Ce qu’il y a toujours eu de bien avec Parquet Courts, c’est qu’il ringardise quiconque essaie de s’approcher de sa musique. Ce que je veux dire par là, c’est que mis à part le punk qui tape très très fort façon Jay Reatard, tous ceux qui se disent punk et qui sont incapables de produire quelques montrées d’adrénalines sont en réalité loin du compte. Parquet Courts, lui, sait comment nous faire sentir adolescent. A chaque nouveau titre, c’est l’excitation d’une nouvelle page d’un magazine érotique qui se tourne, on se demande ce qu’elle nous réserve, on sue un peu sur les bords, et, souvent, on est pris d’une envie de crier notre joie parce que trop c’est trop.
Sur Human Performance (2016), on était sur de la descente post orgasmique, façon Wilhelm Reich. La discographie de Parquet Courts serait une analogie de La fonction de l’orgasme qu’on ne serait pas déçu. Et finalement, lorsque le désir est poussé à son maximum, on repart pour un titre plus nerveux, c’est Wide Awake!. That’s right, Andrew Savage n’est pas prêt de s’endormir dans une pop mielleuse, et nous, on jubile avec lui. Bienvenue dans la partouze punk de l’année.
J’interviewais Andrew il y a deux ans environ. Je demandais : “J’ai le sentiment que ce nouvel LP (Human Performance) est moins proto-punk. Avez-vous ressenti le besoin de faire une musique légèrement différente ou est-ce juste mon impression ?“. Il disait : “On a juste fait ce qui sortait de nous à cet instant. Je ne suis pas certain que tout cela soit beaucoup plus réfléchi. Il n’y a jamais eu un moment je me suis dit “aller les mecs, on fait moins proto-punk cette fois”. À un moment il est devenu assez clair qu’il y aurait plus de titres lents qu’en comparaison de nos précédents albums. Mais on n’en avait pas réellement conscience durant l’enregistrement.” Avec Wide Awake!, Parquet Courts met en action ces quelques mots.
“TotalFootball” en est la première preuve. Entendez-le, lorsque son Football est engagé. Entendez-le, lorsque le chorus vient exciter le tout et que, finalement, Andrew reprend le lead pour mettre chaos avec son punk à lui, rien qu’à lui. Vient ensuite “Violence“, un statement j’en suis sur. Parquet Courts nous dit en substance qu’il n’en a pas fini avec les titres vénéneux. “My name is a treat”, voilà bien la phrase qui ressort le plus de cet album. Watch out, darling.
Mais ne passons pas sous silence l’incroyable complexité de cet album. Wide Awake! – avec son point d’exclamation – est un album plus varié que les précédents, la recherche en termes de texture sonore est à ce point poussé que l’on jurerait parfois que les compo’ ne sont pas du groupe. “Before the Water Gets Too High” en est une belle preuve. “Mardi Gras Beads” aussi, tant il penche du côté dream pop de la force, on dit coucou à Real Estate.
Mais stoppons tout. “Almost Had to Start a Fight / In and Out of Patience” est le morceau qu’il fallait au monde pour aller mieux. C’est le titre de la réconciliation entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, celui de deux époux qui se détestent et qui trouvent un accord final dans le sex reconciliation. Avec ce morceau, Andrew Savage se montre à nous tandis qu’il est à bout de souffle. Ses variations seront enseignées dans les écoles de musicologie du monde entier, Berklee n’a qu’à en prendre de la graine.
“Freebird 2“, c’est le type qui papillonne parce que ça fait de lui quelqu’un de cool. On y retrouve le Parquet Courts que l’on aime, la voix est sublimée par l’excellente production de Brian Burton. Et “Normalisation” de venir en rajouter une couche sur ce qu’il y a d’énervés ici bas. Je retrouve ici un thème commun avec l’album d’Idles. Il y a, d’abord, ce rapport à la violence, le dégout des autres et le rejet d’un conformisme qui envahit chaque jour un peu plus les descendants de la Blank Generation que nous sommes.
“Back to Earth” prêche le côté weirdo de cet album, c’est un statement plus qu’un titre utile. Et “Wide Awake!” de faire de même. Le Brésil c’est cool, mais pas ici.
“NYC Observation” dresse un drôle de portrait de New York. Voici : “NYC Observation, is it a swan song wildly ahead of itself? But you never listened to the music did ya? Talk so loud you don’t hear other people’s problems Trying not to look, you’re not the person to solve them “Waste it all on booze”, we all need something to revolve on Something that you can’t afford“. C’est court, parce que tout est dit. “Extinction“, quant à lui, reprend la marche de Light Up Gold (2012). Andrew nous dit que la passion a disparu, mais on comprend bien que cela ne l’empêchera de rien.
Je passe sur “Death Will Bring Change” pour en arriver au petit dernier : “Tenderness“. Parquet Courts qui fait de la funk, ça, on ne l’avait pas vu venir. C’est ainsi que son orgie est conclue, avec les sourires des introductions et les traits tirés d’une longue soirée.
Au final, il ne fait aucun doute que Wide Awake! est un très bon album, nouvel accomplissement dans la discographie de ce groupe qui, on peut d’ores et déjà l’affirmer, fait partie des grands gagnants des années 2010s. Il vient nous dire qu’il est toujours nerveux et qu’il sait faire quelque chose de nouveau de toute cette anxiété. Il vient nous dire qu’il faudra compter sur lui pour agiter sa terre natale du punk post-Television. On se demande, alors, si le prochain sera dans la continuité ou s’il créera une nouvelle rupture de violence ?
Tracklist : Wide Awake! (LP, Rough Trade, 2018) 1. Total Football 2. Violence 3. Before the Water Gets Too High 4. Mardi Gras Beads 5. Almost Had To Start A Fight / In and Out of Patience 6. Freebird 2 7. Normalisation 8. Back to Earth 9. Wide Awake! 10. NYC Observation 11. Extinction 12. Death Will Bring Change 13. Tenderness Liens : Interview avec le groupe Article sur Human Performance
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