Voilà.
Un commentaire sur le bandeau Facebook de SIZ fait remarquer : “le seul rockeur au monde qui sourit”. J’ai plusieurs choses à en dire. La première, c’est qu’en pleine lecture du roman White de mon cher et tendre Bret Easton Ellis (que j’ai interviewé pour Still in Rock, ici), j’assume parfaitement de commencer un article par un commentaire Facebook parce que, de toute façon, les réseaux sociaux ont pris le pas sur la culture. La deuxième, c’est que cette remarque me fait indéniablement penser au Loup des Steppes d’Hermann Hesse que j’ai dû citer à peu près 40 fois sur Still in Rock : “Vous devez apprendre à rire; voilà notre exigence”. Le rire est la seule chose qui puisse véritablement compter, et ainsi, que SIZ ait atteint l’exigence me pousse à le saluer. La troisième et dernière remarque, sur laquelle j’entends construire cet article, est un simple constat.
Dans les années 90s, deux scènes explosent : la scène indie rock (de Pavement, Built to Spill, Sonic Youth…) et la scène grunge. Les deux emportent tout sur leur passage. Elles ont la force de conviction de l’Amérique pre-11/09. À bien y regarder, à fouiller les clips, à lire les paroles et les interviews, un trait commun se détache. Les groupes de l’époque évoquent très peu leurs difficultés personnelles, il faut dire que la scène est rongée par l’ironie, ce serait donc du plus mauvais effet. Nombre d’entre eux se plaignent en revanche de la société dans laquelle ils sont. Ils parlent d’amours non consommés, d’individualisme, d’être à la rue, de subir la drogue… mais il y a toujours un espoir, et cet espoir, c’est l’Empire (mal traduit par ‘impérialisme américain’). “Et à la fin, ils triomphèrent”. Tout semble toujours se finir ainsi. Les USA sont indestructibles, la conquête de sa culture est sans fin. Il n’esst ainsi qu’une question de temps avant que la Terre entière s’habille comme Kurt Cobain et ne gueule son teenage spirit. Les lamentations nineties sont ainsi teintées de cette lueur d’espoir ; de ce sourire qui finira par revenir.
C’est précisément ce que je (re)trouve dans la musique de SIZ. Son premier album, Liquid, paraîtra le 13 mai prochain via Flippin’ Freaks Records. J’ai aujourd’hui l’honneur de vous le présenter en exclusivité intergalactique. À la pesée, il pèse… très lourd. Il se compose de huit morceaux, autant de déflagrations 90s qui, au fils des minutes, vont de plus en plus me rappeler à l’Empire. Sur fond de surf, de sonorités grungy, de vocals distordus et de guitares suppliantes, SIZ délivre ce qui sera l’album le plus Beverly Hills de ces dernières années ; je vais y revenir.
PRE-COMMANDEZ L’ALBUM ICI
L’album est introduit par “Cascada“. Si les voix flottantes me rappellent les Bad Pelicans, on se détache très rapidement de l’univers surf-gore du groupe précité. SIZ construit son morceau comme un titre de prog rock, c’est un bâtiseur plus qu’un cogneur, en réalité. L’Amérique ne s’est pas faite en une journée.
Le côté Superchunk / Further de “Poisonous” fait ensuite des merveilles. SIZ y introduit quelques peines que l’on ne peut s’empêcher de relativiser à cause de cette musique pour les surfeurs de Ridgemont High. “She asks me why, I’m screaming, I’m screaming (…) Now I’m alone, I feel my heart, I feel my veins; Now I’m alone, with my soul, with my soul”, quelque chose comme ça. Il impose sa musique comme un Johnny Mafia en Chevrolet Colorado. L’Empire est ainsi introduit à nous, aussi confiant que le quaterback de l’équipe de la fac.
Dire que “Under My Skin” a été composé pour les lives est une… lapalissade (vous avez compris ? ha !). SIZ “can’t breathe the air”, et pour l’illustrer, il fait tourbillonner sa guitare sur un final qui marque Liquid au fer rouge. J’ai par ailleurs l’honneur de dévoiler le clip de ce morceau en exclusivité. Le voici :
Dire que “Under My Skin” a été composé pour les lives est une… lapalissade (vous avez compris ? ha !). SIZ “can’t breathe the air”, et pour l’illustrer, il fait tourbillonner sa guitare sur un final qui marque Liquid au fer rouge. J’ai par ailleurs l’honneur de dévoiler le clip de ce morceau en exclusivité. Le voici :
“Eyes Contact” est probablement la chose la plus zombie de cet album. Non seulement ce titre met en avant la co-production de Arthur Satàn sur laquelle SIZ brille particulièrement (combien de sons de guitares sur ce seul titre ?), mais en plus, il commence à illustrer l’inexorable mouvement vers le Bervely Hills que je décrivais précédemment. J’imagine SIZ dans son pick-up, se rendre à la prochaine “fête cocaïne” de Jane (la diva de la fac), casquette à l’envers, planche de surf sur le toit, bras tatoués qui débordent, sourire et détermination dans un coin de l’esprit, gin-to dans l’autre.
Et “Come Back Into The Sea” de continuer sur cette même veine. SIZ a voulu que son album soit aquatique et crunchy. C’est un combo trop peu exploré (il y en a un peu ici) qu’il sublime entre ses deux couplets. L’album tourne au film d’horreur, Jane a explosé sa cloison nasale, Dirk a tabassé Austin, Pete et Mary ont baisé dans la chambre du haut, fenêtre ouverte sur la Bay, mais tout le monde s’en fou. La nuit est tombée, les corps stagnent sur leurs transats… mais tout le monde s’en fout.
Et “Come Back Into The Sea” de continuer sur cette même veine. SIZ a voulu que son album soit aquatique et crunchy. C’est un combo trop peu exploré (il y en a un peu ici) qu’il sublime entre ses deux couplets. L’album tourne au film d’horreur, Jane a explosé sa cloison nasale, Dirk a tabassé Austin, Pete et Mary ont baisé dans la chambre du haut, fenêtre ouverte sur la Bay, mais tout le monde s’en fou. La nuit est tombée, les corps stagnent sur leurs transats… mais tout le monde s’en fout.
Avec “Terminus“, SIZ perpétue la lignée des groupes “à yeah” (ils font concurrence au “woo club“). Voyez comment cet album est bâti. Débutant sous le soleil, il s’est rapidement dirigé vers une guitare nineties plutôt brumeuse avant de prendre la direction d’une musique slasher (pas slacker, non mais oh!). Pendant ce temps, SIZ continue ses griefs, “I’m alone and I punch the ground ; You see my mind, it is broken up”.
“Fantasize” vient clouer le spectacle avant la fin. Toute l’Amérique fantasmait sur Beverly Hills, il fallait donc un titre pour le souligner, en puis tant pis si derrière les palmiers et les voitures de sport rouge pétard se cache un peu de dépression. Le titre est inventif, encore une fois parfaitement balancé. Il pourrait bien s’agir de mon morceau préféré, parce que son refrain 1% pop-punk fait particulièrement sens dans l’univers de Beverly. C’est l’Empire dans toute sa splendeur, une culture qui ne doute de rien, célébrant la débilité de sa jeunesse. “- Où vas-tu, je lui ai demandé. – J’en sais rien, il a dit. J’me balade. – Mais cette rue ne mène nulle part, je lui ai dit. – Peu importe. – Qu’est-ce qui importe ? je lui ai demandé au bout d’un moment. – Simplement d’aller de l’avant, il a répondu.”
Et “The Tide Rises” de foncer une dernière fois. La contradiction est ainsi achevée : les paroles sont parfois hésitantes tandis que la musique ne recule devant rien, elle nous éclabousse de ses mélodies pop enrobées d’un peu de désespoir. L’univers visuel de Liquid est très marqué. Il est humide.
Les paroles font de multiples références à deux thèmes : ne pas voir, ne plus respirer. Le tout est chapeauté par quelque passage amoureux. On n’en sait pas plus ; et si la quasi-intégralité des titres se réfère au “you” and “me”, ils cachent en réalité les difficultés amoureuses de la génération de Reality Bites. Mais l’Empire fera que tout finira par s’arranger, la vie américaine est ainsi faite. Tout convergera vers “the aquatic light”, la conclusion que SIZ assène à huit reprises. L’album est en effet aquatique, et ce, pour plusieurs raisons : pour le surf qu’il assène, pour ses paroles, pour la voix gazéifiée, pour les palmiers de Beverly Hills, pour les drogues de la génération américaine de la fin 80s dont il pourrait être la bande-son, et enfin, pour sa capacité à remplir un corps jusqu’à ce que les riffs en débordent.
Au final, j’aurais voulu appeler cet article “Moins que zéro” parce que cet album me fait penser au célèbre livre de Bret Easton Ellis. La jeunesse s’en veut à elle-même avant d’en vouloir aux autres ; elle se fout en l’air comme elle l’entend, sans l’aide de personne ; et tout ça, parce qu’elle est irrésistiblement convaincue que t.o.u.t. i.r.a. b.i.e.n. Le sourire est intérieur. C’est bien ce que je retrouve sur Liquid. Ça cogne, c’est parfois noir et parfois grungy (pas grunge!), mais au final, la musique de SIZ est d’un optimisme flagrant. J’ai toutefois décidé de changer le titre de mon article pour ne pas qu’il soit mal interprété, ah, encore les réseaux sociaux…
Ce que je me suis bien gardé de vous dire (vous le savez peut-être déjà), c’est que SIZ est le frère de Thoineau Palis connu pour TH da Freak (dont SIZ fait partie, bien entendu). Je ne l’ai pas dit pour trois raisons : la première, parce que la réciproque est tout aussi vraie, la seconde, parce que cet album ne rappelle que (très) peu TH da Freak, la troisième, parce que je ne voulais pas donner l’impression d’un favoritisme envers la famille Palis. Mais je le précise toutefois parce que cela à son importance. Je questionnais en effet l’envergure de la scène bordelaise à l’occasion de mon article sur Opinion & Wet DyeDream, demandant combien de temps cela prendrait pour qu’elle prenne le contrôle sur la France. Je m’engageais : “quelques semaines tout au plus”. Ce 13 mai 2019, Paris vient d’être battu par K.O. dans la catégorie “poids lourd de la ville la plus rock’n’roll de France”. Coup de poing final : SIZ. Victoire pour Bordeaux.
Voilà.
Tracklist: Liquid (LP, Flippin’ Freaks Records, 2019)
1. Cascada
2. Poisonous
3. Under My Skin
4. Eyes Contact
5. Come Back Into The Sea
6. Terminus
7. Fantasize
8. The Tide Rises
Liens :
Article sur les Bad Pelicans
Article sur le dernier album de TH da Freak
(photo Nicolas Bauclin)
***
Note: the French version of this article is way too long,
and, probably, way too French.
Here is the English version.
***
In the 90s, two scenes have exploded: the indie rock scene (Pavement, Built to Spill, Sonic Youth…) and the grunge scene. Both had the strength of America pre-11/09. When you look more closely at it, watch the videos, read the lyrics and interviews, a common feature stands out. The groups of that time mentioned very little about their personal difficulties but very much complained about the society in which they lived. They talked about love, individualism, being on the street, suffering from drugs… but always, ALWAYS, with some hope. I believe that hope was created by the Empire (misinterpreted as ‘American imperialism’). The USA believed to be indestructible. American culture was designed to conquer the entire world. It only was a matter of time before the whole world got dressed like Kurt Cobain, shouthing his teenage spirit.
This is precisely what I find in SIZ’s music. His first album, Liquid, will be released on May 13th via Flippin’ Freaks Records. I have the honor to premiere it today. With a background of surf music, grungy sounds, distorted vocals, and crunchy guitars, SIZ delivers what will be the most Beverly Hills album of recent years. The latter is introduced by “Cascada“. If the floating voices remind me of the Bad Pelicans, SIZ quickly moves away from surf-gore music with his prog rock style. Then comes the Superchunk / Further side of “Poisonous“. The Empire is then introduced, as confident as a quarterback. The same goes for “Under My Skin” in which SIZ “can’t breathe the air”. The finale illustrates it.
“Eyes Contact” is probably the most zombie thing on this album. Not only does this track highlight the excellent production (how many guitar sounds on this one track?), but it also begins to illustrate the inexorable movement towards the Beverly Hills that I described earlier. I imagine SIZ in his truck, going to Jane’s (the college diva’s) next “cocaine party”, upside down cap, surfboard on the roof, tattooed arms, smile, and determination in one corner of his mind, gin-tonic in the other.
And “Come Back Into The Sea” to continue in the same vein. SIZ wanted his album to be aquatic and crunchy. It is a combo that is too little explored (see). Liquid then turns into a horror movie, Jane broke her nasal septum, Dirk beat up Austin, Pete and Mary fucked in the upstairs room, windows opening onto the Bay, but nobody cares. Night has fallen, the bodies are stagnating on their deckchairs… but nobody cares. And with “Terminus“, SIZ perpetuates the lineage of “yeah” groups (they compete with the “woo club”). Beginning under the sun, the album quickly moved on to a rather misty and nineties guitar before heading for slasher music (not slacker). Meanwhile, he continues its grievances, “I’m alone and I punch the ground; You see my mind, it is broken up”.
“Fantasize” comes to nail the show before the end. All of America fantasized about Beverly Hills, we needed a song to highlight it and pay our due to the palm trees and the red firecracker sports cars hiding a little depression. The title is inventive, once again perfectly balanced. It could well be my favorite track, because its 1% pop-punk chorus makes a lot of sense in Beverly’s universe. It is the Empire in all its splendor, a culture that has no doubt about anything, celebrating the debility of its youth. “Where are you going, I asked him. – I don’t know, he said. I’m walking around. – But this street doesn’t lead anywhere, I told him. – It doesn’t matter. – What does it matter? I asked him after a while. – Simply to move forward, he replied.” “The Tide Rises” to go for it one last time. The contradiction is thus over: the lyrics are sometimes hesitant while the music does not back down from anything, it splashes us with its pop melodies coated with a little despair. Liquid‘s visual universe is very strong. It’s wet.
Almost all the tracks refer to “you” and “me”, and break up stories, and pain, but the Empire will make everything work out eventually, American life was like that. Everything will converge towards “the aquatic light”, the conclusion that SIZ asserts eight times. The album is indeed aquatic for several reasons: for its surf garage-punk music, for its lyrics, for the carbonated voice, for the palm trees of Beverly Hills, for the drugs of the American generation of the late 80s for which it could be the soundtrack, and finally, for its ability to fill a body until the riffs overflow.
In the end, I would have liked to call this article “Less than zero” because this album reminds me of Bret Easton Ellis’ famous book. Youth blame themselves before they blame others; they screw themselves up without anyone’s help; and all this, because they are irresistibly convinced that everything will work out eventually. They smiled, deep inside. That’s what I find on Liquid. It is black and sometimes grungy, but in the end, SIZ comes to tell us that everything will be fine.
What I have been careful not to tell you yet (although you may know it already) is that SIZ is Thoineau Palis’ brother, known for TH da Freak (of which SIZ is a part, of course). I didn’t say it for three reasons: the first, because the opposite is just as true, the second, because this album only reminds us (very) little of TH da Freak, the third, because I didn’t want to give the impression of favoritism towards the Palis family. Yet, this is important. I was questioning the scope of the Bordeaux scene in my article on Opinion & Wet DyeDream, asking how long it would take for it to take control of France? I would commit myself: “a few weeks at most”. On May 13, 219, Paris has just been beaten by K.O. in the category “heavyweight of the most rock’n’ roll city in France”. Final punch: SIZ. Victory for Bordeaux.
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