Tullycraft, c’est l’un de ces groupes mythiques des années 90′. Et donc, le dada de Still in Rock. Formé à Seattle en 1995, il intègre la lignée de ces artistes qui transpirent la décennie plus que de mesure. Et comme tout ce qui vient de Seattle durant ces années-là avait tendance à produits d’énormes hits, on y regarde forcément de plus près.
Tullycraft est généralement associé avec le mouvement twee. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire quelques lignes sur ce dernier, notamment à l’occasion de l’album review du dernier Mac DeMarco. Avec les twee, rien n’est jamais grave, on porte tous une veste en velours côtelé sur le dos et on se délecte des podcasts de Matthew Barney. La jeunesse est insouciante et déconnectée. Je me questionne en réalité sur une telle étiquette pour Tullycraft. Le groupe avait certes l’ambition de tout faire de son côté, son label, sa production, pour mieux se concentrer sur son groupe d’ami, to spread the love u know, mais la musique de Tullycraft, sans jamais être agressive, a ses moments d’acidité. Tullycraft est à la frontière du véritable twee – ses chansons parlent quand même de fleurs et d’amour – et d’un esprit grungy comme Seattle imposait de l’avoir. C’est ce qui fait toute la fascination que l’on peut avoir pour lui.
Son premier album, Old Traditions, New Standards, paraît en 1996. Il contient une large majorité de ce qui fait le magnétisme de Tullycraft. Mais si j’ai décidé d’écrire sur The Singles, une compilation parue en 1999, c’est que je crois que de trop nombreux hits de Tullycraft ne peuvent être passés sous silence. Lorsque les gentils essaient d’être inquiétants, lorsque la pop indé tend vers le garage, lorsque Tullycraft veut cogner comme Pavement, je ne peux me taire.
23 morceaux composent cette compilation, c’est trop pour tous les passer en revue. Et puis, beaucoup des singles de Tullycraft sont des reprises, on retrouve notamment plusieurs fois les traces des Judies, mais j’en reparlerai ! “Skyway” introduit donc la danse, déjà avec un rythmique très représentative de la musique des Tullycraft qui, on le sent bien, emprunte beaucoup au punk cheesy de la fin 77. Et puis, vient immédiatement “Superboy & Supergirl“, le plus grand hit de toute la disco’ des Tully, le genre de titres qui peut convertir des foules au mouvement.
“Pop Songs Your New Boyfriend’s Too Stupid To Know About“, c’est le premier titre à avoir fait connaître le groupe. C’est l’un des plus punk, pas vraiment l’image que l’on se fait du gendre twee idéal. Et j’y crois beaucoup à cette théorie de la stupidité :
True he likes the Breeders
He thinks Green Day’s pretty swell
But what about the Bartlebees and Neutral Milk Hotel?
It’s okay for a sunny day but that Sting album won’t do
So when I play you Allen Clapp, you’ll know baby I love you!
Vient alors “Pink Lemonade“, une chanson d’amour déguisée-mal déguisée. Oh, mais je veux surtout vous parler de “Bailey Park“, mon immense coup de coeur, un titre pour dépasser les décennies, dépasser la romance au profit de l’amour. On se voit dans ce parc (Winston-Salem, NC), avec la belle Shady Lane, à ne savoir quoi lui dire pour la séduire encore et toujours. Elle n’est pas acquise, Shady Lane veut être séduite et les Tullycraft nous donnent finalement la formule magique : il faudra varier, comme le fait ce titre, il faudra fesser, comme il le fait aussi, enfin, il faudra être mielleux, comme le montrent les choubidouwa. Twee et punk, twee et punk !
Souriez, vous êtes filmé, for Christ’s sake! “Josie” veut être dans un groupe de punk. Josie veut sauver le rock’n’roll, le salut viendra des femmes, Tullycraft l’a toujours dit, après les Ramones de Sheena. C’est un autre hit, un absolu de la décennie. “1st String Teenage High“, plus paisible en apparence, vient nous dire que New York est la meilleure ville sur terre, et s’il ne parle pas de New York, on fait tout comme. Tullycraft est punk rock !
“Not Quite Burning Bridges” est tout aussi efficace, sa batterie jazzy, ses paroles nonchalantes, sa touche cheesy, c’est du Tullycraft en puissance, avec poésie. Et un nouveau hit débarque sur “Piano Lessons For Beauty Queens“. À ce stade, il faut remarquer à quel point Tullycraft fait la parfaite transition entre le punk 77′ et l’incuriosité des 90s.
“Stay Cool I’ll See You This Summer” ne peut être parlé sans que je mentionne Pavement. Encore et toujours, le plus grand, l’unique. “Falling Out Of Love” et “Guyana Punch” ont une apparence plus ancienne, il faut dire que les Tullycraft font un nouvel hommage aux Judies. La ligne de basse est géniale. Et il en va de même sur “She’s Got The Beat“, autre morceau des Judies, assez fidèle à l’original. Il est très efficace, mais ce n’est pas ce qui fait l’essence des Tullycraft.
“They’re Not Trying On The Dance Floor“, they’re just moving slow. C’est l’histoire des gens qui sont trop fiers pour danser. Tullycraft les dénonce avec toute la gentillesse du monde, surtout, avec une balade pop à enseigner dans les écoles de balades. “8 Great Ways” montre du doigt la scène pop punk, un peu comme “Look How We Killed The Riot Grrrls“. Impossible de trouver des infos sur l’histoire de ce morceau. Le fait est que les Riot grrrls n’étaient pas encore mortes à l’époque, mais qu’elles n’allaient pas tardé à l’être – au sens de mouvement social, tout du moins. “Loveless” nous donne l’amour d’une belle conclusion, avec couché de soleil et tout et tout. A moins que ce ne soit l’inverse, Tullycraft suggère qu’une vie sans amour, c’est une vie qui s’appelle liberté.
Twee et punk, twee et punk, twee et punk, twee et punk, punk et twee, twee et punk, twee et punk ! La formule est imbattable, elle n’a jamais été imitée à ma connaissance, parce que trop singulière. Difficile toutefois, avec le recul que les années imposent, de savoir quelle a été l’influence de Tullycraft sur la scène locale. Il est trop peu cité dans les compilations de l’époque, peut-être que le DIY lui a joué des tours. Et une chose est certaine, très peu de groupes contemporains se réclament de l’influence de Tullycraft. Mais qu’importe. le groupe a produit de nombreux chefs-d’oeuvre, les amateurs nineties ne peuvent les négliger plus longtemps, et un jour, on sera tous des twee heureux avec nos albums de rock’n’roll à la main.
Souvent, je me questionne sur la relation – poule et l’oeuf – de l’artiste et du mouvement. Le premier est-il une simple représentation du second, ou peut-il en être à l’origine ? Avec Tullycraft, pour une fois, je pencherai pour la seconde possibilité. Alors, vive les twee, vive la Reine d’Angleterre, vive les UFO.
(mp3) Tullycraft – Bailey Park (1995)
(mp3) Tullycraft – Superboy & Supergirl (1996)
Tracklist : The Singles (Compilation, Darla Records,1999)
1. Skyway
2. Superboy & Supergirl
3. Pop Songs Your New Boyfriend’s Too Stupid To Know About
4. Pink Lemonade
5. Bailey Park
6. Pedal
7. Josie
8. 1st String Teenage High
9. Not Quite Burning Bridges
10. Piano Lessons For Beauty Queens
11. Stay Cool I’ll See You This Summer
12. Falling Out Of Love
13. Guyana Punch
14. She’s Got The Beat
15. Break Seaside
16. Maybe Baby
17. Heroes And Villians
18. They’re Not Trying On the Dance Floor
19. 8 Great Ways
20. Crush The Scene
21. Look How We Killed The Riot Grrrls
22. Loveless
Liens :
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