OCS, c’est l’un des plus anciens groupes de John Dwyer. Créé en 2003, il a depuis fait paraître 5 albums sous ce nom. Le petit dernier est Memory Of A Cut Off Head, la 100ème sortie de Castle Face Records. Il est aussi le 20ème album du combo OCS/Thee Oh Sees/Oh Sees. Il est poétique.
Si je veux constamment rapprocher John Dwyer de quelque chose de plus grand que le monde de la musique – multipliant ainsi les références à la littérature ou à la peinture – c’est que je constate, avec regret, qu’il est parfois l’objet de descriptions en réalité peu flatteuses. John ne serait qu’un artiste parmi tant d’autres, ou alors, un cogneur qui ne saurait que malmener les tympans de son public. Et je fais probablement partie de ces fidèles du Oh Sees stoner, ah que nous sommes beaux, donneurs de leçons à ne voir et vouloir que ce qui nous procure un peu d’immédiat(s). Mais John multiplie les projets et les styles, comme pour brouiller les pistes, en réalité, pour se prouver quelque chose à lui-même. Il le fait avec le brio de ceux qui osent tout réussir.
Son Memory Of A Cut Off Head, comme son nom l’indique, semble être le souvenir d’une Reine déchue, on ne peut s’empêcher de penser à Marie-Antoinette qui est ici incarnée par Brigid Dawson. John joue tous les autres roles, celui du valet, du violoniste du roi… Certains appelleront ça du travestisme, nous, on appellera ça… du travestisme – c’est un peu comme la différence entre un bon et un mauvais chasseur.
“Memory Of A Cut Off Head“, le premier, est d’un rare lyrisme. Les deux voix dansent une valse très légère, chuchotée à des enfants au coin d’une bougie. “Cannibal Planet” se veut plus cavalier. On y retrouve l’essence du Oh Sees version Carrion Crawler/The Dream. On plane, nous aussi. Et puis, qui aurait pensé John capable de se transformer en courtisant auprès de la royauté de Louis XVI ? Lui seul, assurément. C’est ce que démontre “The Remote Viewer“. Plus que jamais, la musique de John a quelque chose de grandiose. Plus que jamais, elle nous dit Chateaubriand a eu raison d’insister sur son romantisme.
Et à en croire “The Baron Sleeps And Dreams“, les rêves de la baronne sont à la fois lyriques, désordonnés et creux. Il fait réaliser à quel point cet album est bien produit. “On And On Corrider” vient renouer avec un peu de légèreté, s’éloignant par la même des Mémoires d’outre-tombe pour, enfin, donner vie aux Mémoires de ma vie. Les aspérités de la pleine lune laissent penser au dernier Damaged Bug.
“Neighbor To None” fait office de balade folk. Cet album n’a rien de psychédélique – rangez donc votre mot fourre-tout. Il a tout de poétique, ce que prouvent ces 2min30. “The Fool“, c’est celui qui amuse la Reine, et si elle se permet de chanter à son sujet, cela implique nécessairement qu’il soit parti. John Dwyer laisse donc toute la place à Brigid Dawson qui, sans jamais tomber dans un vieux pathos qui anime pourtant une majorité de la scène folk, sait se montrer pleine de justesse.
“The Chopping Block” commence comme un titre de Leonard Cohen, continue comme un titre de Leonard Cohen et finit comme un titre de Leonard Cohen – non, pas Bowie. Il est beau, simplement beau. Les coeurs serrés n’ont qu’à bien se tenir. L’album fait dans la gravité, ce que l’instru’ de “Time Tuner” renforce encore un peu plus. Il est loin le printemps des premiers accords de cet album. Seul “Lift A Finger By The Garden Path” vient rajouter un brin de gaillardise.
Au final, Memory of a Cut Off Head est fait d’un autre métal, celui du passé. Memory Of A Cut Off Head est le troisième album de John Dwyer qui foule les pages de Still in Rock cette année. Il est le plus “archéo-mélodique” de tous. C’est surprenant, lorsque l’on sait que John Dwyer a pour habitude de créer des mouvements plutôt que de regarder derrière lui.
Et laissez-moi conclure avec le Spleen de Paris – que j’aime citer régulièrement, il me procure l’impression d’un peu de consistance. Charles Baudelaire y relate la vie d’un chien à qui l’on donne à respirer “un excellent parfum acheter chez le meilleur parfumeur de la ville“. Le chien, au contact de l’odeur, recule et aboie, parce que mécontent. Et Baudelaire de dire : “— Ah ! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d’excréments, vous l’auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l’exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies.” Memory Of A Cut Off Head pourrait bien être ce parfum tout à fait exquis, alors que nous, on veut encore respirer le stoner psyché qui sent bon la transpiration. Cela questionne sur le rôle du critique face à une poignée d’artistes qui semblent avoir tant d’avance que je me demande parfois qui peut valablement – utilement – les décrypter.
(mp3) OCS – Memory Of A Cut Off Head
(mp3) OCS – The Remote Viewer
Tracklist : Memory Of A Cut Off Head (LP, Castle Face Records, 2017)
1. Memory Of A Cut Off Head
2. Cannibal Planet
3. The Remote Viewer
4. The Baron Sleeps And Dreams
5. On And On Corrider
6. Neighbor To None
7. The Fool
8. The Chopping Block
9. Time Tuner
10. Lift A Finger By The Garden Path
Liens :
Article sur le dernier Oh Sees, Orc
Article sur le dernier Damaged Bud, Bunker Funk
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