octagrape est un groupe originaire de San Diego qui embarque avec lui des musiciens de multiples horizons, dont Truman’s Water, un groupe culte des années ’90 (voir la mixtape Still in Rock dédiée). Il avait fait paraître un premier album en 2013, Red UFO, et voici qu’il revient avec un nouvel LP : Aura Obelisk (paru sur Sounds Familyre Records et produit par Chris Woodhouse !). Cet ensemble de 19 morceaux est destiné aux amateurs d’un math punk tantôt expérimental, tantôt un peu crade comme les Oh Sees savent si bien le faire.
Avec Octagrape, il s’agit surtout d’une musique robuste qui se donne pour mission de dynamiter notre journée. Si le groupe le fait parfois au détriment de notre patience, on se dit qu’il parvient à accomplir ce après quoi la scène garage court sans cesse : du muscle, de la sueur et des larmes.
“Strange Light” est un premier morceau étrange, une sorte de math rock qui tire rapidement sur du punk. Ce titre de 8 minutes est déjà un véritable test, il nous entraîne dans une marche forcée qui s’avère tout aussi aride qu’une épopée en terre irakienne. Il faut du cran et de l’expérience pour oser sortir un tel morceau en introduction.
Et puis, bien que plus court, “Too Fly” montre l’intensité d’un cran, tirant plus facilement sur du noisy. Octagrape se la joue encore plus fin-du-monde-approchante, empruntant le même aspect mécanique que le premier titre pour surenchérir sur l’instru’. Il ne fait désormais plus aucun doute que la musique d’Octagrape est une musique d’initiés, parce qu’expérimentale, parce que violente et peu commune. Vous avez dit peu commune ? “Dirigibles” renforce la singularité de l’expérience avec un morceau de fer. La section rythmique convainc une nouvelle fois de sa capacité à nous emporter dans les bas-fonds de la vie d’un addict au Krokodil.
Si l’on s’essouffle un peu sur “Mexican Code“, il faut dire que l’intensité qu’Octagrape nous impose sans relâche à parfois ses limites, la guitare de “Hightropics” vient réinjection la dose de punk qui déchaîne un auditeur bien intentionné. “Difficult to Read” réemprunte les codes d’un Animal Collective atteint de la rage et l’on se dit que tenir encore 12 morceaux sera éprouvant. Ca l’est. Heureusement, Octagrape poursuit sa route avec “Seizures“, le meilleur titre de cet LP. Il n’y a pas à dire, Octagrape est meilleur lorsqu’il va au bout du bout avec du noisy, plutôt que des sonorités électroniques parfois trop impersonnelles.
“Sky Juice” est le premier titre à tendance pop de cet LP. Octagrape qui tente du doo-wap, c’était inattendu. Si des petites images de têtes de mort semblent toujours s’échapper des frottements de la guitare, on notera malgré tout qu’Octagrape peut également faire dans le summer hit. A sa façon, voilà tout. “Vertical Slum” est tout aussi slacker, le refrain ne veut absolument rien dire si ce n’est qu’Octagrape semble avoir développé un amour particulier pour les chiens enragés. Et pourtant, les quelques secondes instrumentales de la seconde partie sont hautes en couleur, haute en adrénaline, haute en base jumping.
On attaque la seconde partie de cet album avec “Aim Your Heart“. Remontons nos manches, on n’est pas au bout de nos peines. Le titre va vite, tachons de garder la cadence. “Xalmation” penche pour le côté plus électronique de la chose, c’est moins efficace. Pas de doute sur les aspirations 90′ du groupe avec “Bandaid Licker“. Et puis, ce que devait arriver arriva avec “Cameras“. On baisse les bras. Octagrape semble inépuisable, on veut un peu de mélodies. “Moonrides” et “Boron” méritent surement quelques éloges, mais Octagrape a décidément eu raison de notre ténacité. On se rend compte de la force du second lorsqu’on entame une nouvelle écoute du groupe par ce dernier, c’est le seul moyen. “Serrated Edges” manque à l’appel alors que “Red Shirt” nous plonge dans le bain d’un titre plus rocailleux encore, une sorte de Slint / Fugazi énervé. “One Cyclone” et “Carbonate The Seven Seas” ferment la marche plus en douceur. Le dernier, particulièrement, se fait remarquer par une guitare acoustique que l’on aurait aimé entendre avant. Il n’y aurait pas un peu de Sedaboh dans tout ça ?
Au final, je ne suis pas sûr qu’avoir délivré un album de 19 morceaux soit une bonne idée lorsque l’on sait l’intensité que le groupe dégage sans relâche. L’écoute d’Aura Obelisk est du genre qui nous fait transpirer à sa seule évocation. Mais ne nous y trompons pas, Octagrape est virtuose dans son genre et cet LP contient quelques morceaux que l’on évoquera longtemps. Je pense notamment à “Seizure“, des titres de cette intensité sont rares et il faut chérir l’idée de les avoir sous la main, ça peut toujours servir.
Je ne doute pas qu’Aura Obelisk passera en dessous des écrans radars, le groupe n’a pas 20 ans et les cheveux aux vents, mais il faut pourtant voir dans cet album un des plus beaux essais punk de l’année. Octagrape se montre fier de son histoire, les membres du groupe savent où ils vont et ça se sent. Faites l’expérience de cet album et son entier, vous y penserez dans quelques semaines comme un marathon sprinté.
(mp3) Octagrape – Seizures
(mp3) Octagrape – Sky Juice
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