Wyatt Blair: more power than pop
Alors que je préparais cet article, et que je me questionnais sur la raison d’être des licornes roses, Wyatt Blair a eu la très bonne idée d’offrir un j’aime Facebook au sujet d’un post qui qualifiait les Db’s de groupe “more pop than power“. Jamais je n’avais pensé à opposer les deux, mais ça faisait sens : Wyatt Blair, lui, est more power than pop.
En 2013, il faisait paraître son premier LP, Banana Cream Dream (article). On y découvrait un Wyatt Blair dans la lignée des plus grands groupes du genre, des Rubinoos, de The Beat, des Shoes ou encore de Milk’n’Cookies. L’un des meilleurs albums du genre était ainsi délivré. Et puis, en 2016, il revenait avec Point Of No Return (article). Il se penchait alors vers les années 80s. Il nous disait que le ringard ne l’était plus, que l’on pouvait porter des costumes parachutes et poser devant des buildings – symboles de la puissance américaine. Il nous disait qu’il était indestructible. Il faisait ainsi paraître un deuxième album qui devait être intégré parmi les meilleurs de l’histoire du genre.
C’est donc avec un plaisir non dissimulé que je vous présente aujourd’hui son troisième album, Smoke & Mirrors, en exclusivité intergalactique. Enregistré à Los Angeles et mixé à Arizona, il est un pur produit américain, comme on les aime. Si je relève ce point, c’est que, me semble-t-il, Wyatt Blair magnifie l’ancienne Amérique d’il y a 30 ans. Avec lui, on se souvient de sa grandeur, de son arrogance, du American Dream qui régnait sur la terre entière. Wyatt Blair a ce pouvoir – unique au monde – de nous faire véritablement entrer, en 2018, dans les USA bling bling de 1982. C’était avant que tout ne recommence, avant que la musique se réinvente, c’était l’époque où la power pop allait passer de son paroxysme 70s à des mélodies encore plus évidentes. C’était Elvis Costello et des artistes plus cheesy qui aimaient le cuir, une période post-Blondie post-New York Dolls, en somme. C’était les Squeeze, The Judy’s, Sunnyboys, les Db’s, plus encore, The Replacements et Tom Petty. Wyatt Blair est de ceux-là, le statement est big, trop big, mais comme l’époque qu’il magnifie, il faudra attendre quelques années pour que l’évidence apparaisse.
Il ne faut pas s’étonner si, de temps à autre – toutes les 3 lignes – je dois relever à quel point Wyatt Blair est une personne fabuleuse, parce qu’à l’évidence, une musique qui donne tant d’amour et suscite un tel bonheur ne peut émaner que d’une personne extraordinaire.
“(Living In) Los Angeles” introduit la danse avec toute la splendeur que cet album mérite. D’entrée, Wy Wy vient nous dire que l’on s’apprête à passer 30 minutes à contempler quelques belles bécanes – coucou, pochette des Cheap Trick – et s’émouvoir de la hauteur des palmiers. Vient donc “Shoot In The Night” qui, après une journée à se montrer dans les rues ensoleillées, laisse place à la soirée que l’on veut tous : on s’approche du casino, on se dit que ce soir, la chance sera de notre côté, et on se préparer à une “night on fire”. Le potentiel hit machine de ce morceau est immense.
“Don’t Stop This Feeling” – un générique pour Alerte à Malibu 2 ? – est une autre démonstration de ce que la boite à rythmes peut faire comme merveille. Et c’est ici que l’on comprend que Smoke & Mirrors est plus power que pop. Cet album ne recule devant rien, il est un statement pour tous ceux qui pensent que l’art se fait dans la mesure et la justesse : un trop-plein de couleurs est impossible. Wyatt Blair est le Picasso de la scène, “l’anti-Soulages“. Je le surnommerai ainsi, désormais.
Un jour, je me ferai faire des pins gravés “The Want To Be Wanted“. Ou un tattoo. C’est un Wyatt Blair plus aguichant que l’on y trouve, parfumé de la tête aux pieds aux bas du ventre. Wyatt Blair est un grand amoureux, et pour la première fois, un morceau de sa création l’exprime entièrement. “TV” vient clore la face A. C‘est le titre bandana : un peu biker, un peu androgyne aussi, bref, il aime la vitesse et s’arrêter pour faire des clins d’œil, on en oublierait presque qu’il ne s’agit jamais que d’une image télévisée, un irréel dans lequel on veut se plonger parce qu’il est meilleur. Parce qu’il nous fait nous sentir bien. Wyatt Blair est probablement le plus grand réalisateur de séries policières qui n’ait jamais existé – sans le savoir pour autant.
Sortez alors les patins à roulettes et entrez sur la piste de danse, “Reflections Of Paradise“ arrive. Une fois encore, c’est un Wyatt Blair qui me rappelle la discussion que j’ai eu la chance d’avoir avec Paul Collins (The Beat, The Nerves) qui revient à la charge. Extrait :
“- Question : Les groupes des années 90s étaient très ironiques… Pour eux, tout était sans intérêt, même l’amour. Ils ont tué les chansons d’amour. Je ne trouve pas trace de groupe écrivant de bonnes chansons d’amour à présent, comme les groupes de power pop pouvaient le faire à l’époque…
– Paul : C’est marrant, je n’ai jamais entendu quelqu’un en parler de la sorte, mais c’est vrai ! Tu sais, la plupart des gens regardent ce qu’ils font et essaient de déterminer leur place dans le monde. La Power pop est très difficile à créer… C’est précisément que j’aime à propos de cette musique. Je ne me considère pas comme un musicien de power pop, je me considère plus comme un musicien rock. Mais si les gens appellent ce que je fais de la power pop, pas de problème. De toute manière, j’aime l’aspect positif de la power pop. On parle des filles, de voyages et de travail. Ça parle de comment obtenir la fille, du fait de la perdre, lorsque la fille te quitte ou que tu la quittes”.
Ce que Wyatt Blair fait, avec son ironie bien à lui, son rictus toujours là, paraît facile, mais c’est en réalité immortel. “I Don’t Know Why” le dit encore, je crois que les hits de Sega Master System ont trouvé leur nouvelle bande-son. On y retrouve le Wyatt Blair de Point of No Return, un écho sur la voix pour un rayonnement maximum. A tous ceux qui s’évertuent à composer des titres de pop sans refrain, ou sans oser abuser, Wyatt Blair leur dit : allez-y gaiement, plus il y en a, mieux ce sera !
“The Mystery” a les mêmes réverbs’, mais on se rapproche cette fois-ci du dénouement, le mystère est à son apogée eighties. “For Eternity” participe de cette démarche ténébreuse, les mots sont lancés en l’air – eternity… – avant qu’ils ne viennent s’écraser sur une musique digne des grands moments de la funk expérimentale. “If Love Is Pretend“, avec l’excellente Lily Waters, vient nous questionner : on nous demande d’oublier la race humaine, de nous replier sur nous-même, alors que la musique de Wyatt Blair a toujours été question de communion. Peut-être est-ce une explication du fait que la pochette soit en noir et blanc. Peut-être faudra-t-il attendre un 4ème album pour en connaître le sens.
Au final, Wyatt Blair perpétue sa discographie irréprochable. Smoke & Mirrors est un album qui semble avoir longtemps infusé dans la pop des années 80s pour n’en retenir que le meilleur, il performe autant qu’il délivre, les hits sont légions et Wyatt Blair continue d’être cet artiste qui, dans un autre monde, aurait été la plus grande star du pays, à la Tom Petty.
Wyatt Blair est plus power que pop parce que sa musique est un élan pour la race humaine, un message d’amour qui, sous ses airs rieurs, cache plus de sensibilité qu’on ne veut le voir. Elle aurait été pop si nous étions en 1982, mais aujourd’hui, après l’ironiSM qui fait que l’on a toujours du mal à accepter tout cet amour, elle est plus que tout POWERful.
Tracklist : Smoke & Mirrors (LP, Pure Instinct / Burger Records, 2018)
1. (Living In) Los Angeles
2. Shoot In The Night
3. Don’t Stop This Feeling
4. The Want To Be Wanted
5. TV
6. Reflections Of Paradise
7. I Don’t Know Why
8. The Mystery
9. For Eternity
10. If Love Is Pretend (feat. Lily Waters)
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