Dans cette histoire là, il y a deux hommes, deux chambres et un seul album. Ça pourrait être du Soft Hair, mais il n’en est rien. À ma gauche, nous avons Alexis Deux-Seize, aka Wet DyeDream. Il fait partie de la team Flippin’ Freaks. À ma droite, nous trouvons Hugo Carmouze, aka Opinion. Les deux ont quelque chose à nous dire, ce qu’ils ont encapsulé dans un album intitulé Inside, comme inside le corps humain (voir la pochette), mais surtout, comme inside your mind.
Ce quelque chose, c’est Elliott Smith qui rencontre le son crunchy (la presse dit “grunge”, voyez la vidéo explicative) de Built to Spill (écoutez “The First Song“). C’est en tout cas ce qu’indique “Too Nice To You“, le tout premier morceau de l’album. Son envolée nineties-à-mort vient se confondre avec l’esprit shoegaze des morceaux les plus énervés de Galaxie 500. L’entrée en matière a de quoi intriguer les nihilistes de passage. C’est globalement vrai de l’album, ce que je ne parviens pas à véritablement m’expliquer. En combinant plusieurs influences de la même décennie, Opinion & Wet DyeDream parviennent à injecter plus de weird que je n’y trouve généralement.
Peut-être vais-je chercher trop loin. Et si la clé de cet album était sous mon nez ? Le corps et l’esprit forment l’une des plus vieilles problématiques de la philosophie grecque. Bergson l’a sublimé dans sa Matière et mémoire, essai sur la relation du corps à l’esprit, prouvant qu’elle était insoluble. Opinion & Wet DyeDream jouent sur cette ambiguïté. D’un côté, il y a les morceaux très rentre-dedans (“Fuck It (I Hate Myself)“, “Sweet Violence“, “Too Nice To You“…) qui percutent nos cellules. La guitare y est grave, les musicologues auront bon vent de relever la réaction chimique que cela procure, voyez la Théorie de la musique d’Adolphe Danhauser. De l’autre côté, il y a les morceaux psychiques, “Pills“, “Club Sandwich“, “Day Or Night“, “The Wage“, “To M.“ et autres partitions pour fantômes pâles. La pop spectrale a souvent des allures nineties ; elles sont ici sublimées.
Ce qui est particulièrement bon dans cet album, c’est que Opinion et Wet DyeDream ne se sont pas réparti les rôles. Oh, on a bien une idée duquel des deux est plus corporel que l’autre, mais il n’en demeure pas moins que cet album est le produit absolument homogène d’une rencontre parfaite.
Et qu’il me soit permis d’insister sur la splendeur de “You Suck“, à mon sens l’ultime morceau de cet LP en ce qu’il montre une piste de réconciliation entre matière et esprit en 3 minutes à peine. Il fait la synthèse de ce que cet album sait faire de mieux.
Alors voilà. Les choses doivent désormais être dites. Si la bande à Flippin’ Freaks continue de faire paraître des albums de cette qualité, elle butera le reste de la France sans la moindre difficulté. Les étrangers ne connaitront plus que Bordeaux. Rennes est de toute façon en phase de décès. Paris garde le contrôle, je crois, mais pour combien de temps encore ? Quelques semaines tout au plus. TH tue le game, et désormais, Opinion & Wet DyeDream délivre un post-nineties à la hauteur des Tomorrows Tulips. Donc bon.
(mp3) Opinion & Wet DyeDream – You Suck
Tracklist : Inside (LP, Flippin’ Freaks, 2019)
1. Too Nice To You
2. Pills
3. No Apology
4. Club Sandwich
5. Black Box
6. Day Or Night
7. You Suck
8. The Wage
9. Fuck It (I Hate Myself)
10. Sweet Violence
11. To M.
12. Emergency Song
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