Cut Worms, c’est la nouvelle sensation amoureuse. Si Cut Worms est l’avenir de la musique de chambre, c’est que son premier EP, Alien Sunset, est une pièce inaccoutumée, surtout, extra-ordinaire. Cet extra le conduit à délivrer quelque chose de majestueux, parce que sans la moindre grandiloquence, mais aussi d’extra terrien, comme si l’ailleurs était venu se poser sur ces quelques morceaux. Les nouveaux fidèles de Martian Subculture acquiesceront
Son EP, c’est un mélange grandiose de bedroom, de baroque et de pop spectrale. Mais au-delà des genres, il faut relever à quel point Alien Sunset signe le renouveau du romantisme du 19ème. Si les textes semblent être très personnels – nécessairement, on vit également ce romantisme à travers son cercle de confiance. Et c’est alors que Cut Worms rappelle Les Souffrances du jeune Werther, écrites par Goethe. L’impossible auquel est confronté Werther produit ses effets sur sa famille et il en va de même avec Cut Worms qui fait référence à sa soeur, au besoin de vérité qui peut éclabousser jusque dans l’intimité avec ses proches.
Les deux font donc une apologie de la passion, de l’intuition et de la spontanéité, ils attachent une importance à l’infini. Tout y est exagéré, dans une phase romantique. On y magnifie les détails, et si Cut Worms l’incarne parfaitement, on finit par se demander si notre romantisme n’est pas dirigé en sa direction. Après tout, Berlioz – autre romantique – suscitait bien des passions et on ne compte plus les écrits qui relatent la « fièvre de Werther ». S’il a donc souvent été dit que Goethe détient la langue du sentiment, le fait est que Cut Worms en est également l’heureux propriétaire.
Il y a d’entrée un rapport de soumission, ce que “Don’t Want to Say Good-Bye” relève dès la première phrase. Cut Worms introduit son EP sur quelques notes légères, refusant des adieux qui semblent pourtant inévitables. Il se dit seul, expliquant son refus de la voir partir, et c’est ainsi que tout commence. Les élans sudistes de ce titre ne sauraient cacher le spleen qui est déjà grandissant. Quant à “Alien Sunset“, c’est une première référence au besoin de vérité, aux liens compliqués entre l’amitié et l’amour, aussi. Cut Worms a un côté badin qui, s’il fait sens lorsque l’on considère l’EP dans son ensemble, ne dégage pas la même intensité que celle des prochaines minutes.
Vient alors “Like Going Down Sideways“, la première masterpiece de cet EP. Il y a de la gravité dans cette pop de chambre, comme une majesté devant l’épreuve. Max Clarke se montre à nous avec toutes ses pensées, la production mid-fi en fait une pièce maîtresse et les variations sont multiples. Personne ne saurait énerver la gloire que cet exploit mérite.
“A Curious Man” est un titre en tierce, un nouveau fait d’armes qui s’aventure sur des terres plus fantastiques, lorsque l’Alien Sunset se transforme en Alien Midnight. Cut Worms demande l’oubli, demande de ne pas se retourner, demande de marcher vers la mort, peut-être. Et il faudrait ne pas y voir, encore, un hommage à Goethe ? Et il faudrait ne pas s’émouvoir de cette loyauté ? Cela revient plusieurs fois dans l’EP, Cut Worms semble avoir un rapport très particulier au temps et à la solitude, comme s’il effaçait celui-ci au profit de la seconde. Chaque moment de joie est source d’un nouveau regret, nous dit-il, et comme on me l’a fait doucement remarqué, ce titre rappelle l’esprit ce titre de Nick Cave, “The Carny“, tiré de son Your Funeral … My Trial. La boucle est bouclée.
“Widow’s Window“, c’est le retour vers un univers moins fantasmagorique, bien les tierces viennent nous rappeler son brio. Tous ces méandres ont conduit Cut Worms vers le retour à l’apaisement et les séquelles apparaissent tout autour de lui. Il est donc seul dans le jardin, au milieu de ce chaos d’un nouveau type. “Song of the Highest Tower” nous fait atterrir, proche des deux premiers morceaux.
Au final, Alien Sunset est une émanation d’un genre nouveau, de la pop pour chambres martiennes. Après la pop spectrale, voici donc la pop saturnienne. Werther n’a pas survécu et Cut Worms y a laissé beaucoup de lui-même. Cette arabesque est une invitation à l’univers de notre choix, mais il devra être proche de la nature, après tout, c’est ce que les exhalaisons de pop baroque veulent produire. Le time of love sur lequel Cut Worms conclut nous faire dire que le romantisme du 19ème n’a peut être pas trouvé son nouvel héros, mais, qu’il faudra désormais compter sur un compositeur qui survole de très loin ce qui s’est fait en la matière depuis bien des années.
(mp3) Cut Worms – Like Going Down Sideways
(mp3) Cut Worms – A Curious Man
Tracklist : Alien Sunset (EP, Jagjaguwar, 2017)
1. Don’t Want to Say Good-Bye
2. Alien Sunset
3. Like Going Down Sideways
4. A Curious Man
5. Widow’s Window
6. Song of the Highest Tower
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