Je me souviens de la première fois que j’ai rencontré Calvin Johnson. C’était le 22 mai 2013, au Tea House (Brooklyn). Ce soir-là, Calvin Johnson allait jouer en compagnie de Ian Svenonius. Je découvrais les deux. Je me m’étais fait embarqué dans cette soirée que l’on m’avait vendu comme étant immanquable. Elle l’était effectivement.
Après un set extraordinaire de Chain & the Gang (Ian), Calvin était arrivé dans l’espace dédié aux musiciens – ce n’était pas vraiment une scène, ils étaient au même niveau que le public – et avait demandé que la lumière soit allumée. Elle était froide, cette lumière. Il portait une chemise blanche, comme s’il sortait d’un bureau ennuyeux. Il était seul avec sa guitare acoustique comme seul compagnon. J’avais détesté. Les titres s’étaient enchainés sans cohérence, seule sa voix, toujours fausse, avait créé un lien entre ces morceaux. Nous étions ensuite allés chez Lulu’s – bar investi dans une ancienne factory – pour descendre quelques pizzas en jouant au billard. Ce soir-là, j’avais fait dire à la personne qui m’accompagnait que “Calvin Johnson sucks“. J’ai encore l’enregistrement audio.
Il m’avait finalement fallu un mois pour réaliser que ce besoin d’entendre à quel point il était nul cachait quelque chose. Le 25 juin 2013, j’ai donc ajouté l’intégralité de la discographie de Beat Happening à mes playlists. Et j’ai écouté cela avec parcimonie, comme pour me convaincre que j’avais juste et tort à la fois. Les années allant, j’ai fini par noter chacun des morceaux du groupe. Et puis, la semaine dernière, je suis tombé sur un nouveau titre de Mac DeMarco, “Indian Summer“, qui n’est autre qu’une reprise de Beat Happening, album Jamboree (1988). Je tenais donc mon sujet, mon introduction et mon prétexte.
Mon histoire compliquée avec Calvin Johson me disqualifie à une critique plus amoureuse de ses morceaux. Pour cette raison, j’ai décidé de m’exonérer d’une analyse track-by-track, comme on dit. Mais je veux quand même vous dire pourquoi mon erreur ne doit pas être répétée.
“Me Untamed” participe de ces morceux qui m’ont laissé pensé que Calvin se foutait de nous. Qu’il était ironico-cynique 2.0. Il y a ensuite des moments de danse, je pense à “Left Behind“. D’autres fois, Calvin Johnson joue au rockeur et mélancolique, c’est “Hot Chocolate Boy“, “Red Head Walking“, “Cry For A Shadow“…
“Collide“, c’est la raison d’être de cet article, en compagnie de “NancySin“. Le premier représente l’essence de Beat Happening. Heather Lewis prend le lead vocal, elle est également à côté de la plaque, mais elle nous raccroche avec des boucles mélodiques. Quant à Nancy, elle est à contretemps, grise, punk fatiguée, nerveuse, mais à bout de nerfs, bref, elle est Beat Happening dans ce que Calvin Johnson sait de mieux. “Fortune Cookie Prize” vient nous dire que la pop fait également partie de l’univers du groupe, que, parfois, il nous veut du bien. Quant à “Revolution Come And Gone“, c’est l’autre grande réussite de cet LP.
Au final, Beat Happening n’est jamais là où l’attend. Et les écoutes n’aident pas à s’y acclimater. Calvin Johnson est trop en dehors des codes de ce que l’on connait que l’on puisse s’y habituer. C’est précisément ce qui fait de lui un groupe qui fascine, en bien ou au mal. Comme Guided by Voices, Beat Happening est l’anti-convention. Où sont passés les groupes de ce genre en 2018 ? NOWHERE. Pour conclure cet article sur une note plus heureuse, voici quatre autres titres du groupe qui méritent d’être écoutés:
1. Me Untamed
2. Left Behind
3. Hot Chocolate Boy
4. I’ve Lost You
5. Cry For A Shadow
6. Collide
7. Nancy Sin
8. Fortune Cookie Prize
9. Revolution Come And Gone
10. Red Head Walking
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