Ty Segall, mais qui est-ce donc ? Un multi-instrumentaliste – comme dit la presse généraliste – qui a fait paraître certain des meilleurs albums de la décennie, désormais connu et reconnu pour Manipulator, Emotional Mugger, Ty Segall (LP) et Freedom’s Goblin. Oh, mais vous n’êtes pas sans savoir, chers lecteurs, que Ty Segall est surtout et avant tout le Pape du Garage. Alors que certains déplorent l’époque de Melted et de Lemon, alors que je me demande parfois si je n’en fais pas partie, je suis tombé il y a peu sur un split avec Black Time qui a suscité en moi quelques excitations oubliées depuis fort longtemps. Alors, plutôt que de poursuivre ma course effrénée à l’actualité, plutôt que de me lamenter sur le dernier album du Ty, ou surtout, sur sa volonté désormais affichée de s’éloigner du rock et du roll, je décide de chroniquer ce split paru en 2009 via Telephone Explosion Records.
Les titres de Black Time – qui composent la moitié de l’album, très logiquement – tirent dans l’ensemble sur du garage punk, ils tabassent les nerds de Wall Street et les Silicon Valley kids qui ont toujours prétendu écouter du “garage” alors qu’ils grincent dès que la production n’est pas hi-fi. Ces titres sont faits pour aller trainer dans les parcs, faire du skate, bouffer de la junk food en se faisant tatouer, bref, du véritable Slacker (le film) avant l’heure. Mais vous aurez bien compris que ce sont les morceaux de Ty qui m’intéressent particulièrement, parce qu’ils sont encore plus bruts que les albums qu’il avait fait paraître jusqu’alors, parce qu’ils cognent avec mélodies.
“Schwag“, le premier, est une introduction à 10.000 km/h, un saut en parachute pour débuter la partie de ce split consacrée à Ty Segall. Il laisse place à une batterie “pot de yaourt” tout à fait géniale qui rajoute sans cesse en brutalité, causant une nouvelle accélération qui ne laisse pas de place au chant. “Swag” enchaine logiquement; une suite un brin moins bucolique mais tout aussi saturée. Paru officiellement en 2012 sur In A Cloud II, on trouve ici la version démo de l’un de ses meilleurs morceaux. Il y a les premiers éléments pop qui forgeront sa légende, mais surtout, une danse macabre dont on se délecte non sans baver. Et “In Love” de venir compléter le trio introductif. Je n’ai pas connaissance de la publication de ce morceau ailleurs que sur ce split. Il représente pourtant l’essence même du Ty Segall d’antan, saccadé, plein de fuzz et de boucles de quelques secondes à peine. Du skate punk à la sauce garage, quoi.
Il serait bien entendu difficile pour “Be A Caveman” d’être plus explicite. La seule question qui se pose alors est la suivante : comment l’auteur d’un tel morceau peut-il désormais se tourner vers une funk ultra sophistiquée ? L’envie d’explorer de nouveaux horizons me direz-vous, certes, mais la période néolithique n’est-elle pas suffisamment vaste pour laisser place à un nombre infini de nouveautés ?
N’ayez crainte, la tabasse continue avec “Goin Down“, à la limite du noisy tellement la prod’ ne feinte pas un aspect lo-fi pour faire cool cool. Et “No No” d’insister sur ce qu’il y a de plus primaire en chacun de nous. Ce type de morceaux ressemble volontiers à ces premiers albums. “Played (Paid)” vient conclure le tout avec stridence (saviez-vous que ce mot existe ? moi pas…), il sent le vieux tascam qui a été réparé chez Georges, le type du coin dans sa boutique pleine d’objets non identifiés.
Voilà tout ce que je voulais dire, un petit article pour se rappeler au passé que l’on aime tant, à notre nostalgie d’une époque révolue. Avec ce split, on se rappelle qu’il y a une vie avant le slacker et/ou avant le Ty Segall qui explore tous les styles du monde entier. Ty Segall bricolait encore, il était un mécano du garage, le plus brillant de tous à vrai dire, le genre de type capable de te transformer une solex en Triumph flambant neuve.
À ne (plus trop) pas en douter, il fera bientôt paraître un album de fado, puis de la Progressive Trance Deep Minimal (ça existe ?) et de la variété française. Il faudra alors se souvenir que Ty est l’homme qui a exploré tous les recoins du garage, celui sans qui on ne serait pas là où on en est. Il est parfois une meilleure idée de jouer toutes les variations d’un même style plutôt que d’en changer complètement… Ty, please come back to us!
Tracklist : Ty Segall / Black Time (Split, Telephone Explosion Records, 2009)
1. Schwag
2. Swag
3. In Love
4. Be A Caveman
5. Goin Down
6. No No
7. Played (Paid)
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