Album Review : Eagulls
Eagulls
Il est à ce jour difficile de dire si Eagulls s’avérera entre plus sincère et plus constant que le groupe précité. George Mitchell, son chanteur, confie à qui veut l’entendre son agacement quant aux groupes qui essaient de se coller une image de bad boys sans l’être véritablement. Mais il est vrai qu’entre les costumes d’Halloween du groupe très controversé, une lettre postée sur leur blog qui aura fait jaser (le groupe parlait alors de “beach bands sucking each other’s dicks“, qui “become known to the music industry heads due to the fact you are girls or have girls in your band“, ça se passe de traduction) et leurs textes anti-establishment, Eagulls renvoie tout de même l’image d’un groupe qui travaille son statut. Peu importe tant que la musique est au rendez-vous. Mais ce genre de philosophie conduit parfois/souvent à des deuxièmes ou troisièmes albums trop calculés. Seul le temps nous donnera des éléments de réponse sur le chemin que prendra Eagulls. En attendant, le tout premier opus du groupe, celui aujourd’hui entre nos mains, est une petite merveille à bien des égards, et nous aurions bien tort de nous en priver pour d’obscures raisons. Obscure, cet album l’est, place à la critique track-by-track :
- Nerve Endings : Ce titre d’introduction est particulièrement bon pour deux raisons. La première, il introduit parfaitement l’univers du groupe avec l’une des mélodies les plus notables de tout l’opus. La deuxième, il fait varier très efficacement le son de guitare pour former un tout finalement hétérogène assez surprenant. Le son alterne entre phases très entubées et d’autres beaucoup plus libres où Eagulls ouvre ses chakras en plein. La voix de George Mitchell fait apparaître de premières ressemblances avec celle de Robert Smith (The Cure). C’est efficace sans écraser les autres morceaux. On rentre finalement dans l’univers Eagulls sans difficulté. Voilà qui est bien réussi.
- Hollow Visions : Dans l’exacte lignée de “Nerve Endings“, Eagulls monte d’un cran, doucement, mais surement. On se retrouve en plein dans une rue où tout le monde est de noir vêtu, par un temps de brouillard, à la recherche d’une issue.
- Yellow Eyes : Si “Yellow Eyes” ne vous touche absolument pas, passez votre route. Ce titre encapsule ce qui fait que la musique anglaise n’a aucun substitut. “Yellow Eyes” est tout aussi brut que travaillé. Ce morceau transpire les batailles de gangs anglais, la haine des quartiers pauvres, le Punk de ses rues délabrées.
- Tough Luck : Apparition d’un son de guitare plus Jangle Pop et, par la même, des premières sonorités eighties. “Tough Luck” est en apparence un titre un brin plus consensuel avec un refrain très rythmé qui produit indéniablement son petit effet. Mais toute la force du titre se trouve en réalité dans les couplets où la guitare prend le dessus sur tout le reste. On semblerait presque apercevoir une source lumineuse en plein ciel grisonnant.
- Amber Veins : Nécessairement, “Amber Veins” est l’un des moments phares de l’opus : Eagulls y maintien toute la magie noire des titres précédents en y introduisant des lyrics entêtants et une mélodie super catchy. “Amber Veins“, sur les héroïnomanes, est assurément l’un des morceaux les plus poignants de tout l’album.
- Possessed : Ah, le moins que l’on puisse dire est que ce titre porte bien son nom. La voix de George Mitchell semble effectivement habité par un esprit extérieur. C’est à l’écoute de “Possessed” que l’on se rend véritablement compte du fait que cet opus regorge de hits en tout genre. La version live donnée au Late Show de
Stephen ColbertDavid Letterman montre toute la maîtrise du groupe qui, bien que clairement dépassé par l’événement (Bill Murray était présent, il faut dire, et déguisé en Peter Pan), parvient à habiter les lieux avec une rapidité étonnante.
- Footsteps : A ce jour mon titre préféré de tout l’album, “Footsteps” est le fer de lance de Eagulls. Il transporte avec lui une rare énergie. La dernière reprise à 3min10 semble donner voix à des dizaines de guitares. Il se passe indéniablement quelque chose de trop grand pour être si facilement appréhendé.
- Fester / Blister : Eagulls à fond les ballons, ce titre s’impose comme l’un des plus nerveux. Eagulls en profite pour évacuer la rage qui l’habite souvent en dehors des studios d’enregistrement. Le faux temps mort qui intervient dans la dernière partie est le très bienvenu.
- Opaque : Le titre le plus eighties inspiré de l’album, en compagnie de Never Endings. On y trouve une touche The Replacements qui n’est pas pour déplaire. “Opaque” n’est pas le titre qui saute aux yeux lors des premières écoutes, mais assurément une direction musicale super intéressante à la croisée de bien des genres. Ce morceau est à lui seul la preuve de toute la maturité musicale du groupe. Un premier album complet, distinct, et focus.
- Soulless Youth : Garder le titre le plus long pour la fin, un grand classique. “Soulless Youth” – on se demande à quel groupe l’appellation de ce titre fait référence – laisse une énorme place à un fuzz qui tourne de plus en plus vite. Les sirènes introductives font monter la pression, l’explosion est à la hauteur de tout ce que l’on pouvait attendre d’un titre conclusif. Encore une superbe création de Punk Shoegaze.
En somme, Eagulls est un album super catchy, taillé pour enflammer les clubs undergrounds des capitales mondiales. Eagulls a fait un formidable travail sur la mélodie ce qui fait de son opus un constant-killer. Ce n’était pas gagné d’avance tant les premiers albums tombent souvent dans les extrêmes, et surtout, tant la musique Shoegaze se veut parfois prétentieuse. Ce qui fait qu’Eagulls ne tombe pas dans ces écueils est sa véritable conscience Punk et son souci de s’inscrire dans la continuité de ce mouvement.
Les textes sont aussi noirs et inconditionnels que la musique qu’ils accompagnent. Le groupe n’a pas eu pour souci de donner à sa musique des variations qui ne l’inspirait pas. Peut-être qu’Eagulls aurait gagner, par moment, à donner une place plus importante à la basse de Tom Kelly, pour repartir de plus belle et insuffler un souffle nouveau. Mais c’est finalement l’aspect brut et, en apparence seulement, assez homogènes des créations qui fait de Eagulls un album qui marque d’ores et déjà 2014.
Eagulls façonne un peu plus encore cette année comme étant celle des meilleurs revival nineties depuis bien longtemps. Étonnamment, cet album, outre le fait qu’il mélange shoegaze et punk, mixe également la musique de Sonic Youth avec celle très eighties des Cure ou Replacements. Le résultat est inattendu tout aussi que flamboyant. Cet album croise les genres, les expériences, et les périodes. Trêve d’analyses, place à une nouvelle écoute.
(mp3) Eagulls – Footsteps
(mp3) Eagulls – Amber Veins
Notation : 8,4 / 10 (barème)
Liens afférents :
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Article anachronique sur le groupe Galaxie 500 (Shoegaze)
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