Ty Segall. On ne présente plus Ty Segall, l’inépuisable, le génie sans fin. Faisons les comptes. Depuis 2008, Ty Segall a fait paraître très exactement 12 opus studio (sans compter les trois EPs, les deux compilations de démos inédites, les quelque 13 singles avec b-sides, deux opus live, deux mixtapes, à peu près). Et croyez-le ou non, ils sont tous d’une très grande qualité, chacun apportant sa pierre à l’édifice Ty. Ayant toujours plus ou moins fait dans un Rock Garage qui révolutionne dejà le genre, Ty Segall vient aujourd’hui nous surprendre avec un nouvel album, Sleeper. On ne présente plus non plus Drag City (Chicago), ce label génial qui a eu le très bon gout de produire des groupes tels que Pavement, Silver Jews, Royal Trux, Sic Alps, White Fence, et j’en passe des dizaines. Alors, lorsque les deux sont une nouvelle fois parties à la même aventure, nos coeurs palpitent et nos oreilles frémissent.
Ty Segall fait là paraître son premier album folk. J’emploie ici le terme dans son sens premier, une musique faite par et pour le peuple, quelque chose d’universellement accessible, traduisant les inquiétudes d’une époque. Ty Segall abandonne ainsi sa guitare électrique, pour la première fois. L’album en est-il moins intéressant, moins puissant, moins original, en somme moins Ty ? Absolument pas. Sleeper s’impose d’ores et déjà comme un grand album de la discographie Ty Segall. Sleeper donnera, à ne pas en douter, de nouvelles bases à toute une génération d’artistes. Combien sont-ils à aujourd’hui produire un rock garage assimilable à celui de ses autres opus ? Des milliers. Combien seront-ils demain à produire un folk expérimental comme le fait ici Ty Segall ? La question aura rapidement sa réponse.
Avec ce dernier essai, Ty Segall est plus que jamais candidat au titre de meilleur artiste de la décennie. Certes, Sleeper n’est pas sans quelques petits reproches, sans quelques imperfections qui donnent à Ty Segall un visage humain. Malgré ce, Sleeper demeure l’une des plus grandes créations de l’année, l’une des rares dont on sait déjà que l’on fera l’écoute en 2017 (ou 2018, hein). Ty nous emmène avec lui dans un rêve qui se transformera rapidement en cauchemar, avant qu’il ne réussisse finalement à s’en échapper de justesse. Que nous réserve cet album plus en détail ? Réponse dans la critique détaillée.
- Sleeper : Un très grand titre introductif. Son intérêt est double : établir le fait que Ty Segall ce soit mis à la folk, et démontrer qu’il le fait grandement. On pénètre le rêve Ty Segall avec une facilité déconcertante.
- The Keepers : Look in the mirror, see what you see, be what you be. C’est ainsi que débute “The Keepers“, l’un des tout meilleurs titres de l’opus. Ces quelques minutes imposent la première caractéristique forte à la folk de Ty Segall : puissance. Les riffs résonnent si fort, leur intensité est ainsi flagrante que Ty Segall réussi là son pari folk avec brio.
- Crazy : Un splendide refrain, un titre bref où Ty Segall fait dans le minimalisme le plus parfait. Parfaitement crazaaea, l’opus continue à tendre vers la perfection. Le titre s’emballe prodigieusement.
- The Man Man : Voilà l’ultime hit de cet opus, celui à faire entrer au panthéon du genre. “The Man Man” est à ce point génial et sublime que l’opus entier pourrait s’en contenter. Les quelques accords qui rythment ce morceau ont une virulence qui est véritablement étourdissante. Ty Segall parvient à dénicher une folk old fashion qui sonne à la perfection. Le final ne démérite pas moins. Cette seule incursion de la guitare électrique est remarquable. Comme un clin d’oeil à la communauté Ty Segall : “je n’en ai pas fini avec du Garage bien huilé”.
- She Don’t Care : Retour à plus de retenue. Outre son aspect Beatles évident, “She Don’t Care” est une belle épopée menée par un violon qui l’on n’attendait surement pas. “She Don’t Care” illustre à quel point Ty Segall est capable de délivrer de splendides partitions de guitare acoustique. Le frottement des cordes est lourd, sans aucune hésitation. Voilà comment donner un peu de grandeur à quelques accords.
- Come Outside : Un titre particulièrement qui se rapproche des introductions que Ty Segall avait délivré de nombreuses fois en 2012. Dans son même univers de Far West et duels à revolver, “Come Outisde” est celui qui introduit l’affrontement. Ou une allusion douteuse, au choix.
- 6th Street : Le lieu est fixé. C’est à la “6th Street” que la scène aura lieu. Le rêve se transforme donc en cauchemar. Ty Segall accompagne ce moment solennel d’une belle partition, où sa voix dédoublée sur plusieurs pistes est un beau répondant à ces guitares apeurées.
- Sweet C.C. : Mais qui est donc C.C. ? Ha. Dans la plus grande simplicité, Ty Segall donne à Sleeper un moment de répit avec que l’orage ne se déclare.
- Queen Lullabye : Un titre clairement lo-fi, étrange et fascinant. “Queen Lullabye” est un ovni folk que seul Ty était capable de produire. La voix s’enfonce peu à peu dans les méandres du rêve. L’accélération de la guitare ainsi que bourdonnement final ont de quoi affoler quelques esprits. Sans aucune grandiloquence, sans aucun warning, Ty délivre là le titre expérimental que Sleeper réclamait. Quelle est belle, la reine.
- The West : Ty Segall échappe de son rêve au galop. “The West” conclut ce rêve étrange, noir et psychédélique auquel Ty s’est confronté, emmenant son auditeur avec lui.
En somme, Ty Segall délivre un opus qui explore bien des genres avec pour point commun ce rêve un peu étrange et inquiétant. Sleeper a par ailleurs quelque chose qui rappelle Goodby Bread. Ty, comme à son habitude, parvient à conserver un aspect très brut qui donne à chacune de ces créations une chaleur toute particulière. Ty Segall est en cela le plus humain des génies.
Malgré la baisse d’intensité après “Come Outside“, Sleeper maintient l’auditeur dans cet univers Far West grisonnant. Drag City décrit son artiste de la façon suivante : “Ty as Warrior of Mars, here to save Earth’s soul with naught but his six-string resonating axe and freedom-inducing sleeping technique. Sleep with the Segall, dream your dreams!“. Sleeper est assurément l’opus que nos nuits réclamaient. Le voilà en notre possession, à jamais.
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