En juillet dernier, je disais de Priors qu’il faisait du “post-skate d’excellence”. J’ajoutais sans trembler que son dernier single, “Grease“, était une grande pièce de musique qui honorerait les classements de l’année 2018. Je ne savais pas encore qu’il s’apprêtait à faire sortir l’un des meilleurs albums de l’année, New Pleasure. Paru le 16 novembre dernier via Slovenly Recordings, il contient 14 morceaux à faire exploser simultanément la tête d’Iggy Pop et de son perroquet.
Priors, ce groupe originaire de Montréal, va donc marquer l’année 2018 ainsi que le genre post-skate dans lequel il continue de s’inscrire. Ces rythmes semblent être de plus en plus serrés, ses mélodies cachent toujours un peu de pop et la voix, amicalo-aggressive, est un meneur qui ne défaillit jamais.
Le post-skate produit un effet immédiat, il n’est pas prétentieux comme le post-punk l’est parfois, il n’est pas aussi primaire que le punk cathartique, mais il est tout aussi explosif que le meilleur garage, aussi violent que le stoner et aussi jouissif que le slacker. Pour en savoir plus sur ce qu’il est capable de faire, écoutons ce nouvel album de Priors qui va définir les frontières du genre. Et laissez-moi insister une fois de plus avant de me plonger dans une analyse plus détaillée des morceaux : New Pleasure est un ÉNORME hit, un top 10 potentiel de l’année, un immanquable. Partagez le !
Tout commence pourtant plutôt mal avec “Life Pt. 1“. Bon, admettons que ce soit l’entrée dans le manoir Priors, un peu flippante, un peu malsaine aussi. Seulement, ce titre n’a rien à voir avec le reste de l’album. Mais Priors attaque immédiatement après avec “Got In Me“, l’un des meilleurs morceaux de cet LP. Quelque chose vient d’entrée dans le chanteur, et à l’évidence, ça semble faire mal. Surement est-ce quelque chose de maléfique, l’idée d’un riff ou un esprit. Le rythme est extrêmement soutenu, Priors gueule son post-skate avec brillance, il dégueule sa guitare, tabasse sa batterie, les instruments subissent le groupe, le tout est excellent.
Et l’on entre dans le vif du sujet avec “Nature Boy“. Le post-skate est tout aussi véhément que le punk, ce que ce titre expose sans relâche. Le manoir Priors est décidément plus noir que l’on aurait pu le croire à l’écoute du premier album. Et “Provoked” de continuer sur la même lignée. Seuls les groupes de post-skate peuvent maintenir l’adrénaline sur autant de morceaux. Dumb et les Shifters l’ont déjà démontré. Le père fondateur, American Specialties (album de Parquet Courts), l’avait également esquissé.
“Sunshine” – qui n’a pas à rougir à côté du Sunshine de Ty Segall – vient nous clouer au pilori. Pour l’heure, Priors ne fait pas varier sa formule, mais ça arrive. Il nous assène son post-skate avec la constance d’un prêtre devant ses fidèles. Et c’est ainsi que “Lonely Mind” est magnifié. La guitare tire la sonnette d’alarme tandis que la voix est renvoyée dans ses cordes. Priors inverse complètement le paradigme : la voix, leader jusqu’à présent, devient suiveur. Elle est travaillée, modelée comme le faisaient les groupes punk du débat 90s – Polvo & co. Et “At Your Leisure” de venir conclure la face A non sans démériter.
“Life Pt. 2” introduit donc la face B dans le même esprit que la partie 1. On change donc de pièce dans le manoir pour entrer dans la salle de bal, morbide et glaciale. “Bell Ringer” nous attend derrière la grande porte en bois, avec deux guitares et de l’hydroxyde de sodium. “Heart Strings” remet la machine en route, toujours sur ce rythme diabolique. Je me rappelle ma première mixtape pour Desillusion Magazine, “Too Fast for Satan“. Ce titre aurait eu sa place.
“I’m a Lush” monte le ton. C’est encore possible. La dernière minute ne connait qu’un seul qualificatif : masterpiece. Priors fait monter les décibels avant de tout couper pour ne laisser que la voix. On connait bien ce vieux tricks qui fonctionne toujours. Il est tout aussi bon dans un contexte post-skate. “Candy Station” nous laisse apercevoir la sortie, mais peut-être est-elle trop belle pour être vraie.
Le dernier duo est, probablement, le meilleur final de 2018. Ça commence avec “Faithful“, le meilleur de tout ce que sait faire Priors est ici condensé en 2min40 à peine. La production devrait servir de modèle à toute la scène garage, l’intensité devrait être copiée par les punks en herbe tandis que la fulgurance ferait bien d’inquiéter les slackers. Quant à “New Pleasure“, il pourrait être le meilleur titre de l’histoire de together PANGEA que je chroniquais en début de semaine (exception faite de “River“). Priors avait-il gardé le meilleur pour la fin ? Plusieurs d’entre vous diront que oui. Seul Priors sait faire ce que “New Pleasure” parvient à achever : du post-skate psyché. Eh oui, déjà un sous-sous-genre émerge.
Je me souviendrai surtout de l’année 2018 comme celle de l’un des meilleurs albums slacker de l’histoire (The Hood de TH da Freak), et dans le même temps, comme l’année de l’avènement de l’après slacker : le post-skate. Le deuxième genre n’est pas moins fun, Priors vient de clore ce débat. Il est certes moins idiot, mais il est potentiellement plus engageant. Et si les deux peuvent co-exister, nous serons l’une des générations les plus bénites de l’histoire.
(mp3) Priors – Got In Me
(mp3) Priors – Lonely Mind
Tracklist: New Pleasure (LP, Slovenly Records, 2018)
1. Life Pt. 1
2. Got In Me
3. Nature Boy
4. Provoked
5. Sunshine
6. Lonely Mind
7. At Your Leisure
8. Life Pt. 2
9. Bell Ringer
10. Heart Strings
11. I’m a Lush
12. Candy Station
13. Faithful
14. New Pleasure
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