Il y a deux albums lives qui m’ont marqué dans la discographie de Ty Segall, et donc, dans l’histoire du rock : le Live at Death by Audio (2013) du Ty Segall band, ainsi que son Live in SF (2015). Ce sont de véritables déferlantes. Je ne m’attendais donc pas, lorsque j’ai posé le vinyle de Deforming Lobes sur ma platine, a trouvé un album live plus compact que les autres. Je ne m’attendais pas à me prendre, pour la cinquantième fois, une énorme gifle Ty Segall. Il est facile d’être blasé, ou de jouer à celui qui l’est. Seulement, cet album représente ce qui se fait de mieux en matière de garage, period. Que tous ceux qui passent sur Still in Rock s’egnouillent une fois encore devant lui.
Il faut dire que l’on a rarement vu une fiche descriptive aussi impressionnante que celle de Deforming Lobes. Voyez plutôt : Mikal Cronin à la basse, Charles Moothart à la batterie (groupe CFM), Emmett Kelly à la guitare (il accompagne Ty dans tous ses projets depuis plusieurs années), Ben Boye au clavier (du groupe Will Oldham), mais ce n’est pas tout, aussi faut-il compter sur Steve Albini (du légendaire Big Black) et Greg Norman (qui a notamment bossé pour Guided By Voices) à l’enregistrement. Voilà voilà. Le tout a été capturé en janvier 2018 au Teragram Ballroom de Los Angeles. Il était donc évident que l’album serait réussi.
Dès “Warm Hands” (album Ty Segall), Ty Segall délivre un morceau de 9min30 à décimer les derniers rois mages. C’est, très probablement, le titre le plus impressionnant de tout cet album. Blue Cheer et les MC5 y sont ressuscités pour être mieux décapités. Le mur du son créé par Ty Segall et son Freedom Band est infranchissable. Son garage mêlé au fuzz de la guitare produit le parfait paradoxe : violent et jouissif.
Et Ty Segall d’enchainer avec “Squealer” (album Emotional Mugger). Comme sur “Breakfast Eggs” (album Emotional Mugger) et “The Crawler” (album Manipulator), on y trouve le Ty Segall nasilard du début des années 2010s. C’est comme s’il ressortait son ancien personnage pour la fin des années 10s. Vient alors “Finger” (album Melted), un de mes all time favorite du groupe. Il délie quelque peu le son de cet album pour jouer sur les espaces qu’il crée entre les accords afin de renforcer ces derniers. On y entend l’excitation de Ty Segall à jouer ce titre, presque 10 ans après !
“They Told Me Too” a toujours été l’un des morceaux les plus punks de toute sa discographie, il n’est donc pas étonnant de le retrouver ici en grande pompe. Mais Ty Segall ne tire pas encore sur la corde. Il faut pour cela attendre les deux derniers, respectivement, “Cherry Red” (album $SINGLE$ 2) et “Love Fuzz” (album Twins). Le premier cité (avec Tony McPhee au chant) rappelle effectivement le Ty Segall des tous débuts : le rythme est haché, c’est le Ty Segall minimaliste qui veut cogner, celui qui est encore (à l’époque) très inspiré par John Dwyer. Il retrouve le son très compact de cet album à mi-chemin. Il nous écrase.
Quant au dernier, Ty Segall a eu le bon goût de le dévoiler il y a quelques semaines déjà. Les accords si sont serrés que l’on on vient à se demander comment ils ont pu faire rentrer tant de sonorités distinctes sur un même spectre sonore. Alors voilà, Ty Segall aura été le gourou garage des années 2010s. Avec Deforming Lobes, il fait son propre état des lieux (en évitant de jouer un seul morceau de Freedom Goblin !!), cogne la scène une dernière fois (croyons-nous) avant la fin de cette belle décennie et s’en va chercher de nouvelles armes de guerre pour préparer les années 2020s.
Tracklist: Deforming Lobes (LP, Drag City, 2019)
1. Warm Hands (album Ty Segall)
2. Squealer (album Emotional Mugger)
3. Breakfast Eggs (album Emotional Mugger)
4. The Crawler (album Manipulator)
5. Finger (album Melted)
6. They Told Me Too (album Gemini / Twins)
7. Cherry Red (album $SINGLE$ 2)
8. Love Fuzz (album Twins)
Liens:
Article sur son dernier album
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