[La pop doit vomir ses bons sentiments]
Il y a les chrétiens, et les gens trop chrétiens. Il y a la pop, et les artistes trop pop. Ça existe. Les premiers sont de bons petits soldats, endoctrinés à la connerie paternaliste. Les seconds sont des artistes à la recherche d’un monde bisounours, d’un monde gentil, politiquement correct et bienveillant. Tous ceux qui ne participent pas de cette même ambition doivent être écartés, seule l’intolérance permettra d’imposer la tolérance, avec force s’il le faut.
La scène pop, je crois, est de plus en plus adorable. Le mouvement a certes été initié avec les twee dans les années 90s (certains diront même que les hippies sont les premiers mignons à avoir eu leur scène musicale), mais ils avaient pour eux d’être ironique. Tullycraft, qui est souvent présenté comme le fer de lance de la musique twee, chantait par exemple des “Pop Songs Your New Boyfriend’s Too Stupid to Know About“. Il feintait le zel pour être plus acide encore.
Les mignons de la fin des années 2010s, eux, ne sont pas ironiques. Ils sont mignons par idéologie et toute la scène indie pop et folk en souffre désormais. Que l’on écoute Whitney, Courtney Barnett, Local Natives, Best Coast, Beach House, Aldous Harding, Julia Holter, Sonny and the Sunsets et autres mignonnettes du genre, la pop dégouline de bons sentiments. Le rose fluo qui s’en échappe n’a d’égal que la couleur d’une culotte de Zooey Deschanel. Ou d’un cupcake. C’est trop, bien trop.
Et lorsque cette scène pop nous donne une leçon de morale, ça en devient carrément insupportable. Je pense par exemple aux démonstrations vénustes de Cate Le Bon. Que c’est pâle ! Sa musique est une sorte de soupe post-moderne qui veut se faire l’allier du peuple pop et cool, de ces gens qui ne décrochent jamais de leur tote bag floqué d’une marque de Green Tea. Sa musique est démonstrative, poussive, elle n’achève rien si ce n’est l’expérimentation pour l’expérimentation. Elle en oublie tout le reste, elle en devient seulement complaisante. C’est, je crois, ce qui me tue le plus dans cette scène pop pour les gens bien. Ils sont complaisants. Aimables. Compréhensifs. Emphatiques. Tout cela, en apparence seulement.
Cette scène n’a rien de véritable. Je comprends bien le besoin de trouver des refuges qui permettent s’échapper un peu à la dureté de l’époque, mais merde, que l’on arrête de nous vendre une pop qui rempli les générations de choses gentilles. Il en résulte une horde zombifiée qui ne supporte plus le débat, qui est offensée à la moindre expression d’une vérité, même scientifique. Chaque progrès dans l’art ne s’achète que par l’abandon d’une complaisance disait Gide, force est de constater que la pop mielleuse des années 2010s se garde bien de tout progrès. La disposition de cette scène à se conformer aux goûts et aux sentiments d’autrui pour lui être agréable semble infinie. Cate Le Bon chante ainsi ses “Magnificient Gestures“, ses “Yellow Blinds, Cream Shadows“. Elle est venue pourrir la musique de Tim Presley qui est désormais débarrassée de toute volonté de dire quelque chose qui pourrait heurter le moindre hipster californien.
Cate n’est pas seule. Les nouveaux twee ne prennent pas de recul, ils vomissent leur largeur d’esprit pour humilier ceux qui ont encore un peu de punk dans le sang. Ils n’ont rien à dire, si ce n’est à imposer leur ordre moral au moyen d’une musique diligente qui, véritablement, n’est qu’une expression pédante de leur supériorité imaginaire. Ces artistes de pop gentille sont tous orgueilleux, vaniteux. Leur musique est inclusive parce qu’ils veulent l’approbation du plus grand nombre. Les paroles sont auto-centrées parce qu’au final, leur gueule trop mignonne pour un casting radio doit être sublimée à tout prix.
Et bien qu’ils achèvent leur gerbe d’or et qu’ils foutent le camp. Que les artistes psychédéliques et déviants reviennent à la charge, que le punk prennent le dessus, que la pop soit à nouveau une expression artistique plutôt que sociale, que les gens bien de la musique soient bouffés, ils sont déjà partout, sur Instagram, à la télé, à la direction de magazines, nul besoin d’eux sur la scène pop. La scène punk de Washington D.C. est née en réaction au bullshit pop de l’époque, il nous faut nous trouver une ville, l’assiéger, et en faire le bastion d’un renouveau.
(l’un des seuls groupes twee qui valent la peine d’une obsession)
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