Album Review : Guided by Voices
Motivational Jumpsuit
Motivational Jumpsuit illustre ces quelques propos bien mieux que ne le faisaient les derniers albums du groupe. Résultat ? C’est un opus très brut, très mélodique, une véritable dynamite. Il contient cet aspect éternel tout à fait fascinant qu’ont les créations de Guided by Voices. Cette intemporalité fait des albums de Robert Pollard des albums difficiles à appréhender tant ils semblent sans fond.
Avant de rentrer plus en détail dans le contenu de Motivational Jumpsuit, Still in Rock a souhaité donner la parole à un ami, Pat King, grand spécialiste du Guided by Voices. De quoi parfaitement donner un peu de perspective à cet Album Review.
French: “Ce quatrième album de Guided by Voices en deux ans, le 21ème du groupe, vient de parvenir à recapturer la jubilation Power Pop des créations mid-90′ du groupe. Motivational Jumpsuit redonne également vie à toutes les influences de rock progressif que le groupe avait récemment laissé de côté. C’est un peu comme-ci Robert Pollard venait tout juste de sortir d’une période d’hibernation à la Han Solo. Et il n’a surement pas pris autant de plaisir à enregistrer un album que depuis le Our Cubehouse Still Rocks des Boston Spaceships. Chaque fan de Guided by Voices, ou de Robert Pollard en général, sait que chaque chef d’œuvre est entouré de trois ou quatre albums qui le ramènent à un aspect plus humain. C’est la raison pour quoi ce groupe est si attachant. Guided by Voices est un groupe irrégulier. Il arrive qu’il ne vise pas toujours juste, mais avec Motivational Jumpsuit, il vient assurément de renvoyer tout le monde dans ses cordes.”
English: “With Guided By Voices fourth full length in the two years since they have reformed, and 21st overall, they have finally recaptured some of the effortless power-pop jubilation of their classic mid-nineties run. On Motivational Jumpsuit (because why not name an album that?) they have trimmed all of the prog-rock tendencies that had slogged down their last three records and aimed straight for short lean bursts. It’s as if Robert Pollard had been recovering after being frozen in carbonite like Han Solo and has now thawed out to return to battle. Not since the Boston Spaceships’ Our Cubehouse Still Rocks has it sounded like he has had this much fun while recording. Of course that may be a result of the material as this ranks up with some of their best in any period of their career. To be a true fan of Guided by Voices, or any Robert Pollard project, you have to know that you take the good with the bad. For every masterpiece there are three or four albums that bring them down to human level. That is what is so endearing about them. They are the band that swings not only towards the fences, but the band that swing at every single pitch. Sometimes they strike out, but this time, they have made some contact and sent that motherfucker to the cheap seats.”.
Les amis, place à présent à la critique track-by-track, et il y a encore beaucoup à dire :
- Littlest League Possible : “Gonna have a lot of fun”. Voilà quelques mots introductifs que l’on aime entendre. Ce morceau, le premier d’une longue série de 20 titres, est également l’un des meilleurs d’entre eux. Sans faire de concession, Robert Pollard active la machine lo-fi sans crainte d’effrayer les oreilles les plus sensibles. Faut-il par ailleurs y voir une réponse au “Major Leagues” de Pavement ? C’est fort probable. Disons qu’en tout cas, on aimerait bien.
- Until Next Time : Premières apparition de la guitare acoustique. Celle qui aura fait la légende de GBV. Celle qui parvient à traduire toute la puissance des groupes punk anglais, celle qui lead une guitare électrique comme aucune autre.
- Writer’s Bloc (Psycho All the Time) : Ce morceau est l’un de ceux qui déménagent le plus. Robert Pollard y délivre un des rares titres bipartis. Il n’est clairement pas dans l’habitude de l’artiste de temporiser. Et pourtant. Le résultat est assez flagrant. Robert Pollard y décrit une nuit affreuse sur l’invincibilité de l’Oncle Bob et “Writer’s Bloc (Psycho All the Time)” finit par s’imposer comme l’une des meilleures créations de Motivational Jumpsuit.
- Child Activist : Sur fond d’introduction à la Propeller (1992), “Child Activist” fait preuve d’un peu de sophistication avec un dédoublement de la voix de Robert Pollard. Le résultat ? Une nouvelle tuerie. Une nouvelle création qu’aucun autre groupe ne sera jamais capable d’imiter. C’est un des rares titres de l’album qui gagnent grandement en puissance au fil des secondes. En ressort une énergie comparable à celle des White Stripes, 2 minutes montre en main.
- Planet Score : Ce titre, l’un des plus rythmés de tout l’album, perpétue ce que les premiers viennent d’instituer : une ambiance très underground, dark, et proche des sources les plus primaires du punk rock. Robert Pollard n’est décidément pas prêt à lâcher la machine à gros riffs.
- Jupiter Spin : Et c’est ici que tout change. Introduction d’un piano, une voix plus haut perchée, les premières écoutes de “Jupiter Spin” sont difficiles tant ce morceau coupe avec les précédents. Seulement voilà, la panoplie de Robert Pollard fait que GBV est capable de faire dans la dream pop fantomatique la DIIV mieux que ce que le groupe ne le fera jamais.
- Save the Company : Je crois que le refrain de “Save the Company” est le plus emblématique de tous les titres de Motivational Jumpsuit. Nous sommes là confronté au très grand Guided by Voices, celui de ses titres de légende à l’image de “If We Wait” (paru sur Sunfish Holy Breakfast). Voilà assurément l’une des créations qui fera date dans la discographie de Pollard.
- Go Without Packing : Un titre à la Calvin Johnson (“Indian Summer“), un titre brut et acoustique, un titre qui, une fois de plus, dénote avec ce que tous les autres groupes peuvent faire. Une certaine nostalgie y rappelle assurément Vampire on Titus (1993).
- Record Level Love : Influences années ’80 pour ce morceau plus shoegaze que les autres, plus pop. Une petite interlude de gaîté.
- I Am Columbus : Bien entendu, l’un des titres les plus longs de l’album devait aussi être l’un des moins accessibles. On rentre là dans le dur, en plein cœur de l’univers de Pollard : une mélodie catchy enfermée dans une instru’ chaotique. C’est toute la force de cet artiste : enfermer l’universel dans une cellule d’expérimentation lo-fi.
- Difficult Outburst and Breakthrough : Un titre qui se confondrait avec ceux d’Alien Days. Deux guitares viennent suppléer la voix qui guide.
- Calling Up Washington : Déjà un classique de GBV. “Calling Up Washington” est facilement l’un des meilleurs morceaux de l’opus. Il introduit la trilogie des titres politiques de ce Motivational Jumpsuit.
- Zero Elasticity : Retour à plus de punk avec un “Zero Elasticity” qui n’est pas la pour faire dans la demi-mesure. Ce titre illustre parfaitement l’état d’esprit GBV : on délivre la mélodie au plus vite, on emballe l’auditeur à force d’écoutes, on crée la frustration de ne pas en donner plus.
- A Bird with No Name : Assurément l’un des titres les plus noirs de l’album. Egalement l’un des plus mémorables. “A Bird with No Name” colle à l’esprit avec des paroles très simples, une guitare élémentaire et une basse qui donne une gravité attachante.
- Shine (Tomahawk Breath) : Voilà le plus long titre de l’opus. Il est rare que Robert Pollard se décide à délivrer des morceaux de plus de 3 minutes. Alors, lorsqu’il le fait, quelque chose s’y cache forcément. “Shine (Tomahawk Breath)” est l’une des rares chansons d’amour de l’album. Un titre à la Yo La Tengo, création pop-baroque assez indescriptible. Un peu de rock progressif apparaît enfin sur cette ballade triste et apprêtée dans la tradition quasi-Brit Pop de GBV.
- Vote for Me Dummy : Un titre plus Bee Thousand que les autres. “Vote for Me Dummy” est un retour aux sons plus rock’n’roll du début de l’opus. Le son de la guitare retrouve ses affinités grunge avant de changer de ton vingt secondes avant la fin, de façon assez surprenante et surtout très agréable.
- Some Things Are Big (And Some Things Are Small) : GBV qui fait dans de l’Indie Pop cuttie, nous ne l’avions pas vu venir. “Some Things Are Big (And Some Things Are Small)” temporise avec élégance.
- Bulletin Borders : “And I Said Rock’n’Roll Everytime“. GBV délivre un des derniers sons grungy de l’opus dans un morceau qui parvient, encore et toujours, à maintenir l’intensité ambiante.
- Evangeline Dandelion : On approche de la fin de l’album, et pourtant, ce 19ème nous donne l’impression d’un nouveau début. Voilà un morceau de plus où je ne peux m’empêcher de me dire qu’il aurait pu être, sous couvert d’une orchestration plus policée, un hit des Beatles.
- Alex and the Omegas : Le petit dernier qui cogne, un son de batterie bien sec, un son de guitare bien saturé et une semi-introduction qui ne laisse planer aucun doute sur la qualité de ce titre. C’était Motivational Jumpsuit.
Mais peu importe le style de chaque morceau, la musique de GBV est toujours brute et sans artifice. Motivational Jumpsuit n’échappe pas à la règle. Les premières écoutes sont toujours rush mais on fini par être emporté par la puissance des créations. “Planet Score” ne pourrait en être un meilleur exemple.
Il est étonnant de voir avec quel brio GBV a réussi a conserver en toute sincérité le son lo-fi de son premier opus enregistré avec un pauvre lecteur cassette On a la réelle impression d’avoir à faire à des chutes de studio, sans montage, sans mixage. Et ça fait bien plaisir. Le reste n’est finalement souvent que make-up pour cacher la pauvreté des mélodies. Pas de ça avec GBV.
Note : 8,5 / 10 (barème)
(mp3) Guided by Voices – Planet Score
(mp3) Guided by Voices – Save the Company
Lien afférent :
Article anachronique sur les débuts du groupe
Post a comment