Je parlais de Peach Kelli Pop le 3 mai dernier et, sans vergogne, la qualifiait entre les lignes de chouchou historique de Still in Rock. La raison ? Une bubblegum toujours brillante, style dont elle est l’une des dernières représentantes. Si Peach Kelli Pop est une espèce en voie de disparition, c’est que Burger Records a relanti la cadence. Je n’ai pas encore parlé avec Sean du pourquoi du comment, mais le fait est que le label n’a plus le statut qu’il pouvait avoir en 2012. J’espère un retour en grâce.
Peach Kelli Pop est en effet un pur produit Burger Records. Elle n’y a jamais fait paraître aucun de ses trois premiers albums mais a toujours été dans le giron de Fullerton. Elle est également très copine avec Lolipop Records. Peach Kelli Pop représente l’essence de cette scène-là, bubblegum, cheesy, porteur d’un nouvel espoir pour le American Dream, quelques années après la crise. Petit à petit, les artistes partent à la retraite, les groupes se défont et l’attention se porte ailleurs – en ce qui nous concerne, sur le gros slacker dont je parlais lundi dernier à l’occasion de l’article sur les Bubble Boys qui, pour le coup, pourraient également être un groupe Burger.
Tout cela ne fait que rajouter au plaisir que nous avons, je crois, à écouterGentle Leader. Quatrième album du groupe, il fait suite à III qui était paru en 2015. Je lisais récemment les reproches que faisaient Allie Hanson à la presse qui la qualifie de cute, parce qu’elle en oublie de parler du message qu’elle juge plus fondamental. Deux choses, à ce sujet : cute c’est cool et certainement pas un reproche, et puis, délivrer de la bubblegum en 2010 est déjà un message qui mérite toute l’attention du monde. Je ferai de mon mieux, malgré tout, pour parler de l’autre message de cet album, parce qu’il y a à dire là dessus, aussi. À moins que l’on ne s’entende pas sur la signification du mot “cute“. Je n’y vois aucune limitation. Une chanson peut être “cute” et “powerful“, ou, “cute” et “engaging“. Peut-être devrais-je qualifier la musique de Peach Kelli Pop de “cheerful“, alors ?! DEAL.
Gentle Leader paraît sur Mint Records, un excellent label originaire de Vancouver que je vous incite à aller fouiller. Sans grande surprise, cet album regorge de hits dont Peach Kelli Pop a le secret. Et ses morceaux sont de mieux en mieux produits, ce qui ne fait jamais que rajouter à notre plaisir.
Ce sont des titres comme “Hello Kitty Knife” qui me font dire que Peach Kelli Pop 1/ a tout compris 2/ s’indigne pour le plaisir. Elle a tout compris parce qu’avec une musique à ce point séductrice, elle pourrait appeler à l’éradication de la gent masculine que l’on s’en rendrait à peine compte. Elle s’indigne pour le plaisir parce qu’il me semble difficile de contester l’étiquette bubblegum & cute lorsque le premier titre de l’album s’appelle “Hello Kitty Knife“. Une fois encore, je trouve ça d’autant plus fort que personne ne sait plus faire de la bubblegum comme elle. Et c’est finalement ce titre qui donne toute la philosophie de son projet : il ne faut pas oublier le knife. Je vais y revenir.
“Honey“, avec ses élans acoustiques, vient rappeler la Peach Kelli Pop du premier album, lorsque sa pop n’avait pas de revendications punk. Sur “BlackMagic“, elle perpétue l’élan sorcière bien-aimée que je relevais à l’occasion de son dernier EP (ici). Cette nouvelle production lui va si bien. Et puis vient “Parasomnia“, l’un des morceaux les plus originaux de cet album qui, avec sa boite à rythmes, opère un nouveau retour à la bedroom pop. Quant à “Quiet“, qui clôt la première face de cet album, il est suffisamment rythmé pour faire de la Reine d’Angleterre la prochaine star du 100 mètres, c’est du Hello Kitty qui bu trop de redbull.
“Black Cat 13“, c’est l’une des très belles réussites de cet album. Peach Kelli Pop, avec sa voix sur deux pistes, contrebalance avec le punk qui vient pointer le bout de son nez. Ce style qu’elle embrasse pour la première fois sur Gentle Leader, est un sacré statement pour qui s’intéresse à la scène punk et Burger. L’acier du riot grrrl n’est plus le seul à prôner le féminisme, il y a aussi Peach Kelli Pop qui le fait avec du velours.
C’est avec “Don’t Push Me” que Peach Kelli Pop corse son album : non seulement sa musique tourne vers du punk, mais en plus, elle dit ne pas vouloir être dirigée pour faire ses choix toute seule. Ce féminisme pourrait séduire les masses. Et puis, “Cherry (That’s Not Her Real Name)” de venir en rajouter une couche, Cherry joue avec ses identités comme Peach Kelli Pop joue avec sa bubblegum. “Skylight” vient conclure sur quelque chose de plus expérimental, Peach Kelli Pop délaisse un peu son style si singulier.
Au final, Gentle Leader est le meilleur tonique de l’année 2018. Quiconque aime cet album est une personne bien. Mon ami(e). La vie est si simple. Et pour cause, Peach Kelli Pop représente pour moi la Belle Époque de Brooklyn – le début des années 2010s. On allait à Death by Audio ou à 285 Kent pour écouter de la bubblegum, puis on partait chez Lulu’s manger quelques pizzas, on débâtait de Peach Kelli Pop qui venait de faire paraître “Dreamphone“. Ces lieux ont tous disparu, les gens avec qui je trainais à l’époque habitent maintenant le Queen’s, et avec eux, la scène s’est estompée. Restent quelques fantômes que l’on croise encore dans ces quelques rues de Greenpoint. La même chose s’est passée en Californie et à Austin et à Portland. Peach Kelli Pop représente l’un des derniers bastions de cette scène bon enfant et insouciante. Gentle Leaderest un album majeur qui me fait dire que le temps ne passe pas.
Peut-être est-ce aussi parce que j’y trouve beaucoup des grands albums : il y a une texture sonore, une apparence qui semble effectivement ne pouvoir causer aucun dommage, et puis il y a ce couteau qu’elle évoque dans le premier morceau. Peach Kelli Pop prend le parti de faire passer des messages parfois durs et exigeants avec sa musique enrobée de sucre. Elle est “belle et dangereuse“, c’est la Sharon Stone de la scène. C’est si bien joué que je me demande dans quelle mesure il est encore possible de ne pas la décrire comme un artiste majeur de notre époque ?!
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