La Luz, c’est un groupe originaire de Los Angeles que l’on aime bien par ici, parce qu’il est sensuel, mais aussi garage, mais aussi inquiétant, mais aussi redoutablement mélodique. Ses deux premiers albums, It’s Alive (2013) et Weirdo Shrine (2015) étaient tout deux parus sur Hardly Art et voilà qu’il récidive avec Floating Features (2018), sorti vendredi dernier. On voit bien que ses intitulés sont toujours un peu étranges, La Luz joue avec un univers de monstres gentils qui évoluent lentement mais surement vers un gore jouissif. Sa musique, qui tire toujours sur du surf, a ce côté un brin fantomatique que le groupe vient combler avec la langueur des moments passés à lire des vieux magazines.
Surement est-ce cet attrait prononcé pour Suspiria qui pousse Hardly Art à décrire La Luz comme étant une réminiscence LSD. On ne sait jamais bien si elles affirment leur sorcellerie ou si elles préfèrent la chuchoter au creux de notre oreille, mais le fait est que le groupe réussit toujours son coup. Les premiers instants peuvent être difficiles, parce qu’il faut s’adapter au rythme de cet album, mais on se trouve rapidement plongé dans un film de série B qui ne nous veut pas que du bien.
Vous doutiez de la capacité du groupe à créer du suspense, détrompez-vous, 007 n’a que bien se tenir, le gang des filles de Los Angeles est là avec son excellent “Floating Features” ! Cette introduction, rétro comme il le faut, est une excellente nouvelle pour qui aime les thrilerseventies. C’est, déjà, un grand moment de l’album. Trop peu de groupes osent commencer par une partie instrumentale. Et puis, “Cicada” vient prendre le relais, toujours sur ce fond Tarantino, le compte à rebours peut commencer… C’est à 1min20 que l’on se rend compte à quel point la production est irréprochable. Et “LooseTeeth” de venir compléter le trio introductif, peu être avec moins de panache, mais avec tout autant d’ardeur.
“Mean Dream” se veut être le titre romantique dans un western pop qui, sans être spaghetti, veut ramollir les coeurs. Nous, on regarde passer le chat noir par la fenêtre, un jour de pluie. Il y a bien de la dream pop là-dedans, je crois que La Luz m’émeut particulièrement lorsque le groupe me rentre dedans, le côté sexy du passif-aggresif.
“California Finally“, c’est le hit de cet LP. C’est également le titre du premier solo, le titre des premiers amours, le titre de la guerre, le titre d’une Californie à la Grindhouse. Et en fond, les premiers cris d’une scène de meurtre. Quant à “The Creature“, il vient clore la face A de cet album avec la douceur des matins brumeux, au réveil d’une nuit d’épouvante. A ce stade, La Luz est constamment sur le fil, entre pop enjolivée et monstruosités à visées fun fun fun.
“My Golden One” est remarquable ! Le titre tire sur de la pop spectrale, il nous regarde avec des yeux passionnés, c’est assurément le combo d’un film de Quentin : du sexe, de la violence, du rire et des portes-jarretelles – surtout des portes-jarretelles. Ce qui vient ensuite relève de l’excellence. “LonelyDozer” assume en plein l’univers de cet album avec un fond d’orgue qui se transforme en orgie à mi-parcours. On se souvient alors que dans Une nuit en enfer, Salma Hayek nous aguiche avant de nous dévorer le cerveau. Et n’en va-t-il pas de même dans le fameux Suspiria ?
“GreedMachine” vient me réconforter en me disant que, peut-être, je ne fais pas fausse route. La Luz dit activer la machine à cupidité, toujours avec cette pop qui emprunte ce qu’il faut à la musique surf. “Walking Into The Sun“, c’est le doo-wop de la fin de soirée, lorsque les fantômes s’emparent de la salle de bal pour, eux aussi, faire leur valse déhanchée. Les cotillons sont tous par terre, ils ont été piétinés et les quelques cadavres des titres passés jonchent le sol. “Don’t Leave Me On The Earth” vient boucler le tout et c’est l’heure de la grande révélation : La Luz demande à retourner sur sa drôle de planète. Elles étaient donc reptiliennes, depuis le début, d’où les allures de sorcières, d’où le fun-gore de Tarantino, d’où l’impression constante de LSD et de visages défigurés.
Floating Features réussit tout ce qu’il entreprend. Parfois discret, il ne manque pourtant jamais sa cible : le 70s des grands films à suspense, des envies de flingues, de filles qui se déhanchent et de sorcières mal intentionnées. Ouais, Floating Features, c’est un western fantastique, un album pour les fans du Wizard. La Luz s’affirment plus que jamais comme l’un des meilleurs groupes californiens, la dream team des faiseurs de rêves. J’ai longtemps hésité sur le titre de cet article, entre “Witches + Tarantino = La Luz“, “La Luz : LSD pop“, “La Luz : Suspiria“, “La Luz : Salem” et “La Luz : Tarantino Girls!“. Il y a finalement un peu de tout ça dans Floating Features.
Tracklist: Floating Features (LP, Hardly Art, 2018) 1. Floating Features 2. Cicada 3. Loose Teeth 4. Mean Dream 5. California Finally 6. The Creature 7. My Golden One 8. Lonely Dozer 9. Greed Machine 10. Walking Into The Sun 11. Don’t Leave Me On The Earth
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