Towanda, c’est un groupe originaire de Montréal qui fait dans le “avant-gruel-metallic-rock-noir” (je les cite). Et c’est avec joie que je les présente ainsi, cela fait longtemps, à vrai dire, que je n’avais pas chroniqué un groupe 100% féminin, et la question revient toujours : est-ce un sujet ? faut-il le relever ? le rock’n’roll est-il sexué ? Pour la première fois, je n’ai pas l’envie de me replonger de trop dans la formulation de réponses maladroites, la musique doit ici primer parce que sa violence entremêlée à sa douceur de velours nous dit tout ce que l’on doit savoir de Towanda.
Le fait est, et j’en suis fier, que le groupe (son label) m’a confié la tâche de vous présenter cet EP en exclusivité intergalactique. That’s right, vous êtes les premiers au monde à écouter cet EP dans son entièreté, les premiers à fondre comme teenager au Kate Moss club, les premiers à vous délecter d’un punk qui veut aussi sa part de stoner, pour réconcilier les deux mondes. Cet EP, intitulé Freak of Nurture, fait suite à Plaything, son album paru en 2016. Il est encore meilleur, une “cognerie” au pays du garage. Il voit le jour sur Girlsville, l’excellentissime label de Chicago dont j’ai déjà parlé à l’occasion de la sortie de Stupid Punk Boy. Et parce que tout ce qui émane de lui mérite nécessairement nos amours, on aime. L’amour par nécessité, c’est post-moderne, ça ?!
Il y a trois façons, me semble-t-il, d’aborder la musique très noire d’une artiste : du côté sorcière de la force – c’est L.A. Witch – mais on se retrouve en face du cliché de la femme fatale qui est nécessairement malicieuse, du côté Riot Grrrl – ce sont les Slits – mais on se retrouve alors sur une scène qui mime les codes du punk très masculins, ou alors, du côté post-sexuel, sans jouer outre mesure sur la sensualité, sans exagérer une lutte des sexes qui mine parfois certaines expressions artistiques. Merde, j’avais dit que je n’aborderais pas le sujet. Toujours est-il que Towanda s’inscrit en plein dans ce troisième mouvement, “Another Bridge Burner” en est la première émanation.
“Pain Now, Pain Later” dit à qui veut l’entendre que cet EP recèle certains moments de punk-haut-voltige. Towanda force le ton et un contraste se crée rapidement entre la musique qui accélère, la voix qui va tirer sur un côté late seventies, et dans le même temps, sur un son grungy qui rappelle le début de la décennie visée. Ce genre de morceau résulte de milliers d’heures d’écoutes, il s’inscrit dans une faille de l’histoire, apportant une réponse à l’éternel débat punk vs. stoner. A la question de l’opposition entre les deux, CFM me disait qu’elle n’est pas “obsolète, non. Cette opposition conduit les artistes à produire différents styles de musique. Et puis, le punk est différent de ce qu’il était en 1977, en 1982, 1993 ou 2003. Les styles musicaux évoluent et seul l’esprit perdure“.
“Vanity Project” continue le glissement de cet EP vers une musique de plus en plus psychée et métal-ish. Towanda y fait des merveilles, prouvant à qui veut bien l’entendre qu’une puissance égale à celle de la scène straight edge peut être ranimée. “The Anti-Heroine” synthétise le tout. Towanda ne veut être le héro de personne. On se questionne alors, si l’on veut bien, sur la place que l’on donne à ceux que l’on adule. Après tout, la scène musicale est faite de ces adorations, et les artistes qui ont voulu s’en écarter ne sont jamais parvenus à n’en susciter aucune. Le paradoxe des anti-héros continue ici.
Au final, Towanda fait de Freak of Nurture un immense statement qui, plein de messages et de théories non-complotistes sur la domination, laisse place quand il le faut à une musique dont l’efficacité ferait rougir Churchill en période de guerre. Towanda ne peut qu’avoir une place centrale dans la scène de demain. Un peu comme le fait Downtown Boys – le Sun Tzu punk ! – il magnifie l’art de la guerre d’une époque qui n’en manque pas. Il est l’émanation de notre temps avec les codes de scènes passées.
Tracklist: Freak of Nurture (EP, Girlsville, 2018)
1. Another Bridge Burner
2. Pain Now, Pain Later
3. Vanity Project
4. The Anti-Heroine
Liens :
Article sur Downtown Boys
Article sur la compilation de Girlsville
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