Thee Oh Sees. Il est venu, il a vu, il a vaincu. Puis il est revenu, et il a vaincu, encore. Thee Oh Sees est une véritable légende de la scène que je ne présente plus. Formé en 1997, il a d’ores et déjà fait paraître 12 albums studio, a joué des centaines de gigs qui ont forgé sa réputation de meilleur artiste live de la scène et n’en a jamais fini d’enchaîner les side projects tous meilleurs les uns que les autres (Coachwips et Damaged Bugs en première ligne). John Dwyer est un monument.
Seulement, les monuments ont parfois tendance à s’écrouler. Tame Impala en est un bon exemple, dans un genre certes différent, mais qui était tout aussi explosif. En réalité, il y a tout à craindre lorsqu’une légende sort un nouvel album, c’est parfois excellent, mais souvent décevant. Fort heureusement, John Dwyer est au-dessus de tout ça et l’on sait désormais qu’il ne nous laissera jamais tomber (coeur pour la vie). C’est peu de le dire, c’est beaucoup de le faire.
Le nouvel abum du groupe, A Weird Exits, est déjà la 80ème sortie de Castle Face. Il verra le jour le 12 août prochain et l’on se dit déjà que l’été 2016 est bouclé, done, over, terminado, abschließen. Pour l’occasion, John Dwyer s’est offert les services des deux batteurs qui l’accompagnaient déjà sur sa dernière tournée, Ryan Moutinho et Dan Rincon. Notons également la présence de Tim Hellman, connu pour avoir été le bassiste de Ty Segall sur son album Melted. Tout était en place, il n’y avait plus qu’à.
“
Dead Man’s Gun” est le premier morceau de cet LP. Déjà dans un style très fidèle aux Oh Sees, il fait office de piqure de rappel : ça va cogner. Le fuzz ne tarde pas à nous dévisser les cervicales, la basse est grave et les deux batteurs foncent tout droit vers le précipice. Première info ainsi délivrée,
A Weird Exits est la continuité de
Mutilator Defeated At Last.
“Ticklish Warrior” est encore un cran au-dessus. Deuxième info, la production de l’album est excellentissime (ce dont on n’aurait légitimement douté). La voix de John Dwyer est assurément punk et elle contraste parfait avec sa musique stoner. L’évidence n’était pourtant pas là, le punk a pour ambition de dynamiter le rock’n’roll en se détachant de toute structure trop longue tandis que le stoner joue sur des accords de guitare délivrés dans un style shoegaze, mais plus énervé. Thee Oh Sees est le premier groupe de l’histoire à avoir réussi à mêler punk, stoner et musique psychédélique. Je prends le pari qu’il sera surtout rappelé pour cette raison. A Weird Exits sera cité comme apogée, “Ticklish Warrior” comme exemple le plus parfait.
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Jammed Entrance“, c’est l’un de ses morceaux qui définissent l’identité de cet LP, plus que les autres. Thee Oh Sees reprend ce qu’il avait su parfaitement faire l’an dernier en récupérant des structures moins brutales que par le passé. “
Jammed Entrance” est un titre instrumental qui en surprendra plus d’un et en décevra probablement certains qui veulent toujours plus de baston. La scène rock (si tant est qu’elle existe) tend à cogner de plus en plus fort, ou qu’elle aille. Une fois encore, Ian Svenonius le résume à la perfection : les gens veulent “
loudness” (
artice). Thee Oh Sees fait partie des papes qui ont influencé le mouvement et voici qu’il s’en détache à présent. “
Jammed Entrance” est pour sûr moins instinctif que les morceaux de son
Help, mais en empruntant à Damaged Bugs, il apporte une sorte de temporisation expérimentale qu’on ne peut qu’applaudir.
A Weird Exits est parfois similaire à l’album de CFM (ou plutôt est-ce l’inverse), mais on comprend là qu’il décide de détruire le cabinet des curiosités plutôt que de le sublimer. On image la scène en studio : “
– eh, dudes, si on foutez dans l’album le style de plage instru’ que l’on pourra jouer pendant 20 minutes en live ? – yeah man, right on“.
“Plastic Plant” fait le pont entre les deux premiers morceaux et le dernier cité. John Dwyer se permet même un peu de ringardise, pour notre plus grand plaisir. “– Eh, les mecs, j’ai une idée, si on foutez un riff super ringue à la Van Halen, ça passerait vous croyez ? – totally dude, right on“. C’est ainsi que nous nous délectons désormais de cet accord qui annonce plusieurs fois le refrain, un détail certes, mais bonheur non négligeable. C’est ainsi, également, que “Plastic Plant” défini son identité. Tandis qu’une partie du reste de la scène saute sur Black Sabbath, John Dwyer se concentre lui sur du hard rock de la fin des seventies, comme pour couper l’herbe sous le pied à tous ceux qui continuent d’affirmer l’opposition entre cette scène et celle des punks (j’en fais partie). Et une fois encore, la section rythmique n’a jamais été aussi bonne, aucun autre groupe de la scène ne peut prétendre s’en approcher, Ty Segall inclus.
“
Gelatinous Cube” arrive en début du face B, et comment dire… il pourrait bien être le meilleur titre jamais composé par John Dwyer. Nous connaissions déjà le titre pour être de son
Live à San Francisco sur lequel j’écrivais le mois dernier (
lien), mais force est de constater que cette version est plus efficace encore. Son introduction est la promesse d’un monde meilleur et une instru’ satanique arrive ensuite sur la base d’une structure inimitée. “
Gelatinous Cube” ne ressemble à rien d’autre qu’un énorme hit des Oh Sees. John Dwyer a rarement été aussi pernicieux. Notons également que ce morceau est probablement le plus psyché de tout l’opus, un nouveau signe de ce que ce genre lui réussi à merveille et que le virage emprunté l’an dernier est une véritable inspiration divine. “
– eh, bros, on crée un monument des années 2010′, just for fun? – why not man, yeahhh, why not!“.
“
Unwrap The Fiend Pt. 2“, c’est le retour de l’instru’ gélatineuse de “
Jammed Entrance“. Dans le même
spirit que le troisième morceau de la maquette, il vient temporiser avec une plage expérimentale que je brûle d’impatience à l’idée de lire à qui la presse la comparera. “
Crawl Out From The Fall Out” joue encore plus la surprise, du
True Widow dans l’esprit pour un titre définitivement stonegaze. “
Unwrap The Fiend Pt. 2” ne prend jamais son envol, peut être était-ce réservé à “
Unwrap The Fiend Pt. 1” (où est-elle ?).
Et puis, tout se termine avec “The Axis“. John Dwyer donne plus de place que jamais à un orgue qui emporte les quatre premières minutes. Single dévoilé de cet LP – ce qui ne fait aucun sens (et, donc, ce qui est absolument génial) – il semble vouloir perpétuer le spirit des deux morceaux qui le précédent. Oups, changement d’avis au cours de la cinquième minute. Je me tais pour le reste, sortez vos mouchoirs. John Dwyer l’a dit lui même : “– eh mates, on fait chialer les tattoos des rockeurs sur le dernier titre ? – totally my man, let’s do it bro“.
Au final, A Weird Exits est une nouvelle masterpiece de John Dwyer que je placerai sans problème dans le top 3 de ses meilleures sorties.
Mais si vous le voulez bien, let’s get serious un instant avant de se brûler encore les tympans. Un jour, un philosophe à dit que “le premier qui compara la femme à une rose était un poète, le second un imbécile“. Combien d’imbéciles sont-ils à imiter le son de John Dwyer ? Très peu en réalité, la construction de ses morceaux à ce point complexe (et brillante) que la scène se prosterne devant les Oh Sees sont pour autant espérer en reproduire le sentiment. Là se trouve l’une des différences majeures entre John Dwyer et Ty Segall, assurément les deux plus grands rock’n’rollers des années 2010′. Le deuxième fait l’objet de milliers de pastiches, parce que ses créations étonnent toujours par leur évidence, donnant une impression de facilité qui pousse à sa reproduction. Les Oh Sees joue sur un autre paradigme, assommant la scène d’un stoner psyché qui 1/ est une nouveauté dans l’histoire de la musique 2/ est suffisamment sibyllin pour repousser les parasites.
Petit bémol (tout de même), peut-être est-il possible que nous en voulions encore plus. Les trois derniers morceaux sont plus langoureux qu’à l’habitude et l’on aurait bien aimé se faire taper dessus une dernière fois. J’imagine qu’il faudra pour cela réactiver l’écoute de
Mutilator Defeated At Last.
Toujours est-il que l’art est une manifestation de l’esprit (Geist), et qu’à défaut d’avoir trop d’esprit dans ce que nous donne à entendre la majorité de la scène, réjouissons-nous que des mecs comme John Dwyer continue de tirer tout le monde en avant.
A Weird Exits explore une nouvelle facette du rock’n’roll, cette fois-ci avec un stonegaze expérimental qui vient ponctuer un punk très sale. Souhaitons qu’il le fasse encore longtemps. Et si
Mutilator Defeated At Last s’était retrouvé en première place du classement Still in Rock des meilleurs albums de l’année 2015, notons ici qu’
A Weird Exits jouera pour le même titre.
(mp3) Thee Oh Sees – Gelatinous Cube (live à San Francisco)
(mp3) Thee Oh Sees – The Axis
Liens afférents :
Album Review de CFM
Album Review de Mutilator Defeated At Last
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ENGLISH Version
(french above)
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Thee Oh Sees. He came, he saw, he conquered. Then he came back, and he conquered, again. Thee Oh Sees is a true legend from this music scene that needs no introduction anymore. Formed in 1997, he has already released 12 studio albums, played hundreds of gigs that built his reputation of the best live artist from this scene, and has never stopped joining countless side projects, each better than the last (Coachwips and Damaged Bugs in frontline). John Dwyer is a cornerstone.
Still, cornerstones sometimes tend to collapse. Tame Impala is a good illustration, in an admittedly different style, but that was just as much explosive. As a matter of fact, the worst is to be expected when a legend releases a new album: it’s sometimes excellent, but often disappointing. Fortunately enough, John Dwyer rises above these considerations, and we now know for a fact that he will never give us up (eternal love <3). It's not much to say it, it's a lot do it.
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The new album from the band, A Weird Exits, is already the 80th release from Castle Face records. It saw the light of day on the 12th August, and we can already say that the summer ’16 is done, over, terminado, bouclé, abschließen. For the occasion, John Dwyer engaged Ryan Moutinho and Dan Rincon’s services, the two drummers that already accompanied him for his most recent tour. Tim Hellman’s participation should also be noted, known for playing bass on Ty Segall’s Melted. Everything in its right place, it all could begin.
“Dead Man’s Gun” is the first track of this LP. In a classic Oh Sees style, it serves as a refresher course: it’s gonna kick some ass. The fuzz doesn’t take long to unscrew the cervicals, the bass is deep and the two drummers rush into the precipice. First information, A Weird Exits is the right sequel to Mutilator Defeated At Last.
“Ticklish Warrior” is a cut above. Second information, the production work is top-notch (which we would have never doubted). John Dwyer’s voice is assuredly punk, and contrasts perfectly with the stoner music. And yet, the obviousness was not here: Punk aimed at galvanizing Rock’n’Roll while freeing from a too long structure, whereas stoner relies on shoegaze-style guitar chords, in an angrier way. Thee Oh Sees is the first band in music history that succeeded in mixing punk, stoner and psychedelic music. I bet that he will be remembered for this specific reason. A Weird Exits will be named as the zenith, “Ticklish Warrior” as the most perfect illustration.
“Jammed Entrance” is one of the tracks that most defines the identity of this LP, more than the others. Thee Oh Sees takes what he perfectly achieved last year by recovering less brutal structures than in the past. “Jammed Entrance” is an instrumental track that will surprise a lot, and will disappoint some that want always more savagery. The rock music scene (if such thing exists) tends to hit harder and harder, wherever it goes. Once again, Ian Svenonius sums it up perfectly: people want loudness (article). Thee Oh Sees belongs to the bosses who influenced the movement, and he now frees himself from it. “Jammed Entrance” is quite evidently less instinctive than the songs from Help, but, borrowing from Damaged Bugs, he brings some sort of experimental delaying that we can only hail with delight. A Weird Exits is sometimes similar to CFM’s album (unless it’s the other way around), but we understand that he decides to wreck the wonder-room rather than enhancing it. In his studio, it must have been like “-Hey dudes, what if we recorded the kind of instrumental track that we’ll be able to play live for 20 minutes? -Yeah man, right on”.
“Plastic Plant” is a bridge between the first two tracks and the third one. John Dwyer even allows himself a bit of cheesiness, to our great pleasure. “-Hey guys I’ve got an idea: what if we put a super corny Van Halen riff, would it be cool? -Totally dude, right on”. That’s how we take delight in hearing this chord, forewarning of the chorus. A small detail, maybe, but a non-negligible pleasure. That’s also how “Plastic Plant” defines its identity. While some part of this scene is jumping to Black Sabbath, John Dwyer focuses on a late-1970s hard rock, like pulling the rug from under the feet of those who keep on affirming the opposition between this music scene and the punk’s one (I’m one of them). Once more, the rhythm section has never been that good, and no other band from the scene can claim coming close to it, including Ty Segall.
“Gelatinous Cube” is the first song of the B-side, and, how can I put that… It could very well be the best single track ever written by John Dwyer. We already know this song thanks to its inclusion on his Live in San Francisco which I wrote about last month (link), but it must be noted that this studio version is even more efficient. The introduction is the promise of a better world, and a satanic instrumental comes next, based on an un-imitated structure. “Gelatinous Cube” looks like nothing else than a massive hit from the Oh Sees. John Dwyer has hardly ever been this pernicious. It can also be noted that this track is probably the most psychedelic on the album, a new evidence that this style suits him amazingly well and that the shift taken last year is a true divine inspiration. “-Hey bros, what about building a 2010s masterpiece, just for fun? – Why not man, yeahhh why not!”
“Unwrap The Fiend Pt. 2” is a return to the gelatinous instrumental of “Jammed Entrance”. In the same spirit as the third song of the record, it temporizes with an experimental track that I can’t wait to read with whom the media will compare it. “Crawl Out From The Fall Out” is even more surprising, with a True Widow-like spirit for a most definitely stonegaze track. “Unwrap The Fiend Pt. 2” never really takes off, which was maybe planned for “Unwrap The Fiend Pt.1” (where is it?)
Finally, everything ends with “The Axis”. John Dwyer gives more room than ever to an organ, which dominates the first four minutes. The unveiled single of this LP – which doesn’t make any sense (and thus, is absolutely genius) – seems to intend to perpetuate the spirit of the previous two tracks. Oops, changing my mind during the fifth minute. I’ll keep quiet about the rest, get your handkerchiefs ready. John Dwyer himself told it: “-Hey mates, what if we made the rocker’s tattoos cry on the last song? – Totally my man, let’s do it bro”.
In the end, A Weird Exits is a new masterpiece by John Dwyer that I would easily rank among his top 3 releases.
But with your permission, let’s get serious for a moment before bursting our eardrums again. A philosopher once said that “the first one who compared a woman to a rose was a poet, the second one was an imbecile”. How many imbeciles out there are trying to imitate John Dwyer’s sound? Very few actually, the construction of his tunes is so complex (and brilliant) that the entire scene bows down to the Oh Sees, yet not even hoping to replicate their feeling. There lays one of the biggest differences between John Dwyer and Ty Segall, without doubt the two greatest rock’n’rollers of the 2010s. The second one is the target of thousands of rip-offs, because his creations always stun by their obviousness, giving a feeling of comfort that urges replication. Thee Oh Sees rely on another paradigm, knocking out the scene with a psychedelic stoner which is 1/ a novelty in the history of music 2/ obscure enough to repulse the parasites.
Anyway, a flaw is still notable: it might be possible that we want a little more. The last three tracks are more languorous than usual and we would have been glad to get punched in the face one last time. I guess we’ll have to give another listen to Mutilator Defeated At Last.
Art is a manifestation of the mind (Geist), and for lack of having too much “mind” in what the scene offers to us, we can be delighted that guys like John Dwyer keep on boosting everybody. A Weird Exits explores a new side of rock’n’roll, this time with an experimental stonegaze that accompanies a truly dirty punk. Let’s hope that he keeps on doing so for a long time. While Mutilator Defeated At Last finished first in Still in Rock’s ranking for the best 2015 albums, A Weird Exists aims for the same position.
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