Hoorsees, c’est un peu comme un Nouvel An : tout le monde sourit, parce qu’il le faut, tout le monde se convainc d’être heureux, parce qu’il le faut, et tout le monde somatise d’avoir lamentablement raté l’année qui vient de s’écouler. Ce nouveau projet musical d’Alexin Huysmans, également connu sous le nom de Dr Chan, aurait pu s’appeler Baudelaire tant il joue sur un tableau où le spleen est le maitre mot. Sa musique, sous couvert d’être mélodique et entrainante – la faute à une batterie mécanique très bien placée – traduit en réalité quelque chose de plus noir, une désillusion à la Heathers. Cette dualité fait la beauté des quatre morceaux de son premier EP – en téléchargement gratuit ici.
Youth est une grande claque pour qui accepte de s’y plonger, loin des cliques à gogo d’Internet et loin de la recherche du hit catchy pour faire danser ses copains. Les projets de garage n’en finissent pas de se créer, certains imitant Ty Segall, d’autres imitant John Dwyer tandis que les derniers se perdent dans un style noisy punk comme pour dire pour se prouver qu’ils sont “de vrais rockeurs”. On ne retrouve rien de tout ça dans la musique de Hoorsees. Ici, c’est fuck le sixties, fuck le punk seventies et fuck la pop à paillettes, Hoorsees est un projet hybride qui s’inscrit en plein dans sa période 2016 / 2017, comme si l’on entrait dans un étrange carrousel avec des clowns tristes sur la gauche et des marionnettistes pervers sur la droite.
“Teenage Boys” est très fort, d’entrée de jeu. Il y a ici une réelle déconnexion entre la forme artistique – un rock garage à tendance pop qui passe en force et en production mid-fi à renforts de refrains entêtants – et l’esprit de cette création – maussade et qui sans tomber dans le navrement le plus total ne propose de ne pas cacher la volonté taciturne d’Alexin Huysmans. Ce premier titre est l’un des morceaux les plus personnels qu’il n’ait jamais composé où l’on prend un chemin brumeux que son garage à tendance stonegaze vient sublimer. Il réussit, en somme, là où Mental Dhead avait parfois buté.
Vient alors “Bad Words” dont la forme est pour le coup plus proche de ce qu’il entend transmettre. Le titre crée ainsi un véritable interlude avec la joie simulée des autres compositions de cet EP. On se laisse attraper par sa mélodie qui semble être le fait d’un groupe de brit pop sur le point de commettre l’irréparable. Le refrain y est particulièrement robuste.
“Pitfall“, avec un background presque strident, renforce l’idée d’un garage rock oppressant. L’aspect assez mécanique de la batterie ne fait jamais que renforcer cette impression d’une marche forcée, comme si Hoorsees avait pour mission d’être toujours très avenant, un sourire irrité au coin des lèvres. La voix d’Alexin est volontairement forcée – une franche réussite – et il y parle enfin d’amour, ah l’amour ! Le titre reprend logiquement le même champ lexical que les deux titres précédents, sadness & co sont au programme. “Wasted Youth” vient conclure cet EP. Plus que jamais, Hoorsees semble vouloir cacher un peu de sa tristesse avec un titre qui, sous couvert de son arrangement semi-noisy, se permet quelques sonorités plus analogues.
Au final, Hoorsees réalise un tour de force : nous faire rentrer – en 17 minutes à peine – en plein dans un univers qui rappelle le Tristessa de Jack Kerouac. C’est d’autant plus fort que l’on réalise que très peu d’EPs parviennent finalement à imprimer leur marque, à faire que l’on y sent un véritable pouvoir d’attraction. Cela résulte à mon sens de plusieurs éléments : des arrangements percutants, une voix sur le fil qui s’impose à rapidement à nous, des mélodies qui rappelle les grandes périodes 90′ et, surtout, des textes qui semblent faire office de messages subliminaux, distillant sans cesse le sentiment d’être tombé dans une impasse.
Il ne fait aucun doute que Youth doive donc être encensé – sorry pour cette chronique à sens unique, elles sont rares mais parfois nécessaires. A présent, sortez les cotillons, le compte à rebours de la nouvelle année va arriver et il va falloir sauter de joie – Youth en bande-son. Il faudra bien le compter parmi les meilleurs EPs de 2017. Espérons qu’il y ait plus à venir.
(mp3) Hoorsees – Teenage Boys
(mp3) Hoorsees – Pitfall
Tracklist :
1. Teenage Boys
2. Bad Words
3. Pitfall
4. Wasted Youth
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