Wild Raccoon. Ce n’est un secret pour personne, Wild Raccoon a conquis le cœur de Still in Rock il y a fort longtemps. Seul artiste français à avoir atteint le top 10 de l’un des nos classements de fin d’année (lien), il fait partie de la crème de la crème de la scène française. Et la raison de cela était plutôt simple : il avait produit dix hits qui se répondaient les uns aux autres. Il l’avait fait, la nouvelle tendance de l’été 2015 était à la zoophilie. C’était donc le corps tremblant d’impatience que nous attendions son deuxième album, et je crois que son label – Howlin Banana Records – s’est joué de ma fébrilité : entre démos et nouveaux masters, ma torture fut longue…
Qu’on se le dise immédiatement, Half Pine Cone ne ressemble pas à son premier LP. Moins punk mais plus osé, il s’aventure sur quelques terrains que l’on pensait réservés à Suicide / Twink / Spacemen 3. Le son de cet album bourdonne souvent, comme pour nous rappeler que le raccoon a toujours pour lui cette fulmination qui nous avait pris aux tripes sur son premier essai.
Et pour cause, Half Pine Conese donne un objectif différent. Alors que Mount Break venait nous chercher et nous tirer par les cheveux jusqu’à ce que l’on accepte de danser avec lui, une sorte de délire SM dans lequel on se replonge régulièrement, ce deuxième album est plus vicieux, c’est une sorte de drogue qui coule lentement dans nos veines et qui finit par nous cueillir en douceur dans les mailles de son filet. Voilà, je crois, comment il faut appréhender cet album. Le raccoon a pris le risque de ne pas cogner avec insistance, et pour ça, un grand coup de chapeau. Maintenant, qu’en dire de plus ?
“Sasquatch Arms” n’est pas l’introduction du nouveau film de Carpenter, ni même un ultime remake de La Mouche. Ce titre-là est plutôt la première claque de l’album, une introduction en tout point grandiose qui vient d’entrée crier sa différence avec Mount Break. Son premier album nous avait frappé comme un CM2 peut frapper un CP : très fort. On devait cela au punk de cet opus, un proto-rock’n’roll qui était si brut qu’il faisait mal. “Sasquatch Arms” nous envoie un uppercut psychédélique. La production est excellente (Adrien Dauvergne… well done) et il battit un suspens qui est d’habitude propre au cinéma. Et en live ? Voyez plutôt la vidéo ci-dessus à partir de la 7ème minute.
Les deux titres qui suivent sont les deux qui se rapprochent le plus de ce que l’on connaissait. Ce n’est pas pour autant qu’ils ne sont pas jubilatoires. Si “Hitch-hike Syndrom” ressemble en effet au raccoon que l’on avait caressé en 2015, on note bien évidemment une guitare qui vient longuement rugir en fond, comme pour nous rappeler que la forêt est grande. Pas étonnant que les Pine Cone soient coupés en deux à ce stade.
“Wood Ghosts” part également très vite. Le raccoon exulte, et comme il sait le faire, les rythmes varient de nombreuses fois dans un feu d’artifice de ce que le garage a de meilleur. La dernière minute, strictement instrumentale (mais avec des voix), pousse quand il le faut, ou il le faut. Suit “Corn Cob“, le single présenté en exclusivité intergalactique par Still in Rock (lien). Je le redis ici, ce morceau est une course contre soi-même, un rock’n’roll qui ferait transpirer Claire Chazal (on l’imagine pourtant mal). La voix du raton laveur accompagne un ensemble instrumental qui dératise les alentours, fort de sa structure minimaliste. Voilà qui devient encore plus intrigant.
Et puis, on arrive bientôt à l’apogée de la première moitié avec “Break All Ties“, un titre qui crisse plus que les autres, sorte de glam rock garage qui vient nous faire sortir des sentiers que l’on à pour habitude d’appréhender. Son final est l’un des plus punks de l’album, sorte de Johnny Thunders grande époque, bien que je sois quasi-sûr que là ne soit pas l’objectif visé. “Half#01” clos la première escapade auprès d’un petit arbre où les oiseaux chantent. Ah, qu’on y vivait heureux.
Cette deuxième partie de l’album est d’une autre sorte. Il y avait Question Mark et les mystérieux (célèbre groupe chroniqué ici), il y aura désormais “Question Mark Mountain“. Le riff d’introduction est le plus nineties de tout l’album, ça y est, Total Slacker est arrivé ! Et puis non. Wild Raccoon fait de ces 4 minutes quelque chose de particulier, perdu entre banjo et musique à réverb’. Le son demeure (trop) entubé (c’est mieux sur le vinyle), alors direction “Oh Well, Okay“. Il y a là quelque chose de différent, un fond sonore qui fait planer quelque chose de plus sombre sur sa musique. Sans conteste, ces 5 minutes sont parmi les plus captivantes de cet LP, un vrai truc nineties, du Dinosaur Jr qu’il a couplé à du Spacemen 3 énervé. Notons que son premier album ne faisait aucune référence au son des années ’90, et qu’il s’avère en réalité qu’il y excelle. Quelle excellente nouvelle !
Vient alors “How Do You Feel“, une reprise de Jefferson Airplane. Wild Raccoon en fait une version plus shoegaze, sorte de MBV pour gens bien intentionnés (et zoophiles, vous suivez ?). Pour sur, cette deuxième partie de l’album est plus innovante encore que la première. Un titre comme “How Do You Feel” eut été impensable sur son premier LP, et pour cause, il fallait d’abord nous mettre à terre avant de nous tendre le bras pour nous relever. C’est alors au tour de “Hootchenoo” d’en finir avec nous, un ultime morceau de plus de 6 minutes qui forme une troisième moitié à lui tout seul. Si on notera une production un poil trop policée sur l’intro, le raccoon vient réveiller nos ambitions les plus saturées avec une plage instrumentale fascinante. Voilà précisément ce que l’on attendait (encore plus). Il se tourne de plus vers quelques sonorités orientales qui rajoutent tout le piquant nécessaire à une musique psychédélique inspirée. “Half#02” clos la marche, sorte de réponse au “I know Where Syd Barrett Lives” de Television Personalities.
Au final, impossible de rapprocher au raccoon d’avoir délivré un album identique au premier. Mais peut-être aurait-il pu aller plus loin encore dans la différence, un truc comme Mc Donalds, come as you are. Ne nous mentons pas, Wild Raccoon est l’un des artistes français les plus créatifs de la scène. Ses inspirations ne tombent jamais à côté de la plaque et il vient là de démontrer qu’il pouvait produire des sons suffisamment disruptifs pour créer la surprise. Alors, à quand le grand saut, à quand le raton laveur qui mange le stock de LSD caché sous le plancher du voisin ? Peut-être visera-t-il un punk psychédélique sur son troisième LP, un truc qui nous crache ses cachetons à la figure (à la MC5), une expérience avec laquelle flirte sans cesse les Oh Sees. Et si ce genre musical n’existe pas encore, je ne peux penser à un meilleur candidat que le raton pour s’y essayer. À la frontière des genres et des époques, voilà la place qui appartient au raton lillois. Une sorte de gourou pour les générations futures.
Une fois cela dit, bien que moins punk que son premier LP, Half Pine Cone se classera haut la main parmi les meilleurs LPs garage de l’année. Et la raison est simple : Wild Raccoon est en train de construire son empire, un peu comme le raton fait sa maison avec des branches (ah non, c’est le castor ça ?). Comment le dire autrement : Half Pine Con, il te le faut.
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