********
French version
********
Chris Cohen. Il y a quelques jours, Mike Sniper, créateur de Captured Tracks, confiait “lorsque je déprime à l’idée d’avoir un label indépendant en 2016, je trouve réconfort dans l’idée d’avoir fait paraître deux albums de Chris Cohen“. Inutile de préciser à quel point cette phrase est déjà révélatrice de l’importance qu’il convient d’accorder à la musique de cet artiste.
Ce deuxième album en question, c’est As If Apart, paru sur le label le 6 mai dernier. Disons-le d’entrée, il y a un certain décalage à écouter As If Apart un mois de printemps. Dans notre interview (lien), Chris Cohen me disait être impatient que les pluies d’automne arrivent, et c’est exactement ce que cet album traduit. Il y a l’odeur de l’eau qui vient humidifier la terre, une légère brise qui agite les fleurs et un regard tout aussi nostalgique que poétique sur la réalité. As If Apart est un album très humain, le témoignage d’un artiste qui parvient à traduire beaucoup des peurs que nous avons. Le particularisme de Chris Cohen traduit l’universel, c’est ce que les plus grands songwriter savent faire de mieux.
Ce deuxième album en question, c’est As If Apart, paru sur le label le 6 mai dernier. Disons-le d’entrée, il y a un certain décalage à écouter As If Apart un mois de printemps. Dans notre interview (lien), Chris Cohen me disait être impatient que les pluies d’automne arrivent, et c’est exactement ce que cet album traduit. Il y a l’odeur de l’eau qui vient humidifier la terre, une légère brise qui agite les fleurs et un regard tout aussi nostalgique que poétique sur la réalité. As If Apart est un album très humain, le témoignage d’un artiste qui parvient à traduire beaucoup des peurs que nous avons. Le particularisme de Chris Cohen traduit l’universel, c’est ce que les plus grands songwriter savent faire de mieux.
Edgar Allen Poe disait, “observer attentivement, c’est se rappeler distinctement“. Voilà bien la philosophie de Chris Cohen. Perclus dans sa maison aux côtés de son piano, il sublime le monde qui l’entoure en s’arrêtant sur chacun de ses détails. As If Apart, et plus généralement la musique de Chris Cohen, est terriblement vrai. Je m’en rapporte ici à ce qu’il me confiait à l’occasion de notre interview, au fait qu’il “porte un regard sombre mais affectueux sur le genre humain“. As If Apart est cet album-là.
Chris Cohen commence sur les chapeaux de roue avec les deux titres les plus pop de cet album. “Torrey Pine” ouvre le bal sur une première chanson d’amour (“without out”, déjà). Si je déplorais récemment (lien) le fait que plus aucun songwriter n’ose écrire des chansons d’amour, il faut ici noter avec quel talent Chris Cohen magnifie un exercice d’écriture bien périlleux. On n’avait jamais entendu la voix de Chris Cohen avec autant de recul, c’est nouveau et bienvenu. Et puis, relevons à quel point “Torrey Pine” est le titre le plus psychédélique qu’il n’ait jamais composé. Le ton est donné.
Dans quelle mesure “As If Apart“, le petit second, est-il véritablement éloigné de Prokofiev ? Le morceau est tout aussi déstructuré et dissonant qu’une sonate de guerre, mais version sonate de paix, alors. On s’approprie ce titre au fil des écoutes et on le garde au fil des semaines, un peu comme un titre de Coltrane se bonifie avec le temps. Le travail studio est une nouvelle fois tout à fait remarquable. Quel duo introductif ! Et puis, “Drink from a Silver Cup” opère un retour au son d’Overgrown Path, un certain minimalisme qui sublime sa poésie. Pour une fois, Chris Cohen semble accepter le monde qui l’entoure. Les bruits en fond indique une volonté de ne plus se poser en homme seul contre le reste du monde. Et puis, grand créateur mélodie oblige, “Drink from a Silver Cup” vient nous rappeler la délicatesse pop de Cass McCombs.
Chris Cohen disait beaucoup penser au passé dans notre interview. C’est “Memory” qui en atteste. De retour sur le terrain de la bedroom pop, Chris Cohen délivre 3 minutes plus langoureuses, replié sur l’un de ses thèmes favoris. C’est une constante dans ses textes, ce désir de s’adresser à une seule personne, un refus d’aborder des thèmes trop généraux. Chris Cohen est un homme solitaire qui affirme son identité dans cette quasi-adversité. Sa musique traduit un désir de conserver son intimité. Sans être misanthrope, elle traduit un certain regard sur le genre humain, regard qui n’en demeure pas moins universaliste. “In a Fable” vient conclure la face A sur une nouvelle versification dont il a le secret.
“Needle and Thread” a quelque chose de très particulier qui nous raccroche à la notion temps. L’instru’ rappelle le tic-tac qui nous rend anxieux et le refrain vient sublimer une longue descente vers l’inconscient. Chris Cohen profite ensuite de “The Lender” pour dévoiler une nouvelle partie des richesses de cet album. On n’avait jamais entendu une guitare si prégnante dans ses créations. Il n’y a pas que celle de B.B. King qui a quelque chose à nous dire, Lucille peut se rassurer de ne pas (plus) être seule. Et le thème de l’album revient, “without you“, le dualisme entre le désir et la peur d’une solitude qui serait irréversible. C’est l’un de ses nombreux paradoxes, la recherche d’une quiétude qui semble pourtant le tourmenter suffisamment pour écrire de nombreux titres sur le sujet.
Le spleen de Chris Cohen revient sur “Sun Has Gone Away“, et pourtant, on ne ressent jamais d’anxiété à l’écoute de cet album. La voix de Chris Cohen vient nous envelopper d’une douceur qui rappelle cette phrase de Gérard de Nerval : “Je ne suis pas belle, moi, mais je suis bonne et secourable, et je ne donne pas le plaisir, mais le calme éternel“. Le message est passé et cet “ever” qu’il répète à l’envie nous situe une nouvelle fois sur le cadran d’une horloge. “No Plan” est une passade vers “Yesterday’s On My Mind“, ultime création de cet LP. Chris Cohen propose d’aller marcher une fois la nuit tombée, tentative d’excursion dans le monde réel.
Sur le fond, Chris Cohen est toujours ce formidable écrivain qui parvient à capturer une part de nous en quelques phrases seulement. “Je ne suis pas certain d’adhérer à propos des messages positifs, je dirais plutôt que mes paroles sont neutres“, me disait-il, et c’est justement parce que les paroles sont neutres que l’on peut y coller ce que notre inconscient désire fondamentalement. Le rapport de Chris Cohen à la littérature demeure une constante, on écoute cet album comme on découvre une formidable fiction. Peut-être est-ce une fiction russe, les portraits sont forts et romancés, le spleen permanent rappelle une grandeur passée, l’action est universelle.
Sur la forme, l’instru’ est parfois plus riche que celle d’Overgrown Path. Elle demeure une surprise permanente, aucun titre ne se ressemble et l’écoute de As If Apart s’en trouve sublimée. Les textes, une dernière fois, traduisent les peurs et les envies d’un homme esseulé et qui trouve son confort dans la douceur d’une vie avec soi-même. “C’était la saison douce où le recueillement de la nature nous remplissait d’une sereine quiétude“, disait Georges Sand, dit Chris Cohen.
Avec As If Apart, Chris Cohen met d’accord l’ensemble de la scène de bedroom pop, les Donovan Blanc & co. Seul Murals lui résiste et As If Apart complète le magnifique Violent City Lantern de Murals, deux albums lyriques qui traduisent beauté et équilibre. Il y a des albums qui procurent des moments d’exception, et ils en font tous les deux parties. Les avoir dans la même année est une chance, et j‘en reviens pour conclure à cette phrase tirée de son premier album, “There’s nothing there below you“. Avec Chris Cohen, on plane au-dessus de tout ce qui compte habituellement, de toutes les velléités qui nous meuvent. C’est la force des plus grands albums.
Que Mike Sniper se rassure, Chris Cohen m’avait confié son intention de faire paraître encore plusieurs albums chez Captured Tracks. Faire aussi bien qu’Overgrown Path était loin d’être évident et c’est pourtant ce que Chris Cohen a réussi à faire, s’établissant comme l’un de plus grands songwriters de sa génération. Il y a donc désormais toutes les raisons de croire en un futur clément.
Liens afférents :
Interview Still in Rock avec Chris Cohen
Article sur le premier album de Chris Cohen
*********
Chris Cohen. A few days ago, Mike Sniper (Captured Tracks’ boss) told the world “whenever I get depressed about running an indie rock label in 2016, I can take solace in knowing I put out 2 Chris Cohen LP’s”. Needless to say how meaningful this is, proving the magnitude of Chris Cohen’s music.
His second LP, As If Apart, was released via Captured Tracks on May 6, 2016. Let’s say it right away, there is some kind of a lag to listen to As If Apart during the Spring. In our interview (link), Chris Cohen told us that he was looking forward the fall rains, and this is exactly the atmosphere created by this album. You can smell the water humidifying the soil, you can feel the light breeze making flowers dance and you can have a nostalgic and poetic look at reality. As If Apart is a very human album, the testimony of an artist that manage to capture most of our fears. And at the end, Chris Cohen expresses something universal, what the best songwriters do.
Edgar Allen Poe once said, “to observe attentively is to remember distinctly”. I believe that this sentence perfectly sums up Chris Cohen’s spirit. Alone in his house, side by side with his piano, he makes the world around him looks better, sublimating every little detail. As If Apart, and more broadly Chris Cohen’s music is terribly true. In fact, he told us in our interview that he always have “a dim but loving view of humankind”.
Chris Cohen starts his album with two of the most poppier songs. “Torrey Pine” is a beautiful love song, and if I was recently mourning the lake of artists daring to write such songs, Chris Cohen writes them with great talent. Plus, we had never heard Chris Cohen’s voice with such an echo, this is new and exciting. Lastly, “Torrey Pine” is the most psychedelic song that he ever wrote. The tone is set.
To what extent is “As If Apart” close to Prokofiev’s compositions? The song is just as unstructured and dissonant as the “war sonata”… let’s call it a “peace sonata”. This song is also growing on us just like a Coltrane’s song. And the studio work is quite outstanding, what a great couple of songs to begin with! “Drink from a Silver Cup” comes then to remind us the pop gentleness of Cass McCombs.
Chris Cohen told us that he was thinking a lot about the past. “Memory” is a proof of it. Back to his bedroom pop, Chris Cohen gives us three minutes on his favorite theme, addressing one person in specific. Chris Cohen is standing against the rest of the world, and his music reflects a certain look on human gender. “In a Fable” concludes the face A on a new versification that only Chris Cohen knows how to produce.
“Needle and Thread” has something special that bring us back to the notion of time. Chris Cohen then unveils anoter treasure with “The Lender”. We have never heard such an intense guitar in his creations. B.B. King’s guitar is not alone, Cohen’s one has something to tell us as well. And the central theme of this album comes back again, “Without You” shows the dualism between its desire and its fear of loneliness. It is one of Chris Cohen’s many paradoxes, looking for a tranquility that is so haunting that it makes him write songs about it.
Chris Cohen’s spleen is back on “Sun Has Gone Away” but yet, we never feel any anxiety while listening to this album. His voice cuddles us with tenderness. “No Plan” is just a passing fad to “Yesterday’s On My Mind”, the last song. Chris Cohen is asking us to follow him into a night walk, once people are gone. We do.
When it comes to the substance, Chris Cohen is still this great writer that manages to capture a part of ourselves within a few sentences. He told us that his lyrics are not specifically positive but somehow “more neutral”, and that is precisely because they are that we find into them what our subconscious want to. Those lyrics reflects fears and desires of a lonely man that finds its comfort in a peaceful life with itself, and at the end, Chris Cohen’s music also creates the feeling of reading a great novel.
On this LP, the music is also richer than on Overgrown Path, creating kind of a permanent surprise. No song is like another and listening to As If Apart is a sublimating experience. The bedroom pop scene has found a new master with Chris Cohen. Only Murals is completing this experience with Violent City Lantern. We can only be thankful to get those two albums in the same year, because at the end, they make us float above everything that usually matter.
Chris Cohen told me that he wanted to release a lot more albums on Captured Tracks, Mike Sniper can be reassured. Doing as good as Overgrown Path was far from obvious and yet Chris Cohen managed to do it. He is one of the greatest songwriters of his generation, the future looks bright.
Post a comment