Mourn est un groupe espagnol qui, répétons-le, est composé de membres âgés de 20 ans (maximum). Si l’âge des membres d’un groupe n’a pas d’importance en soi, on notera ici – une nouvelle fois – à quel point la haute voltige musicale de ce groupe semble plus être le fait d’une formation qui arpente la scène depuis 15 ans que l’inverse, ce qui mérite donc mention. On se souvient ainsi que le premier album du groupe, Mourn, avait vu le jour en 2014, via Captured Tracks. A l’époque, je les avais interviewés (lien) et le groupe s’était montré (peu bavard) déterminé et prêt à sortir un second LP qui allait confirmer les espoirs nés du premier. Le voici finalement sous le nom de Ha, Ha, He., toujours sur Captured Tracks.
Paru le 3 juin dernier, je passerai outre la polémique qui entoure le groupe et son label espagnol qui retient les droits et lui empêche ainsi de faire paraître cet LP dans son pays. Que les avocats se débrouillent entre eux, il y a bien d’autres choses à dire. Les douze morceaux qui composent Ha, Ha, He. créent de nombreuses fois la surprise, et c’est bien ça qui compte.
“Flee” introduit l’album sur une base très noisy. Plus speed que l’ensemble des titres du premier LP, Mourn nous envoie une première claque en pleine figure. Cette fois-ci, le groupe a troqué Slint pour les Fugazi, sorte de punk instrumental et expérimental pernicieux. Pour une introduction, voilà bien une sacrée introduction. Aucun temps mort, aucun round d’observation, Mourn part à fond la caisse. On enchaîne alors avec “Evil Dead“, plus fidèle à l’univers du groupe. Ce rock cathartique est une nouvelle preuve de l’extraordinaire maturité que dégage la musique de Mourn. “Brother Brother” reprend cette même base, un peu comme le fait Naomi Punk côté grunge. Le titre est toutefois plus chanté. C’est très court, on se rend compte de la volonté de Mourn de nous prendre d’assaut sans plus attendre.
“Howard” est un morceau pour patienter un peu, direction “The Unexpected“. Mourn monte en puissance, c’est parfaitement fait. Surement ce titre est-il l’un des plus convaincants de l’album, parce que Mourn montre un autre visage, avec des solos de guitare et un expérimental encore plus accentué. “Storyteller” vient conclure la face A. Mourn est toujours aussi disruptif, un cran au-dessus de 99% de la scène parce que sa musique ne ressemble résolument à aucune autre. La dernière phase de ce morceau est GRANDE.
En début de face B se trouve “Gertrudis, Get Through This!“, titre que nous connaissions déjà. Il n’a rien perdu de sa superbe. Difficile de trouver par la suite à qui “President Bullshit” est adressé. Une chose est sure, Mourn retrouve des terrains plus pop et plus accessibles. Surement faut-il effectivement des titres de ce calibre pour égayer le tout, mais on se rue déjà sur “I Am A Chicken“. Son introduction laisse planer un plus grand doute sur ses intentions. On n’est pas plus éclairé une fois la lecture terminée, voilà bien un morceau étrange.
La section rythmique de “Second Sage” est plutôt excellente. Ce morceau est une très bonne création du genre, noire et entrainante, comme si une Winona Ryder gothique venez nous prendre par la main pour nous faire danser un peu. Mais qu’un peu, parce que ce titre est court, trop court. Et ça ne s’arrange guère avec “Irrational Friend“, 1 min 30 d’un bon punk qui laisse place à plus de nervosité. On commence tout juste à se chauffer que le morceau est déjà terminé, soit. “Fry Me” ferme la danse. Ce dernier titre, le seul a dépassé la barre des 3 minutes, est une petite avancée dans l’univers d’un rock’n’roll vocal tout en contrôle. Mourn s’essaie à de nouvelles choses, c’est réussi et encourageant.
Au final, les titres de Ha, Ha, He. sont (bien) plus courts que ceux du premier album. A l’image du titre introductif, Mourn semble avoir voulu nous couper de toute hésitation. On sait bien que le deuxième album est toujours un exercice très difficile, surement cela a-t-il poussé le groupe à accentuer le côté punk, comme pour nous convaincre par la force des choses. Et ça fonctionne, en partie au moins. Si le premier LP du groupe était plus mélodique, celui-ci a l’avantage de ne pas tomber dans le trop-facile. Au contraire, l’écoute de Ha, Ha, He. révèle un album qui a incontestablement fait l’objet de recherches diverses. Mourn est en cela au-dessus du lot.
Seulement, on aurait aimé qu’il mette cet instinct créatif au service de morceaux bien plus longs, qu’il aille titiller Sonic Youth sur son propre terrain. Mourn en a la capacité et cet album semi-expérimental laisse présager à quel point il serait génial s’il se laisser emporter dans plusieurs jams de quelques minutes. Peut-être le groupe nous réserve-t-il cela pour son troisième album. En attendant, on se dit qu’il confirme tous les espoirs que l’on avait placé en lui, et que décidément, Captured Tracks a le flair pour dénicher quelques-unes des plus belles pépites au monde.
(mp3) Mourn – The Unexpected
(mp3) Mourn – Flee
Liens afférents :
Article sur le premier album
Interview Still in Rock de Mourn
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