Amyl and the Sniffers
vient de faire paraître son premier album, et parce qu’il incarne ce que lui seul incarne, il fera date. Je prends même le pari qu’il sera bientôt brandit comme symbole d’une nouvelle scène, ou plutôt, des deux ou trois anciennes scènes refondées en bouillie de vieux rock’n’roll bien sale, comme on l’aime. En ces temps (constant) d’élections politiques, on connait bien ça, les alliances de fortune. Il y en a une supplémentaire ici : Amyl s’est offert les services de Rough Trade (mes amis, voyez) pour la sortie de cet album, et en pressence d’une telle artillerie, je crains que l’on ait bientôt à entendre du Sniffers dans tous les Wendies du Texas.
Les scènes que cet album encapsule sont les suivantes : garage punk, rock’n’roll redneck et riot grrrl. Le combo est possible (preuve en est avec cet LP qui a vu le jour le 24 mai dernier via Rough Trade); mais improbable. Les rednecks ne sont pas particulièrement connus pour être des féministes convaincus. Les punks n’ont plus, d’ailleurs, en déplaise à l’adolescente de 14 ans qui y trouvent ses idoles. Le mouvement riot grrrl, à l’inverse, est née d’une véritable revendication non seulement politique mais aussi societale : les femmes savent également faire du punk un peu crado (voir trash) et ce mouvement était là pour l’affirmer. Elles ont ainsi marqué la décennie 90s aux côtés des straight-edgers de Washington D.C. Bref, parvenir à combiner redneckism, punkism et riot girrrlism est ainsi non seulement très couillu, mais surtout, c’est très boobsy. En réalité, seule Amyl pouvait y parvenir.
Le résultat est tout à fait inédit. Depuis ses premiers singles, on se doutait bien que le groupe ferait dans le garage punk, seulement, on n’avait pas encore perçu si distinctement cette attitude sudiste qui lui va si bien. Et c’est précisément ici que le groupe fait très fort, faisant de son premier album un petit exploit plus qu’une sortie comme les autres.
Il combine en effet beaucoup de ce que j’essaie de promouvoir sur Still in Rock, parfois sans trop de succès. Il y a tout juste un an, Still in Rock faisait paraître une mixtape intitulée “Redneck Mess” en collaboration avec les amis de Roads Magazine. Si c’était à refaire en 2019, Amyl y aurait forcément sa place. Quoi qu’il en soit, je dois noter ici qu’être redneck est quelque chose qui ne s’improvise pas vraiment. On en trouve dans tous les Etats des Etats-Unis, ils sont ploucs, ils sont rustres, ils croient fermement au 2nd amendement et ils écoutent Amyl et ses Sniffers. Il n’y a rien de cool à cela, du moins, pas aux Etats-Unis. Le mot est même une insulte de l’autre côté de l’Atlantique tandis qu’il est parfois un compliment pour les Européens qui n’ont pas peur des paradoxes. Bref, je prends le pari que l’on trouvera peu de presse américaine qui utilisera cet adjectif pour parler d’Amyl, en pourtant, elle le mérite bien.
La réalité n’est pas aussi simple que le titre de cet article ne le laisse entendre : Amyl est punk tout autant qu’elle est redneck, et les Sniffers sont rednecks tout autant qu’ils sont punk. C’est ce que laisse entendre “Starfire 500“, le premier morceau de cet album. Ce titre est également excellent en ce qu’il montre que le groupe n’est pas qu’une bande d’excités prêts à délivrer des morceaux coup de poing de 2 minutes à peine. Amyl et ses sniffers osent une première phase instrumentale qui en jette.
“Gacked On Anger” et “Cup Of Destiny” écrasent mamie. L’accent redneck d’Amyl est à tomber. Vient alors “GFY“, un petit nouveau. C’est l’instant “très punk” de l’album. Amyl and the Sniffers se rapprochent ici de Perfect Pussy. Quelle claque. Et puis, “Angel” de délivrer ce que je tiens comme étant un moment de perfection, preuve en est que les Sniffers savent aussi faire dans la dentelle, enfin, presque.
“Monsoon Rock“, que l’on connait déjà, n’a rien perdu de sa superbe. Le son de la guitare des sniffers a quelque chose de très dad rock, presque classic. C’est, une fois encore, ce qui fait la puissance du groupe : il ne s’embarrasse pas de faire ce qui est cool. Il est, à ce titre, l’exact opposé de Sunflower Bean (que je salue par ailleurs) et de toute la scène New-Yorkaise.
“Control” et “Got You” fonctionnent de la même façon : seventies. Le groupe trouve son mot, que ce soit control ou I got you, et l’assène jusqu’à la mort. Et puis, il entreprend de conclure sur cet album sur un élan de tracteur, d’accent redneck, des poules, de poussières, de vieux bar sur le bord de la mort, de motel, de salopette, de coupe mulet, de mecs avec des gros bides à burger, de femmes qui portent des bigoudis, de pick-up, de barbecue saucisse. “Punisha” et “Shake Ya” jouent cette carte à fond. Quant à “Some Mutts (Can’t Be Muzzled)“, il donne à cet LP le final qu’il méritait. Les sniffers ont font des caisses, et ici, les caisses sont remplies de bières.
Au final, je n’avais pas ressenti une telle sensation d’écrasement depuis les MC5. Ce premier album du groupe est un rêve. Redneck et punk se s’étaient jamais rencontré dans une telle harmonie. C’est tout ce que je retiens de cet album. Et pour le reste, que tous ceux qui sont tombés amoureux d’Amyl s’en aillent se faire couper un beau mulet, partent ensuite acheter un burger chez Mac Donalds et qu’ils y fourrent une bague en plastique pour faire une demande en mariage comme il se doit.
(mp3) Amyl and the Sniffers – Angel
(mp3) Amyl and the Sniffers – Got You
Tracklist: Amyl and The Sniffers (LP, Rough Trade, 2019)
1.
Starfire 500
Starfire 500
2.
Gacked On Anger
Gacked On Anger
3.
Cup Of Destiny
Cup Of Destiny
4.
GFY
GFY
5.
Angel
Angel
6.
Monsoon Rock
Monsoon Rock
7.
Control
Control
8.
Got You
Got You
9.
Punisha
Punisha
10.
Shake Ya
11.
Some Mutts (Can’t Be Muzzled)
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