Peut-être que la clé véritable entre vérité évidente et grande vérité est la spontanéité. Bradford Cox est pédant et il ne veut pas être compris. Il dérange simplement sans jamais prendre de posture ce qui le conduit ainsi à évoquer la vérité de toujours plutôt que des concepts chics et alambiqués. C’est parfois raté, à l’image de “Détournement” qui est si nébuleux que l’on n’y comprend rien, et c’est parfois tout à fait réussi à l’image d’un “Futurism” qui questionne sur la philosophie du présent. Le poète Filippo Tommaso Marinetti en sait quelque chose. Et sur “Death In Midsummer“, on se souvient que lui porte des robes (voir plus bas), mentionnant les usines de notre époque autant que le soudoiement de notre société. Il s’inscrit alors dans la vérité évidente. La boucle est bouclée.
Une fois cette double vérité relevée, il ne s’agit donc plus que de commenter la forme parce que le fond le place au-dessus des autres. Sur Why Hasn’t Everything Already Disappeared?, Deerhunter est mélodieux, mélancolique, saturnien. Il est inventif ; la richesse de son instru’ pourrait donner les sueurs froides aux artistes qui se disent encore expérimentaux, voyez “Element” et “Tarnung” qui semblent être bâtis sur la base de son album Double Dream Of Spring. Et pourtant, ce qui semble être tout à fait paradoxal sur cet album est la facilité avec lequel on le comprend. La science habituelle de Deerhunter semble être dans sa capacité à cacher des messages universels dans une musique énigmatique qui ne se révèle jamais entièrement, mais il dévie ici de sa forme coutumière. Il n’y a rien de mal à faire ainsi, mais lorsque l’on perd quelque chose de précieux, on s’évertue à le chercher en vain.
Peut-être manque-t-il aussi un peu d’engouement. Je ne connais pas l’histoire de cet album, après tout, il semblerait que Bradford Cox ait pris le temps nécessaire à le composer. C’est ce que les nouvelles sonorités de “Nocturne” relèvent, par exemple. Il manque toutefois cette nervosité si charactéristique des précédents albums (exception faite de “Death In Midsummer” et “Futurism“, à mon sens les deux meilleurs morceaux). Deerhunter nous propose bien souvent un polissage entre pop indie et pop méditative. Pour cette raison, me semble-t-il, Why Hasn’t Everything Already Disappeared? n’est pas son meilleur album. Le fond (l’usage de la double vérité) est excellent comme à son habitude, mais le Deerhunter de Monomania, celui capable d’aller chercher des textures introuvables, semble avoir laissé place à un Deerhunter plus contemplatif, presque passif. J’aime mon Deerhunter lorsqu’il explore davantage, mais voilà bien une simple opinion personnelle.
(mp3) Deerhunter – Death In Midsummer
(mp3) Deerhunter – Futurism
Tracklist: Why Hasn’t Everything Already Disappeared? (LP, Beat Records, 2019)
1. Death In Midsummer
2. No One’s Sleeping
3. Greenpoint Gothic
4. Element
5. What Happens To People?
6. Detournement
7. Futurism
8. Tarnung
9. Plains
10. Nocturne
Lien :
Article sur son album “Fuck Off“
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