Je n’ai jamais caché mon intention de défendre certains groupes plus que d’autres. La presse se gargarise souvent de sa “grande et belle objectivité”, mais c’est un leurre qui me semble peu intéressant, parce que désengagé et mensonger.
J’ai donc, au fil des articles, laissé une immense place au Mac DeMarco de ses débuts (voir l’article), à King Krule, à Murals, à Total Slacker ou plus récemment encore à Post Animals (article). A l’évidence, Dr Chan intègre cette petite liste des groupes qui me semblent mériter tout l’or du monde, parce qu’il apporte un décalage à la scène actuelle et parce que sa musique a un but véritable. Il se trouve qu’il est français et que je connais ses membres, c’est comme ça, mais croyez bien que mon article ne serait probablement que plus élogieux s’ils avaient été Russes. Bien évidemment, une partie de la “scène parisienne” – ce drôle de microcosme – connait déjà Dr Chan pour ses nombreux concerts dans les salles de la capitale. Je pourrai donc destiner cet article au reste du monde, mais en réalité, tous ceux qui croyaient connaître Dr Chan vont également s’en prendre une belle.
Vous le savez, Dr Chan est un groupe originaire du 14ème arrondissement de Paris – c’est pour lui une fierté, ce pour quoi je le précise ici. Il a fait paraître un premier album l’été dernier, Mental Dhead, dans lequel on y trouvait un groupe déterminé, souvent brillant et taciturne. Cet LP avait eu son petit effet sur la scène parisienne, mais était resté confiné aux quelques amateurs du genre garage.
Good news, Dr Chan reviendra le 24 février prochain avec un nouvel, $outh$ide $uicide, que j’ai l’honneur de vous présenter en avant-première mondiale et intergalactique. Soutenu par Stolen Body Records, il est clairement l’un des meilleurs LPs de garage que j’ai eu l’occasion de découvrir depuis quelques années. Désolé pour le statement. Je dois dire que j’étais pourtant sceptique lorsqu’Alexin Huysmans, leader du groupe, m’a envoyé ses premières démos l’été dernier. Il s’agissait, a priori, d’un album de garage sur lequel il avait décidé de poser un flow hip hop inspiré de la Floride. L’idée semblait bonne, mais trop de formations se cassent les dents sur des originalités qui deviennent inaudibles ou trop banales une fois mise à l’exécution – au choix.
Boy oh boy, j’avais bien tort de douter. $outh$ide $uicide, c’est une forme artistique qui est réellement unique, à se demander pourquoi aucune autre formation ne s’y ai jamais essayé. Super crade – oubliez le clodo du coin de la rue -, super brut et super agressif, il est en fait une sorte d’explosion sans fin, une détonation de plus de 30 minutes qui égale les phases les plus violentes de John Dwyer. Le flow, quant à lui, est inspiré par $uicideboy$, un rappeur qui ne décevra pas les amateurs de rap for gang, façon Freddie Gibbs nerveux. Il y a aussi du garage punk super psyché et noisy, des secondes plus pop qui font écho à l’esprit hip hop des années ’90, des phases instrumentales qui renvoient Sugar Ray Robinson dans ses cordes et du slacker ala Fidlar.
N’est pas docteur en langue urbaine qui veut, je vous propose donc d’entrecouper cette chronique de quelques définitions “Urban Dictionary” qui éclairent elles aussi sur le message de cet LP – qu’elles aient ou non un rapport avec la définition “officielle”. Ca ne sert – en réalité – pas à grand chose, mais ça me fait plaisir.
“SANnnnK$$$ ($outh$ide $uicide (From XIV WTH LUV))” introduit le carnage. Oubliez la bande-son de massacre à la tronçonneuse, Dr Chan va faire tout ça avec une élégance que vous ne connaissiez pas jusqu’alors. Je le dis d’entrée, écrire une chronique track-by-track de cet album est particulièrement peu aisé dans la mesure où chacun d’entre eux constitue un hit capable de décapiter la Reine d’Angleterre à sa seule écoute. Au risque d’être répétitif, je me lance quand même, après tout, les films d’action se résument eux aussi à une série de bim bam boom et ils semblent avoir leur petit succès.
En réalité, ce genre de morceau est la raison d’être de Still in Rock, il transcende quelque chose de plus puissant que l’arme nucléaire que lorgne Donald Trump depuis 1 mois déjà. Ça va déjà très vite, mais nous n’en sommes encore qu’à l’introduction. Pour le reste, voir “Sank: The act of hitting a person with a karate chop to the trachea whilst they are midway through a sentence and exclaiming “Sank!” as you hit their neck“. On enchaine immédiatement avec “HANnnnK$$$ (Lookin 4 Da $in)“, un joyeux foutoir dans lequel Alexin s’impose en Maitre des lieux. Toute la structure du morceau est tournée autour de sa voix, un véritable maitre de cérémonie qui commande l’arrivée des guitares. La batterie, comme sur le reste de l’album, cogne très fort là où ça fait du bien. La production est parfaite.
“CRANnnK$$$ (Youth $oOO Cranky)” semble pour sa part introduire le Dr Chan de son premier EP, à la limite avec un son jangle pop qui rappelle la scène américaine de Bare Wires. Ne vous fiez pas aux apparences, car si “CRANnnK$$$ (Youth $oOO Cranky)” est assurément le titre le plus pop de tout l’album, il s’inscrit en pleine continuité avec les morceaux qui l’entourent et qui semblent l’avoir perverti dans un refrain qui vous restera plus longtemps en tête que les voeux prononcés à l’enterrement de votre chien. On ne sait si ce morceau évoque “the sexual act of tossing salad when extremely angry or upset” où le Crunk – ce rap du dirty south -, une chose est sure, il va plus loin que le programme Apollo.
“PRANnnK$$$ ($o $orry)“, c’est le niveau supérieur, un morceau à écouter en 2040. Ceux qui ont aimé les premiers Arctic Monkeys – ben ouais – se souviendront que le groupe originaire de Sheffield a fait de la musique avant de devenir une bande de mannequins ambulants. Prank: Nowadays a prank means saying provocative shit to someone, while secretly recording them, and then screaming “it’s a prank, bro, it’s a prank” when you elicit a violent response.” Dr Chan exploite son univers, le flow hip hop fait parfaitement sens et le groupe a trouvé comment maintenir une énergie garage qui donne plus d’adrénaline qu’un camion de Redbull.
“DRANnnK$$$ (Nothin 2 $ay)” est une belle façon de rappeler la pop de ses premiers amours, même si $outh$ide $uicide entend l’éliminer plus que la mettre à l’honneur. On y retrouve une animosité digne d’un DeNiro dans un film des années ’70. Quant à la définition de Drank, voyez plutôt : “purple stuff, oil, sizzurp, whatever you wanna call it. Is a codine and promithazene mix that people from the south and H-town sip and sell“.
Asseyez-vous confortablement, on repart pour un tour avec “FRANnnK$$$ (I Can’t Change)“. Plus en contrôle – c’est pile ce qu’il fallait à ce moment de l’album – il ne perd jamais le fil conducteur qu’un refrain noisy vient nous recracher au visage. Ecoutez bien la production sur la guitare qui, pour une fois, prend le lead sur la partie vocale. Et dire que Dr Chan nous ressert un peu d’amour, discretos : “a male who is extremely charming in manner because of their gentleman behavior, also has good looks and thinks that women are better then men, has high pain tolerance and like it kinky“.
C’est à l’écoute de “BLANnnK$$$ (Bloody No$e)” que j’ai pour la première fois compris que cet album marquerait mes années 2010′. Je ne crois pas qu’il faille y voir une dénonciation de la blank generation, mais j’en profite pour noter à quel point Dr Chan est tout SAUF blank. Nul besoin de lui dire quelle image le groupe doit projeter, il n’aurait sinon pas risqué de mêler ce rap east coast avec une production digne de Ty Rex et une batterie parfois inspirée de King Gizzard.
“SHRANnK$$$ ($till DRANnnK$$$)” ne laisse pas redescendre la tension d’un chouia. Avec Shrank, on parle de “1. something shitty; 2. something or someone that is uncool, lame, disgusting or gross“. Surtout, on y entend un garage punk que Dr Chan pulvérise à plusieurs reprises avec Beat inlassable. On tombe ici dans l’immense Block party que la ville de Paris ne permet plus de faire depuis 40 ans. Et puis, allez, je glisse également cette autre définition de shrank, pour le plaisir : “When your favorite pants shrink in the dryer and you still want to wear them so consequentially your balls hurt the next day from wearing them“.
“YANnnnK$$$ (LifeI$NotFun)“, enfin, porte le coup de grâce à tous ceux qui ne sont pas encore tombés dans la même folie que le type de 10 Cloverfield Lane – sous terre. Bien entendu, son final est une énorme claque qui trouve une place à part dans notre bibliothèque des phases les plus géniales que l’on ait pu entendre depuis la Présidence de François Hollande 1er du nom. Une fois encore, la prod’ est irréprochable, Dr Chan fait mouche avec quelques mots qu’il lâche à la façon de “dirty dozens” bien trouvés. La guitare donne raison à la scène punk de Bad Brains.
Dee Dee l’a tenté, Dr Chan l’a fait ! Le bassiste des Ramones avait fait paraître un album “hip hop” qui emportait un peu de rock’n’roll malgré son style B.Boys. Intitulé Standing in the Spotlight, la presse de l’époque s’était beaucoup amusée – à juste titre – de cette petite aparté dans la discographie du grand Dee Dee. Avec $outh$ide $uicide, Dr Chan réconcilie deux univers qui n’ont que trop peu interagit durant ces 30 dernières années, ce qui est plutôt… ÉNORME !
Au final, cet album est un ovni qu’il serait difficile de classifier. Peut-être s’apparente-t-il aux Cramps qui rencontre une bande de jeunes junkies, ou d’un Stooges/Fidlar qui s’acoquine avec Triple 6 Mafia. Peut-être est-il la musique d’un monde alternatif où les styles artistiques – et musicaux – interagiraient véritablement les uns avec les autres. Une chose est sure, le seul nom de Dr Chan suffira désormais à évoquer un style musical que lui seul peut définir.
Dr Chan is a band from the 14th district of Paris – it’s a pride for them, that’s why I’m pointing that out. They released a first album last summer, Mental Dhead, in which we found a determined band, often brilliant and taciturn. This LP has made a mark on the Parisian scene, but remained restricted to the few fans of the garage style.
Good news, Dr Chan is coming back this 24th February with a new album, $outh$ide $uicide, that I’m honored to present you as a world and intergalactic premiere. Supported by Stolen Body Records, it is clearly one of the best garage LPs that I have discovered this last couple of years. Sorry for the statement. I must say I was a bit skeptical when Alexin Huysmans, the leader of the band, sent me his first demos last summer. It was, a priori, a garage album on which he had decided to use a Florida-inspired hip-hop flow. The idea seemed alright, but too many groups failed because of such originality that became inaudible or unremarkable once executed.
Boy oh boy, how wrong I was to doubt. $outh$ide $uicide is a truly unique artistic creation, which makes us wonder why no other band had tried it before. Super dirty – forget about the homeless down the street – super raw and super aggressive, it’s actually some sort of never-ending explosion, a 30-minute long detonation that equals John Dwyer’s most violent phases. The flow is inspired by $uicideboy$, a rapper who won’t disappoint the rap for gang lovers, like a nervous Freddie Gibbs. There’s also some greatly psychedelic and noisy garage punk, some more pop sections that recall the spirit of the late-90s hip hop, instrumental phases that put Sugar Ray Robinson back in his place, and slacker à la Fidlar.
“SANnnnK$$$ ($outh$ide $uicide (From XIV WTH LUV))” announces the massacre. Forget The Texas Chainsaw Massacre OST, Dr Chan will take care of it with elegance you didn’t know until now. I’ll say it right away, writing a track-by-track review for this album is particularly difficult in so far as every single one of the said tracks is a hit that could behead Elizabeth II just by listening to it.
Actually, this kind of track is Still in Rock’s raison d’être, it transcends something more powerful than the nuclear weapon Donald Trump has been looking at for more than a month already. It goes very fast, but we’re still just at the introduction. It continues with “HANnnnK$$$ (Lookin 4 Da $in)”, a merry mess in which Alexin establishes himself as the leader. All the structure of this track is built around his voice, a true Master of Ceremony who commands the arrival of the guitars. The drums, like on the rest of the album, hit loudly on the right spot. The production is perfect.
“CRANnnnK$$$ (Youth $oOO Cranky)” seems to introduce the Dr Chan from their first EP, almost with a jangle pop sound that reminds of the American scene lead by Bare Wires. Do not trust appearances, because while “CRANnnnK$$$ (Youth $oOO Cranky)” is without doubt the most pop track of the whole album, it is a straight continuation of the songs surrounding it which seem to have perverted it in a chorus that will remain in your head for way longer than the eulogy delivered during the burial of your dog.
“PRANnnnK$$$ ($o $orry)” is the higher level, a song to listen in 2040. Those who loved the first Arctic Monkeys –well, yeah – are going to remember that the Sheffield band used to play music before becoming a group of fashion models. Dr Chan takes profit of its own universe, the hip hop flow makes perfect sense and the band has found how to keep a garage energy that gives more adrenaline than a truckful of Redbull.
“DRANnnnK$$$ (Nothin 2 $ay)” is a great way to recall the pop of our youth, even if $outh$ide $uicide aims at getting rid of it rather than putting it in the spotlight. We can even find an animosity coming straight from De Niro in a 70s film.
Sit tight, here we go again with “FRANnnnK$$$ (I Can’t Change)”. Controlling more – that was the right thing to do at this point – it never loses the common thread that a noisy chorus throws right back to us. Give a listen to the production work on the guitar, which, for once, takes the lead over the vocal parts.
It was when I heard “BLANnnnK$$$ (Bloody No$e)” that I first understood why this album would lay a mark on my 2010s. I don’t think we have to hear a denunciation of the blank generation, but while we’re at it, let me point out how Dr Chan is anything BUT blank. Needless to tell them what image the band should transmit, otherwise they wouldn’t have taken the risk of mixing this east coast rap with a production worthy of Ty Rex, and these drums, sometimes inspired by King Gizzard.
“SHRANnnnK$$$ ($till DRANnnK$$$)” does not let the tension get down a single bit. We fall into the huge Block party that the City of Paris has not allowed to throw in 40 years.
“YANnnnK$$$ (LifeI$NotFun)”, finally, strikes the final blow to those who hadn’t fallen into the same craziness as the 10 Cloverfield Lane guy – underground. Of course, the final is a huge blow that finds a unique place into our collection of the most amazing phases we heard since François Hollande’s presidency. Then again, the production is flawless, Dr Chan hits the bull’s eye with a few words he hurls in a “dirty dozens” way. The guitar proves the Bad Brains punk scene right.
In the end, Dee Dee tried it, Dr Chan did it! The Ramones bassist had released a hip hop album that carried a bit of rock’n’roll, despite its B.Boys style. Named Standing in the Spotlight, the press got amused – understandably – by this brief digression in the Great Dee Dee’s discography. With $outh$ide $uicide, Dr Chan reconciles two universes that have not interacted enough during the last 30 years, which is rather… HUGE!
This album is an oddity that would be hard to classify. Maybe it’s in the likes of the Cramps meeting a group of young junkies, or The Stooges/Fidlar teaming up with Triple 6 Mafia. Maybe it’s the music of an alternative world where artistic – and music – styles truly interact with each other. One thing is for sure, the name “Dr Chan” will now be enough to mention a music style that only they can define.
Post a comment