Dans un premier article sur Stiff Richards, je relevais à quel point sa “formule est on ne peut plus classique, mais présente l’avantage de combiner plusieurs sous-genres punks qui se fightent plus qu’ils ne se sont fait amis aux fils des décennies”. Le 15 octobre dernier, il a fait paraître son nouvel album, State Of Mind, et c’est plutôt HUGE.
Après tout, ‘quel genre d’individu essaierait, pour sa troisième tentative, la plus cruciale, de percer avec un album intitulé State Of Mind? Le même, je suppose, qui, à un moment, avait pour habitude de plonger littéralement tête la première du bord de la scène en plein milieu du public. Dans un défilé apparemment inépuisable de rockers professionnellement anomiques, Stiff Richards est l’un des artistes les plus intenses de ces derniers mois, un individu qui se sent profondément non-vivant ou, inversement, si brutalement vivant, et si emprisonné de ce fait même, que tout sentiment est perçu sous forme de douleur.
Cela explique pourquoi State Of Mind a des allures anarchiques. L’anarchie n’est pas censée être gérable, mais gérer l’anarchie est exactement ce que Stiff Richards essaie de faire avec ce déferlement nihiliste. Cet album, c’est paquet de muscles et de nerfs hyperactifs, un des trucs les plus vivants de l’année 2020 et qui contraste avec l’ambiance mortifère qui nous entoure.’
That’s right. Seulement, ce n’est pas moi qui ait écrit ces quelques lignes. C’est Lester Bangs… en mars 1977, au sujet d’Iggy Pop. Moi, j’ai simplement changé les noms, ne cherchant pas à ériger Stiff Richards au rang de nouvel Iggy Pop – qui peut encore avoir une telle importance dans l’histoire de la musique ? – mais, plutôt, en relevant à quel point State Of Mind s’inscrit dans la lignée de ces albums de punk rock très seventies. Tout m’y fait penser : la guitare super acérée, la voix énervée, la structure des morceaux (instru – vocal – refrain – final avec un court solo), les thèmes (la libération, l’individu). Finalement, Iggy comme Stiff Richards semblent être deux libertariens qui s’ignorent (enfin, je crois, je ne suis pas allé leur demander). Tout est centré sur les sensations, et la volonté de laisser chacun expérimenter librement cette violence qui fait de la vie un jeu si mouvementé.
Tout est dit dès le premier morceau, “Point of You” (pas “us” !). Dans un monde où le “cancel culture” est la nouvelle mode, Stiff Richards nous donne un middle finger en or, et vient nous dire qu’il ne faut pas étouffer l’émancipation des seventies. Le message n’est plus entendu, et c’est pour quoi State Of Mind est si surprenant : il semble tout droit sortir de l’année 1977, une époque où la puissance vitale était supérieure à tout le reste, une époque où la bienséance était réservée à la bourgeoisie sans qu’elle ne soit imposée à tous sur les réseaux sociaux. Stiff Richards a cette nervosité de ceux qui veulent une émancipation – se soustraire à la communauté qui impose ses normes sociales et en fait une contrainte supérieure. Fuck la communauté. Le punk, c’est l’individu.
Et pour cause, le public n’est pas son ami, l’auditeur n’est pas son ami non plus. Ce sont, plutôt, les éléments nécessaires à sa démonstration, peut-être même à son émancipation. Stiff Richards les confronte, n’oubliant pas qu’ils sont ceux qui disent quoi faire. Il en a horreur. Le punk, c’est l’anarchie, le pouvoir à chacun. Avec State of Mind, je veux avoir mon fun comme je l’entends, et qu’on en vienne pas me faire chier lorsque je ne fais chier personne. Ouais, vive Stiff Richards, et vive le spirit seventies.
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