[moi, lorsque je pense à ce gaspillage]
Attendez, deux secondes. Avant de m’insulter sur Twitter à la simple vue du titre de cet article, laissez-moi le bénéfice du doute (au moins le temps de sa lecture). Vous le savez, il ne s’est pas passé un jour depuis 10 ans sans que je me dédie à Still in Rock, d’une façon ou d’une autre. Nombre de mes amis sont des musiciens, des programmateurs, des tourneurs, des créateurs de labels. Je sais à quel point l’écosystème est fragile, et je sais aussi que le Covid19 a plongé une partie de mon entourage dans une situation véritablement désespérée. Seulement, nous marchons sur la tête. Le ministère de la culture est un parasite dont il faut se débarrasser. De sa suppression naitra le (véritable) soutien financier de la scène indépendante.
1. Pourquoi le supprimer
Le ministère de Culture et de la Communication (avec majuscules), c’est un budget de plus de 10 milliards d’euros par an. 10 milliards comme 10 000 millions d’euros : 10 000 000 000. C’est… trop peu ? Voyons voir de plus près.
Le ministère de la culture (adieu majuscules), c’est une idée dangereuse. Les Etats qui financent la culture sont ceux qui veulent avoir la main mise sur cette dernière. Ils veulent promouvoir quelques formes artistiques au détriment de plusieurs autres, et ils veulent nécessairement influencer son contenu. Toutes les grandes dictatures avaient un “programme culturel”, je ne peux donc m’empêcher de penser à quel point l’idée même de ce ministère est dangereuse. Pour dire vrai, tant que le pouvoir sera aux mains de démocrates, nous n’aurons probablement pas grande chose à craindre de cette main mise sur la culture. Il ne faudrait pas toutefois que des despotes 3.0 se saisissent de nos démocraties, vous savez, comme aux Etats-Unis…
Dans la pratique, ce n’est pas bien mieux. Le ministère de la culture, c’est le ministère du copinage. Les cinéastes qui sont potes de ministres ont accès à des financements inaccessibles à la relève française. Ceux qui sont copains avec les organismes de finances publiques peuvent monter leurs spectacles sans la moindre difficulté. Ceux qui connaissent les rouages du système de subventions peuvent organiser leurs concerts. Les autres en crèvent. La France se classe 23ème des pays les moins corrompus au monde (source : ONG Transparency International). L’Uruguay et les Emirats Arabes Unis sont moins que corrompus que nous le sommes. C’est une honte, et il faut que la culture s’en détache.
2. Alors quoi ?
Supprimer le ministère de la culture ne veut pas dire que les 10 milliards doivent être réaffectés à l’armée française. Au contraire, plusieurs alternatives permettraient une distribution plus méritoire. Elles permettraient, aussi, d’augmenter considérablement la somme.
L’une de ces solutions, c’est la création d’une AAI : autorité administrative indépendante. La France en a déjà une vingtaine, le Défenseur des droits et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en sont de bons exemples. Ces AAI assurent la décentralisation du pouvoir étatique, elles permettent donc de répondre au second problème engendré par notre cher ministère de la culture : le risque de dérives autoritaires. Seulement, elles souffrent elles aussi du risque de copinage, même si leur fonctionnement n’en demeure pas moins transparent que celui du Palais-Royal.
La deuxième alternative, c’est la décentralisation totale du financement de la culture en France. Elle pourrait prendre plusieurs formes (complémentaires). L’Etat pourrait financer un crédit d’impôt qui ne discrimine pas entre différents médiums, laissant ainsi le choix à tous les Français d’affecter une somme de leur choix à… un organisme (ou un projet personnel) de leur choix – en échange d’une déduction intégrale sur l’impôt sur le revenu. La deuxième forme, c’est la blockchain. Cette technologie pourrait permettre un financement strictement décentralisé de la culture, sans que des intermédiaires de toute sorte (Etats, ou plateformes) ne viennent se gaver au passage. Allez voir ici, et ici, et ici, et ici :
“Blockchain-based music streaming platforms are trying to tackle this very problem. Opus, for example, leverages two different peer-to-peer networks to remove middlemen completely and provide a fully decentralized streaming platform. Opus uses the InterPlanetary File System, or IPFS, which is a P2P network for file sharing and storage where users of the network also act as servers. This way, all hosting fees associated with streaming are virtually removed.
Opus also leverages the Ethereum network as a payment layer. Through the use of smart contracts, it allows artists to be paid directly upon the purchase or stream of a song, which means that both the content and royalties are independently distributed. This system allows the artist to retain almost all of the payments made by premium users or ad revenue generated by freemium users, which, according to Opus, is where the majority of revenue comes from — as high as 90%.” [ps : je n’ai un intérêt financier dans aucune de ces startups].
Ça a quand même plus de gueule qu’un ministère dirigé par Roselyne Bachelot. Et si les sytèmes dont Coin Desk fait état cet article sont strictement privés, pourquoi ne pas imaginer que l’Etat français affecte une partie de ces 10 milliards annuels au financement des blockchains publiques, ainsi qu’à leur publicité. Cela réglerait non seulement le problème de son influence sur le contenu (puisque seule l’architecture serait ici soutenue) et de son copinage qui pourrit notre beau pays (puisque les transactions blockchain sont transparentes). Voici donc ce que je propose : plutôt que d’attendre une réforme impossible, commençons à utiliser ces services. Avec beaucoup de chance, cela créera une incitation à agir tout en haut de notre pyramide.
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