Witch (acronyme pour We Intend to Cause Havoc !) était un groupe… Zambien. Je ne crois pas avoir beaucoup écrit sur la scène africaine. C’est une erreur. Outre l’excellente qualité du groupe du jour, cet article est également un prétexte pour donner un coup de projecteur à cette scène particulièrement active dans les années ’70. Pour des raisons que j’ignore, elle est assez peu représentée dans la presse spécialisée. Pour apporter une toute petite pierre à l’édifice, voilà donc cet article sur l’un des tout meilleurs groupes de l’époque.
Mené par le chanteur Emanyeo “Jagari” Chanda, Witch délivre du rock’n’roll, un rock’n’roll si pur qu’on le perdrait presque de vue. On retrouve dans Witch tout ce qui fait les codes de ce genre. Par ailleurs, on peut lire ici ou là que la musique du groupe n’a rien d’Africaine, et qu’il ressemble plus qu’autre chose à un pur produit de la culture américaine. C’est faux ! Sans évoquer l’accent du chanteur, Emanyeo “Jagari” Chanda, comment ne pas voir que le groupe parvient à transcender le Garage Rock sixties américain pour y ajouter les jams si symboliques de la musique de son continent. Nul besoin de longues plages sonores pour y injecter tout le groove nécessaire, Witch parvient toujours rapidement à nous engourdir l’esprit.
Dès le premier morceau, “Introduction“, le décor est immédiatement planté : le Mojo de Witch est implacable et Emanyeo “Jagari” Chanda ne cherche pas à se faire passer pour plus américain qu’il ne l’est (pas). Il introduit tous les membres du groupe dans un élan qui lance parfaitement un LP fascinant à bien (tous) des égards. Et quel plaisir que d’avoir à entendre ce son de guitare si parfaitement saturé. On y retrouve l’énergie des Monks, quelques milliers de kilomètres ailleurs.
“Home Town” vient rapidement constituer le premier morceau instrumental de cet album. Ce titre donne déjà de nombreux indices sur la puissance de Witch : 1/ une structure super simple comme super efficace ; 2/ une guitare crunchy qui, par intermittence, vient nous embrumer l’esprit ; 3/ un jam entêtant. En voilà du rock’n’roll ! Et puis, vient “You Better Know“. On entre là dans le vif du sujet. Witch délivre son tout premier Hit. L’Afrique coloniale n’a qu’à bien se tenir, Witch fait peser sa musique sur les débuts du psychédélisme. La musique de Witch est dépouillée à l’extrême. On croirait entendre les démos des Velvet Underground.
L’arrivée d’un nouveau jam se fait imminente avec “Feeling High“. Nécessairement plus lent que les autres morceaux, il a le mérite de marquer le passage dans la deuxième moitié de l’opus. Influence Jimi Hendrix maximale ! S’il n’en fallait qu’un, c’est avec “Like A Chicken” que Witch parviendra à traverser l’histoire. Ce titre restera comme le meilleur du groupe. Surpassant bien des mélodies-star du début seventies, Witch avait ici créé un de ces morceaux qui, pour des raisons quasi-mystiques, atteignent la perfection d’un genre. La guitare de Gedeon Mulenga colle parfaitement à ce refrain immortel.
“See Your Mama” est Le titre le plus psychédélique de l’album. Mouvance White Light/White Heat. Dans la continuité, on retrouve le titre “Try Me“, une berceuse qui allie la pop psychédélique des Witch à de nombreux accords jazzy. Et puis, a l’approche de la toute fin vient “No Time“. C’est l’un des meilleurs refrains de l’album. Sur une structure très simple, Witch alterne entre interludes de guitares et des couplets fifties. Je ne peux m’empêcher de penser que le groupe est meilleur lorsque Emanyeo “Jagari” Chanda prête sa voix à cette seventies décomplexée.
D’autres scènes africaines, particulièrement celle nigérienne, glaneront un peu l’attention des médias. Les Zambiens de Witch ne parviendront donc jamais à accrocher l’attention d’un Major, et resteront largement inconnus. Pourtant, Witch fut en son temps le fer de lance de la mouvance Zamrock. Avec ses pédales wah wah, Witch ne manque pas de citer Jimi Hendrix, Buddy Guy et James Brown comme influences. Emanyeo le dit, être capable de jouer “Hey Joe” était la condition sine qua non pour monter sur scène, d’où la virtuosité apparente de son groupe. Pourtant, le premier album de Witch, réalisé en Zambie ce qui était très rare à l’époque (beaucoup de groupes partaient enregistrer en Tanzanie), est plus dépouillé que les légendes qu’il cite. Sa musique est aussi plus sauvage que celle de Musi-O-Tunya, autre groupe Zambien de l’époque. Pour cette raison, Witch est un pionnier qui, lorsque la scène ouest-africaine renaîtra, sera largement cité et reproduit. Witch, c’est un peu le bébé Velvet / Jimi du continent.
(mp3) Witch – Like A Chicken (1973)
(mp3) Witch – Introduction (1973)
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