Oops, je l’avais pô vu. Ou plutôt, je l’avais vu, mais sans le voir. Ian Sweet, c’est un groupe new-yorkais qui est mené par Damien Scalise, Jilian Medford et Tim Cheney. Son premier album, Shapeshifter, est paru l’an dernier sur Hardly Art, et à défaut d’avoir sélectionné les bons singles – d’où mon loupé et cet article de rattrapage imposé – il contient plusieurs titres de bubblegum psychée qui font de lui l’un des meilleurs groupes du genre. Si ce n’est le meilleur.
La musique de Ian Sweet, en plus d’être psychédélique, est aussi expérimentale, non pas seulement parce qu’elle est noisy et que l’on tend souvent à associer ce qui l’est avec l’expérimentation, mais parce que ses morceaux sont déconstruits. Ian Sweet a pris ce qui fait la substance d’une chanson de pop nineties, il l’a brisé et a recollé les morceaux dans un désordre-ordonné. Ce chaos d’un nouveau genre ne tardera pas à enfanter, ce qui m’amène à parler de la sensualité très violente de ce groupe.
On a tendance à associer ce qui est sensuel avec ce qui est placide, un cours d’eau qui nous berce au son d’une nature reposante. Mais Ian Sweet s’y oppose. Ian Sweet est violent et il joue sur cette contradiction qui, finalement, pourrait bien trouver son salut dans un peu beaucoup de sexualité. A ma connaissance, seule Blonde Redhead est parvenu à confondre le sensuel avec l’impétueux. Ajoutez désormais Ian Sweet à cette très courte liste.
“Pink Marker” est une introduction qui fait craindre la mignonnerie vomissante. Mais n’ayez crainte, Ian Sweet n’est pas un nouveau projet à la CocoRosie. Violent, ai-je dit ! “Slime Time Live” débute comme un titre très mécanique, de la pop à la Tim Presley. Si cet aspect est conservé tout au long du morceau, il se trouve rapidement écrasé par une instru’ tout à fait ronde, charnue, voluptueuse. Le ciel se noircit sur la dernière ligne droite et l’on comprend alors que Ian Sweet est parti dans les sphères cauchemardesques de Tame Impala, là-bas, très loin !
“#23“, c’est quelque chose d’autre, de l’essence de spleen encapsulé dans 4 minutes de pop psyché qui laissent résonner les premières détonations. La ligne de basse rappelle Pond, sans cette grandiloquence mal placée. Ian Sweet nous asperge de couleurs, il y en a presque trop et l’on trouve finalement notre compte dans cette surenchère illimitée.
“2soft2chew” renoue avec l’ardeur des premières intonations, comme un subterfuge par introduire une batterie plus jazzy. Et puis, peut-être est-ce aussi une façon de nous préparer à ce que je qualifierai de chef d’oeuvre : “Cactus Couch“. Ce titre, c’est celui qui aurait dû se classer dans le top 20 de l’année 2016, sans conteste. La seconde moitié le classe parmi les meilleures phases psychédéliques des années 10’. On ne parle plus de feu d’artifice, mais de dizaines de détonations, du grand art.
Ma relation avec “Shapeshifter” est plus difficile. Ian Sweet est plus mélancolique, plus minimaliste aussi, mais je crois qu’on le préfère tout de même avec son trop-plein. Vient alors “All Skaters Go to Heaven“, le single de cet album. Non pas que ce morceau soit mauvais, mais il manque un peu de ce génie créatif des premiers titres de Shapeshifter. Heureusement, Jilian Medford y est envoutante.
“Knife Knowing You” parvient à faire ce que Ian Sweet semble rechercher, par intermittence, depuis le début de son LP : composer avec un peu de quiétude. La texture sonore de ce morceau fait tout, je ne sais pas quel est son rendu en live, mais il est ici magnétique. “Quietly Streaming” a quelque chose de Mourn – est-ce du post-punk, peut-on parler de “post-punk” en 2017 ? Toujours est-il qu’il est moderne et suffisamment noisy pour nous faire de l’oeil. Le dernier, c’est “Pink Marker 2“, un titre entubé plus que de mesure.
Au final, Ian Sweet est une excellente découverte pour qui s’intéresse à la scène psychédélique, à la bubblegum pour weirdos ainsi qu’à la pop déstructurée. Le groupe m’a été donné à l’occasion d’une écoute de la compilation Bedroom Recordings, Demos, Rarities, Unreleased, and Widely Ignored Material que Hardly Art vient de faire paraître. Et voilà que le label, une fois encore, s’affirme comme l’un des tous meilleurs au monde.
Ian Sweet devrait rapidement nous donner quelques nouvelles. Cet album nous émoustille trop donner le droit au groupe de ne pas reprendre rapidement son téléphone rose à la recherche de quelques sucreries expérimentales. Et “Cactus Couch” de nous emmener dans les cieux de la musique psychée, encore et toujours.
(mp3) Ian Sweet – Cactus Couch
Tracklist : Shapeshifter (LP, Hardly Art, 2017)
1. Pink Marker
2. Slime Time Live
3. #23
4. 2soft2chew
5. Cactus Couch
6. Shapeshifter
7. All Skaters Go to Heaven
8. Knife Knowing You
9. Quietly Streaming
10. Pink Marker 2
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