Les catcheurs du jour
Voilà que Dwyer se relève et se saisit du Lézard Énervé qui était en train de se pavaner devant le public. Le Monstrueux choisit l’étranglement, il le serre de plus en plus fort, Mesdames et Messieurs, Le Lézard va exploser, ahhh, voilà que son oeil gauche sort de son orifice sous la pression. Le combo “Face Stabber” / “Snickersnee” (meilleur titre de l’année ?) semble avoir eu raison du reptilien.
Retournement de situation, c’est à peine croyable, L’Homme Sans Guitare revient d’entre les morts, et… avec une guitare cette fois-ci ! Son First Taste semble désormais très loin, adieu les morceaux compliqués qui semblent être les démos des musiciens de la Juilliard. Tout cela était bien trop compliqué, exception faite de “The Fall” et d’une poignée d’autres. L’Homme Sans Guitare a donc décidé d’en revenir aux fondamentaux, littéralement humilié par ce que lui a fait subir John Dwyer qui, lorsqu’il innove, parvient lui à éliminer toute distance avec son auditeur. Ty Segall casse ainsi sa guitare sur la gueule du Monstrueux, s’inspirant du “Double Death” ce dernier (voyez).
Le Lézard Énervé se relève, voilà qu’il cogne sur L’Homme à nouveau Sans Guitare (Ty Segall). Ce dernier répond par un coup de boule et cri : “tes premiers albums sont pompés sur les miens”. Il faut bien avouer que 12 Bar Bruise est étrangement Ty Segallesque. Dwyer revient, Le Monstrueux n’est jamais battu… il verse une bouteille d’acide sur la tronche de Ty Segall qui est partie du mauvais côté de la force, celui qui ennuie, avec des titres comme “Radio” et “Self Esteem“. Décidément, L’Homme Sans Guitare aura voulu faire trop compliqué tout au long de ce combat et il en aura perdu le sens de la mélodie. Il est mort. De toute façon, il n’aimait pas le rock (lire l’article). Le Lézard Énervé, quant à lui, commence à sérieusement trembler avec son faux métal. Va-t-il trouver les ressources nécessaires ?
Les organisateurs ont profité du temps mort pour apporter des énormes pics qu’ils ont placé sur la scène. Les choses vont se corser. Le Lézard Énervé convoque les Dieux grecs avec “Perihelion“, il se dit qu’il peut encore l’emporter. L’album s’emballe toutefois, attention, Dwyer Le Monstrueux crache son venin à la gueule de Stu, le voilà couvert de la bave de “Poisoned Stones“. Ce sont encore les sonorités aiguës qui font le travail. Il court, il saute sur Le Lézard Énervé, se saisit de sa peau granuleuse, fait résonner un stoner de la mort qui tue avec “Heart Worm” et le balance finalement sur le plus énorme de tous les pics. Celui-ci rentre par la gorge du Lézard, à la façon du Prêtre dans Brain Dead (voyez). Stu de décompose littéralement, laissant s’échapper un liquide verdâtre. “Self-Immolate” et “Hell” inondent l’arène. C’était donc bien un reptilien anonyme (lien). “Henchlock” prévaut.
Trois héros se sont affrontés ce soir. Le jour où il faudra classer les 5 meilleurs artistes de la décennie, ils feront partie de la liste. C’est dire s’il y avait du niveau. De plus, les dernières sorties de ces trois catcheurs sont d’une très bonne qualité, aucun de ces albums ne peut être laissé de côté. Seulement, le différentiel était trop important pour que John Dwyer ne l’emporte pas. Le Monstrueux s’impose ainsi par double K.O.
Ty Segall aka L’Homme Sans Guitare délivre un album intéressant, mais trop démonstratif. On dirait parfois la maquette ultra bien produite d’un type qui veut obtenir le Ph.D. de son école de musique. Le challenge de faire un album sans guitare est super intéressant. La contrainte libère. Seulement, elle ne conduit pas forcément à des résultats toujours satisfaisants. L’album est donc bon, mais trop ailleurs pour que l’on puisse s’y connecter.
King Gizzard, aka Le Lézard Énervé, continue sur sa lancée qui consiste à ne délivrer que des albums à thèmes. C’est toujours très bon, mais on sent bien que le groupe est plus à l’aise dans les genres psychédéliques. Le black métal – ou peu importe comment ça s’appelle – qu’il délivre ici est trop automatique, ça prête effectivement à sourire tellement le groupe en fait des caisses. Le Lézard Énervé voulait tout écraser, mais il nous fout trop à côté de la plaque pour finalement parvenir à nous égratigner.
L’Homme Sans Guitare et Le Lézard Énervé se sont ainsi lancés dans deux projets très risqués. En cela, il se démarque de 99% de la scène et leur mort doit être applaudie. Mais le match avec John Dwyer ne pouvait être gagné. Ce dernier délivre un nouvel album qui, sans jamais s’appuyer sur aucune structure, parvient à atteindre la consistance des meilleurs LPs d’une décennie. Surement est-ce dû aux batteries qui ne dévient jamais d’un fil. Cet album nous permet de flotter au-dessus de l’immense déferlante stoner que les Oh Sees ont délivrée ces dernières années. On retrouve quelques éléments des tempêtes de Mutilator Defeated At Last et A Weird Exits, mais au final, l’expérience est encore plus mystique qu’elle ne l’était à l’époque.
Ty Segall a montré ses limites, King Gizzard les a maladroitement dépassées, et John Dwyer, lui, a prouvé qu’il n’en avait pas.
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