King Gizzard: dancefloor cyborg et expérimentations martiennes
King Gizzard & The Lizard Wizard, les revoilà (encore !).
En janvier dernier, je listais les 5 choses les plus excitantes de l’année 2019 (la liste ici), comme si elles pouvaient être universelles. Mais l’une l’était assurément : le retour de King Gizzard. Sans lui, le rock psyché est mort, je me doutais donc qu’il ne pourrait résister à l’envie de le ressusciter une fois encore, bien que son nouvel LP, Fishing for Fishies, soit aussi rock’n’roll qu’il est blues, qu’il est pop, qu’il sent le poisson-cyborg.
Cet album, c’est un spin-off de Murder of the Universe, le deuxième album que le groupe avait fait paraître en 2017. Le 18ème morceau de cet album racontait l’histoire de “Han-Tyumi, The Confused Cyborg“, et bien, le revoilà sur la pochette de Fishing for Fishies. Nous voici donc plongés dans une drôle d’histoire dont seul King Gizzard a le secret : un album qui raconte l’histoire d’un cyborg dépressif qui, de fait, décide de se mettre à la pêche en écoutant du blues. Cette dernière phrase est tout aussi réaliste que ne l’est cet album de King Gizzard.
“We tried to make a blues record“, qu’il dit (Stu Mackenzie). “A blues-boogie-shuffle-kinda-thing, but the songs kept fighting it – or maybe it was us fighting them. Ultimately though we let the songs guide us this time; we let them have their own personalities and forge their own path. Paths of light, paths of darkness. This is a collection of songs that went on wild journeys of transformation.” Vous comprenez ? Moi pas. Le fait est que Stu Mackenzie, le reptilien anonyme (lisez!!!) est de retour avec sa bande de joyeux lurons, et cette fois-ci, ils ont atteint des sommets de weird auxquels même Paper Mâché Dream Balloon ne prétendait pas.
Toujours attaché à son idée de ne faire paraître que des concept-albums, Fishing for Fishies participe de la sorte à la discographie intergalactico-weird de King Gizzard. Pendant 41 minutes, c’est La Vie Aquatique rencontre Star Trek. L’album sortira ce vendredi 26 avril, mais je prends un peu d’avance. Voici la critique Still in Rock sur fond d’une croisière monstrueuse.
Mesdames et Monsieurs les cyborgs, embarquez donc sur notre paquebot, la soirée va commencer…
La ligne directrice de cet album, c’est une musique aquatique qui prend appuie sur deux piliers : de la pop pour dancefloor cyborg d’un côté, et des expérimentations martiennes de l’autre. Ces deux thèmes se succèdent plus ou moins et, de fait, permettent de distinguer deux temps de cet album. Le premier nous fait embarquer sur un paquebot martien. On passe alors les 20 premières minutes sur un dancefloor multicolore en compagnie des autres cyborgs. Le paquebot en est rempli, il y a aussi quelques monstres étranges. La météo prévoit de faibles vagues, aucune tempête. La soirée est ainsi amorcée par “Fishing For Fishies” et “Boogieman Sam” qui miment les fonds marins, mais la fête prend toutefois sa véritable tournure à l’occasion de “Plastic Boogie“. “The Cruel Millennial” l’achève, c’est un classique en devenir. Le King Gizzard de cette première moitié d’album est aussi rythmé qu’il ne l’était sur Quarters!.
Et puis, on quitte finalement le dancefloor pour aller explorer le navire, ouvrant une à une la porte de centaines de cabines. On y trouve les martiens qui ont manigancé cette croisière. Ils veulent exterminer les cyborgs. Certains d’entre eux mangent de la gelée verte fluo, d’autres dessinent des plans machiavéliques sur un bout de papier digital. La rumeur dit que le capitaine serait une martienne tentaculaire. Les King Gizzard, eux, jouent la musique qui résonne sur tout le bateau. Voyez la scène.
Les expérimentations martiennes se font ainsi véritablement ressentir à l’occasion de“Real’s Not Real“, un titre où la voix de Stu semble partir en fumée au fil des secondes. Cette fois-ci, il n’est plus question de danser. “This Thing“, avec son semblant de xylophone, crée le suspense d’une fouille interdite. Vient alors“Acarine“, le morceau le plus “King Gizzard” de cet album. La batterie monte comme un sous-marin qui fait surface, la batterie est jazzy, il y a l’orient, l’harmonica, un rythme effréné et un Stu Mackenzie transformé en cyborg. La fin du morceau rappelle son titre “Loyalty” (album Polygondwanaland). Attention danger. “Cyboogie” fête le retour à bon port : la station interpastiale Kingus Gizzardus. Plusieurs dizains de cyborgs manquent toutefois à l’appel.
Voici donc un excellent nouvel album de King Gizzard qui n’a donc rien perdu de sa superbe. Je note par ailleurs qu’aucun LP de King Gizzard n’a jamais été aussi aigu que celui-ci. Pourquoi donc ? Plusieurs théories complotistes doivent ici s’affronter. La première, c’est que les King Gizzard sont de gentils reptiliens. La deuxième, c’est que les King Gizzard voulaient alambiquer des pistes vocales quasi-mieuleuses avec un instru’ weird pour amorcer la venue des martiens (voir cet article). La troisième, c’est que King Gizzard se plait à mimer la scène de analogico-pop des années 70s (je pense toujours à Joe Meek).
La quatrième, c’est que King Gizzard voulait réserver ses partitions les plus violentes pour le prochain album qu’il fera paraître dans 2 mois seulement. “Planet B” l’annonce. La cinquième, c’est que convaincu de délivrer un album de blues (ce que Fishing For Fishiesn’est absolument pas), il s’est dit qu’il allait innover en contrastant avec la voix généralement très grave des véritables bluesmen. La sixième, c’est que King Gizzard voulait promouvoir un album pour danser, et que pour ça, il a voulu imiter les nouveaux Tame Impala (oh, vomi). La septième et dernière, c’est que King Gizzard est une bande de weirdo qui ne calculent pas autant qu’on voudrait le penser. J’y crois. Et en attendant d’en savoir plus, je repars m’acheter un ticket pour une nouvelle soirée sur ce paquebot.
Tracklist: Fishing for Fishies (LP, Flightless Records, 2019) 1. Fishing For Fishies 2. Boogieman Sam 3. The Bird Song 4. Plastic Boogie 5. The Cruel Millennial 6. Real’s Not Real 7. This Thing 8. Acarine 9. Cyboogie
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